Paranoïa : "les bourourous du désert"
Gros titre sur fonds noir en une de l’Expression: “La marche qui fait peur à l'Algérie”. Chapeau de l’article dans la foulée: “La colère du Sud angoisse le Nord. La marche prévue aujourd'hui à Ouargla suscite de vives craintes”.
Après la Kabylie pendant longtemps, ce sont les chômeurs des régions du Sud qui sont agités comme des croquemitaines, des « bourourous » du désert … Voilà donc la machine brinquebalante de fabrication de l’ennemi intérieur qui se met en route. La technique est très vieille, elle fait aussi partie de l’Adn du système. L’ennemi n’est jamais tapi à l’intérieur du système ! Non, l’ennemi est nécessairement dans la société et agi, consciemment ou non, en collusion avec des intérêts étrangers qui visent à déstabiliser le pays.
Discours certainement paranoïaque mais vraie tradition d’un pouvoir reclus qui adore représenter le pays qu’elle régente comme une citadelle encerclée, héroïquement défendue par le régime. On a désormais un sigle pour le désigner un des assiégeants, l’ennemi c’est le CNDC, le Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC). Il veut organiser une manifestation d’un million de citoyens, une « mélyouniya » le 14 mars? On sait que c’est exagéré, qu’il n’y aura pas un million de personnes mais… peu importe ! Ça tombe bien, l’initiative est, dans la logique spécieuse des communicants officiels, à mettre sur le compte des complots saisonniers ou des révolutions colorées de la CIA… et du Mossad !
Mais voilà que des députés du FFS s’en vont vers le sud pour comprendre ce qui s’y passe et des raisons réelles des colères populaires. Gens de bon sens, ces députés ne croient pas aux informations officielles, ils ont donc eu l’outrecuidance d’aller chercher l’info sur le terrain. La démarche serait pour les porte-voix habituels la preuve indiscutable du complot « ourdi » ! Des députés du FFS qui exercent un mandat national et considèrent que Ouargla, Tamanrasset… les concerne de la même manière que Tizi-Ouzou, Alger ou Oran, cela fait désordre. Surtout quand un responsable du FFS proclame à haute et intelligible voix, que l’on assiste « peut-être à l’émergence de nouvelles élites politiques et sociales susceptibles d’être porteuses de nouvelles évolutions (…) Pour peu qu’on aille au-delà des perceptions subjectives et qu’on ne tombe pas dans les pièges de la singularité ».
Khaled Ziri, 13 mars 2013. Texte intégral : lanation.info