Randonnée jijélienne : Un Achora à Choba. Par Karim Hadji.
Destination: Ziama, l’antique Chobae Minicipium dont il ne reste absolument rien du tout. Pourtant elle aurait du être un joli petit site pour l’archéologie algérienne et le tourisme jijelien.
Par Karim Hadji, décembre 2012
Le départ
Nous sommes le samedi 24 novembre 2012, jour de week-end et autant jour férié pour nous. C’est journée de fête de l’Achoura c’est-à-dire le dixième jour de la nouvelle année hégirienne.
Tôt le matin j’ai pris le petit déjeuner exclusivement avec de la « Bouicha », un met jijelien composé de « dchich, de dattes et d’huile que l’on cuit dans un bain marie » et que l’on prépare à cette occasion. Je vous en parlerai un jour si vous le désirez. Puis je me suis orienté dès lors vers la gare de Jijel pour prendre le bus en direction de Ziama. Précisément à Azirou pour jeter un regard nouveau sur les restes de vestiges de la cité perdue de Choba.
À l’intérieur du bus, j’ai volontairement pris la place qui pose un regard sur la mer pour admirer les paysages matinaux. Et par l’occasion, parcourir de nouveau la corniche côté rivage tout en évitant les rayons d’un soleil qui s’élève de plus en plus. Des halos de lumière éclaboussent déjà les vitres du côté opposé. Nous dépassons promptement Ouled Bounar encore endormi. Après les criques, un panorama crève nos yeux lourds. Ils devinent la plage du grand phare, un fin liseré brun sombre contrastant avec les lueurs bleues et froides du matin, la mer très calme et bleu-noire nappant la presqu’île aux ocres naissants. Le signal du phare est éteint depuis peu, une tache rouge persiste au dessus des murs grisés du bâtiment.
On passe Kissir puis Andreu et la plaine de Bourchaid (Abadie), notre bus ne s’arrête pourtant pas à Cavallo. Personne n’attend sa venue. Quelques dizaines de mètres après la station service, circulant dans une ombre humide, on entame les méandres de la corniche aussi pittoresque à cette heure-ci qu’au cours de la journée. Des palettes sombres de verts et de bleus qui n’en finissent pas.
À côté des falaises déchiquetées et pentues à merci, la mer transgresse la couleur azuré du ciel qui s’illumine. Par sa platitude, elle ironise sur les échancrures béantes de la terre redressée. Tout au long du trajet, de multiples images flash nous accompagnent sans que l’on puisse s’arrêter pour en apprécier les charmeurs.
Le petit phare de Tafelkout est posé dans la baie de Cavallo, de loin on dirait une croix au dessus d’un monastère, il indique cependant des haut fonds très dangereux. Un peuple de mouettes s’agrippe sur les flancs abrupts et volcaniques d’une falaise rongée par les eaux. Quelques « orgues basaltiques» prismatiques, dénoncent les anciennes coulées de lave en émergeant ça et là ou en s’invitant sur de menus îlots.
Notre arrivée aux Aftis coïncide avec l’ouverture des boutiques ; le soleil absent depuis, éclaire chaudement le cargo TIII resté échoué sur la rive. La couleur rouille de sa carène est plus que naturelle, celle bleue des autres parties du bateau s’étiole de plus en plus. Le car stoppe près de la « libraire des Aftis». Derrière à quelques coudées, de jeunes enfants jouent au foot sur le terrain gazonné qui surplomb la grève de gros galets. On distance l’hôtel et le camp de toile ou est dessiné sur sa porte d’entrée fermée un sigle très étiré de la Sonatrach. La fin des sables indique le détour vers Taza. Quand on y pense, un petit tunnel à travers le djebel El Haouita aurait facilement suffi à marier les deux villages voisins des Aftis et de Taza et éviter un long détour tout en épargnant à la grotte de Taza (Madeleine) des allers et venus des véhicules qui finiront par la dégrader.
Réfléchis toujours tu m’intéresse, me dirait-on en haut lieu. Je cesse de penser car on est au stop.
L’autocar redémarre, il continue à zigzaguer et à se hasarder sur la route sinueuse placée sur une poche de Gruyère définissant le Karst jijelien. On butte sur Taza. Cependant, je vous l’affirme, Taza ne mérite pas que l’on s’y attarde. Pas de paysage, pas de vue. Le littoral est squatté par les constructions, les entrepôts et les chantiers.
Taza tourne le dos à la mer sans assurer sa paysannerie. Accrochée à ces préhistoires qu’elle n’arrive point à surpasser, prise entre les entrailles du djebel El Korn, encore des cornes, et les ventres successifs des grottes qui l’ont fait découvrir : Ghar el Baz (grotte de l’Épervier), Kbar es Sbaâ (aven du Lion), Grotte de Taza ; elle souffre sans guérir d’une archéologie édulcorée. Je vous le dis, il faut que les gens fassent des efforts pour l’aider. Passons.
