Les organismes publics « préfèrent le produit importé »
Par Farouk Djouadi
Maghreb Pipe peine à vendre ses produits. L’entreprise a investi trois milliards de dinars en 2008 pour monter une usine de fabrication de canalisations en fibre de verre, mais aujourd’hui, elle éprouve d’énormes difficultés à écouler son produit « environnemental ». L’usine tourne à 10 % de ses capacités, notamment parce que le principe de préférence nationale, consacré dans le code des marchés publics, n’est pas appliqué sur le terrain.
Maghreb Pipe avait, à priori, tout pour réussir. Elle fabrique un produit de qualité, respectueux de l’environnement, dans un pays où la demande en canalisations est élevée. Mais l’entreprise peine à écouler sa production, ce qui la contraint à réduire considérablement son rythme de production, avec toutes les difficultés que cela entraine.
A l’origine, Maghreb Pipe, créée en 2004, s’était contentée pendant quatre ans du rôle de représentant exclusif d’un leader mondial dans le domaine de la canalisation. Le patron de la société, Kheir Baâli, avait voulu produire ces canalisations en Algérie, mais son partenaire étranger a préféré en rester à des relations strictement commerciales. En 2008, Maghreb Pipe passe à l’action, en signant un contrat avec un groupe britannique pour l’acquisition d’équipements destinés au montage d’une usine de fabrication de canalisations en fibres de verre.
La réalisation de cette usine, implantée sur un site de quatre hectares dans la zone industrielle de M’Sila, à 400 kilomètres au sud-est d’Alger, a nécessité un investissement de trois milliards de dinars. L’investisseur a visé haut. La capacité de production de son usine est de 300 kilomètres de canalisations par an, avec une gamme de produits allant de 80 jusqu’à 2.600 millimètres de diamètre, destinés pour les chantiers d’AEP, d’assainissement, d’irrigation et tous genres de transferts. « Nous avons fait un acte de courage en décidant d’investir dans la fabrication, mais aujourd’hui, il nous arrive de penser que nous avons commis une erreur », a déclaré Kheir Baâli à Maghreb Emergent.
Et pour cause, l’usine fonctionne à 10 % de ses capacités, faute de commandes. Résultat : cette société, qui emploie 180 travailleurs, « arrive à peine » à couvrir ses charges. « Une usine qui fonction en-dessous de 50 % de ses capacités ne peut pas être rentable », explique le jeune investisseur.
Patientez !
Kheir Baâli affirme que le principe de préférence nationale introduit dans le code des marchés public n’est pas appliqué. Les organismes publics « préfèrent le produit importé », s’est plaint le patron de Maghreb Pipe auprès du ministre des ressources en Eau, Abdelmalek Sellal, lors de l’inauguration du salon SIEE-Pollutec, qui se tient au Hilton d’Alger du 16 au 19 avril. Le ministre a estimé « tout à fait normal » que les gens se montrent «méfiants » vis-à-vis d’un nouveau produit. Il a recommandé à l’investisseur de faire preuve de patience. M. Sellal a également promis d’instruire l’Office national d’irrigation et de drainage (ONID), qui a un vaste programme de canalisations, à s’approvisionner auprès des sociétés nationales.
« Nous avons un grand espoir d’arriver à quelque chose avec l’ONID », a confirmé le patron de Maghreb Pipe qui, en dépit de la faible demande sur ses produits, a entamé une extension de son usine pour en porter la capacité de production à 500 kilomètres par an. Kheir Baâli a insisté sur le fait que la fibre de verre est un matériau « environnemental » qui préserve la qualité de l’eau. Une bonne partie de la matière première est importée, exception faite pour le sable de quartz disponible sur le marché local.
Maghreb Pipe est une filiale du groupe Baâli, qui comprend également Globe-Réalisation et ACI, spécialisées respectivement dans le domaine des travaux de l’hydraulique et les carrosseries industrielles (fabrication de remorques pour camions). Maghreb-Pie est sollicité par plusieurs sociétés étrangères qui souhaitent engager un partenariat, conformément à la règle des 51/49, dans le domaine de la réalisation des stations d’épuration.
Farouk Djouadi, 18 avril 2012. Maghreb Emergent