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Publié par Saoudi Abdelaziz

Olivier Roy. Photo DR

Olivier Roy. Photo DR

20 avril 2011

Olivier Roy, chercheur sur l’Islam contemporain, analyse les récents évènements en Tunisie et en Egypte,  l’évolution en Algérie et dans le reste du monde arabe. Quelques intéressants fragments extraits d’une interview récente (les intertitres sont du blog).

Propos recueillis par Augustin Scalbert, publiés dans le quotidien El Watan du 20 avril 2011.

 

Pourquoi ces évènements maintenant ?

 

« Il y a là un mystère. Cela fait vingt ans que le constat du blocage est fait, et ça explose maintenant.
C’est ce qui me fait dire que c’est un phénomène générationnel : c’est l’arrivée d’une génération qui est née dans la crise qui n’a jamais investi l’islamisme comme une solution à tous ces problèmes parce que l’islamisme faisait déjà partie du paysage politique quand ils sont devenus politiquement conscients. Cette génération n’est pas idéologique.
C’est la génération ras-le-bol, et c’est la fin des grandes idéologies, de toutes les grandes idéologies : islamisme, nationalisme, socialisme arabe. Il y a d’autres choses qu’il faudrait creuser. Par exemple, le pic de la croissance démographique : après eux, la natalité a chuté. C’est le baby boom, ce qui permet une comparaison avec Mai 68.

 

L’attitude des pouvoirs après ces évènements ?

 

« Oui. La première leçon qu’ils ont retenue, c’est la prudence : il ne faut pas partir bille en tête contre ces mouvements, mais essayer de les désamorcer avant qu’ils n’atteignent un effet de masse.
C’est ce que le gouvernement algérien essaie de faire. Mais ces mesures n’empêcheront pas le mouvement algérien de prendre de l’ampleur. S’il n’en prend pas, c’est qu’il y a d’autres obstacles, comme l’effet anesthésiant de la guerre civile. Mais on ne peut pas savoir peut-être que ça alimentera encore plus le ras-le-bol ».

 

Les Islamistes ?

 

« Dans toutes ces révolutions, les islamistes sont absents. Cela ne veut pas dire qu’ils ne vont pas revenir. L’islamisme est fini comme solution politique et comme idéologie, mais les islamistes sont là. C’est donc la grande inconnue. Je vois deux voies possibles qui ne sont pas incompatibles :

-La voie turque : passage à l’équivalent d’une démocratie chrétienne, très conservatrice, mais qui joue le jeu du parlementarisme ;
-ou une sorte d’Opus Dei : un mouvement qui dise : «Nous, la politique, on s’en fiche, ce qui est important pour nous, ce sont les normes religieuses.» Autrement dit, une «salafisation» des islamistes.

Pour comprendre cela, il faut bien voir une chose importante : les islamistes se sont embourgeoisés. Ils sont devenus parlementaristes, mais aussi conservateurs, n’ont plus de projet social et sont donc absents des luttes économiques et sociales. C’est très net en Egypte : les Frères musulmans sont devenus des libéraux en économie.
Ils sont pour les privatisations et contre la grève. Et ça, c’est vrai partout : les islamistes sont dans une fuite vers la morale, les mœurs, la vertu. Ils ne sont plus du tout à même de récupérer un mécontentement social.

 

Les terroristes ?

 

« Il n’a rien à dire car c’est une défaite pour Al Qaîda. Comme Moubarak, Al Qaîda vivait de la polarisation : d’un côté, des régimes pro-occidentaux et, de l’autre, l’Islam. Désormais, Al Qaîda est aussi paumée que Moubarak. Son idée que, «tant que vous n’aurez pas vaincu le Grand Satan par le djihad international, vous ne pourrez rien réaliser dans vos pays», cette idée ne marche pas. Al Qaîda n’a aucune influence idéologique ou sociologique dans ces zones-là. Sa réponse devrait donc être un grand attentat quelque part, s’ils en ont les moyens, puisque c’est à travers cela qu’ils existent ».

 

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