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Heureusement qu’on atteint la plage des grottes merveilleuses (Ghar Laâdjeb, eh oui c’est le nom ancien). Elle nous sauve de l’handicap passé et des clameurs dépassées. Je vous fais une confidence en tant qu’adepte de la photographie, pour immortaliser le paysage des « grottes merveilleuses» en image, il faut s’installer de bon matin, quand le soleil caresse les pentes obliques et boisées du djebel El Hamra, rouge que par le nom, et irise une mer non éclaboussée par l’aube.
Ici la corniche mérite les superlatifs de côte d’émeraude, d’opale, ou de jade. Quand les bleus et les verts s’étreignent à la belle saison. Aujourd’hui, une langue de limons bruns, charriés par l’oued Dar el Oued, comme si l’on peut bâtir une maison sur un oued, déborde du rivage et ranime l’atmosphère froide et bleutée du panorama.
On saute rapidement le viaduc et le tunnel de Dar el Oued. De Tizrarane on est vite à Ziama Mansouriah. Deux minarets d’une même mosquée nous honorent. Au dessous, en direction de la mer, un long boulevard démarrant du port est en construction.
Les anciennes constructions n’ont pas changé, suite de commerces comme l’on voit en Algérie, en plus simple, brochettes, pains, café, épicerie, quelques réclames sur les murs, ceux de Djezzy et une, anachronique, vantant les mérites de la pile Wonder d’un siècle usé. Il ne reste que Blek pour que l’on s’incarne dans les années soixante-dix. Le bus s’arrête, on descend.
Le soleil n’a pas déjà visité Mansouriah. Le djebel Brek l’en empêche. Il y a une telle humidité que l’on se sent mouillé. Mais les habitants circulent comme si rien n’était. Le soleil ne saluera leur ville que vers onze heures. Je ne l’attends pas, je rends hommage à Mansouriah et je reprends un autre bus pour Azirou.
Chobae
Partie du mur byzantin à Choba
On y est, j’arrive à Ziama, l’antique Chobae Minicipium dont il ne reste absolument rien du tout. Pourtant elle aurait du être un joli petit site pour l’archéologie algérienne et le tourisme jijelien. Les destructions l’ont entamées, depuis les burins français jusqu’au béton algérien. Ce que je n’arrive pas à comprendre, pourquoi les autorités algériennes continuent-elles d’ériger des structures à l’intérieur du mur d’enceinte de Choba malgré les recommandations des journées d’étude, séminaires et tutti-quanti. La problématique reste donc posée.
Que suis-je alors venu faire ici ?
L’esprit de l’archéologue, si j’en suis un, ne désespère point. Comme il y a de plus en plus de constructions, j’ai pensé que l’on peut dénicher de nouvelles inscriptions ou d’inconnu monument archéologique révélé par les remous de terre.
Avant de venir et pour m’imprégner de l’histoire très fragmentée de Ziama, depuis des semaines, j’ai lu et relu les descriptions de Choba Municipium faites par le capitaine Pousset au début du 20e siècle. Plongé dans ces descriptions, je voulais comme mes prédécesseurs si chanceux, essayer de cerner les limites de la cité, celles des structures annexes comme le port et le temple de Neptune, disait-il, qui le surplombait, et pourquoi-pas retrouver une ancienne inscription. La tâche n’est pas facile, les terrains, vous en convenez, ont changé de nature. La presque totalité du site antique est bâti. Seuls les environs de l’oued et de la mer sont restés en l’état. Là ou existait, disait-on, un port antique dont on aperçoit facilement les reliques si l’on met patiemment l’œil.
Pour commencer, je me dirige vers la cité Azirou, non sans avoir acheté une baguette de pain pour le repas de midi. Heureusement que l’on ne réfléchis pas qu’à cela. Mais tout de suite, je suis remis au goût des frustrations qui nous poursuivent ; la seule porte qui était restée encore debout est effondrée. Bonjour les dégâts. Je n’ai pas voulu la prendre en photo pour en laisser une image positive que j’ai eu à apercevoir lors de ma dernière visite. Une mosquée a été construite tout près. Je m’achemine vers le mur d’enceinte espérant revoir l’inscription portant le cognomen "Barbaranus". Elle n’y était pas, renseignement pris, elle est entreposée en lieu sûr. Soulagé comme lors d’une grande inspiration après asphyxie(…).
La suite de cette passionnante randonnée (illustrée)
Karim Hadji, sur son site Jijel-archeo