Les dessous des investissements qataris en Algérie
Les impressions du jeudi
Le projet de fabrication de véhicules en Algérie en partenariat avec le constructeur allemand Volkswagen est "en train d’avancer" et suscite l’intérêt d’un fonds d’investissement qatari, a annoncé mercredi à Alger le ministre de l’Industrie, de la PME et de la Promotion de l’investissement, Mohamed Benmeradi. (APS, 2/2/2012)
Comment les Qataris procèdent-ils pour investir ?
Signalons d’abord que le Fonds souverain de l’Emirat qui coiffe l’opération, le Qatar Investment authority (QIA), détient 17 % des actions de Volkswagen. On comprend pourquoi il voudrait que cette compagnie se place avant les autres dans la construction de véhicule.
Le QIA est présidé par le cheikh Tamim bin Hamad al-Thani et disposerait de 85 milliards de dollars d’actifs. Le système financier occidental, en mal de liquidité, puise dans le Fonds qatari. Ainsi, Le QIA est à 6 % du capital d'EADS, 15,1 % du London Stock Exchange, 17% de Volkswagen et détient des actifs dans des dizaines de sociétés dans le monde. Le 31 mai 2011, le fonds souverain rachètait, au groupe américain Colony Capital, 70 % du capital du club de football Paris Saint-Germain et le 23 décembre dernier, il accroit sa mise chez Lagardère franchissant les 10% de son capital.
Les flatteries sur la « puissance qatari », relayées par les médias ne doivent pas cacher son rôle de simple figurant payant dans la machinerie financière mondiale.
L’Emir du Qatar et le pauvre Kadhafi après lui ont été mis sur les fonds baptismaux de la finance internationale par les mêmes parrains, Goldman Sachs et Carlyle. Ces puissants fonds d’investissement lorgnent aussi, depuis longtemps, sur les devises algériennes. Ils mènent campagne, par experts algériens interposés, pour la création d’un Fonds souverain algérien. Carlyle dispose d’entrées efficaces dans nos centres de décision. C’est lui qui, dans les années 90, avait fait désigner Orascom comme premier détenteur de licence de téléphonie mobile, au détriment de notre entreprise publique.
Avant d’être liquidé, le colonel Kadhafi était en train de lancer la même politique d’investissement dans laquelle excelle le Qatar. Le défunt guide avait, comme l'émir, des actions chez Lagardère !
Saoudi Abdelaziz, 2 février 2012
L’article ci-après a paru sur le site Econfin en août dernier. Il trace un tableau chiffré des opérations effectuées par le Fonds souverain créé par Kadhafi.
«L’argent de Kadhafi» a tant irrigué le système financier international…
Par Agence Ecofin
Lagardère, Vivendi, France Télécom, Financial Times, EDF, GDF, Lafarge, Danone, Nestlé, Sanofi-Aventis, Nokia, Siemens, UniCrédit, Telefonica, Deutsche Telekom, Allianz … Les capitaux libyens sont partout. La Libyan Investment Authority (LIA), fonds souverain créé en 2006 est alimenté par les recettes pétrolières, avec des actifs estimés entre 50 et 70 milliards de dollars. Voici le détail de la stratégie d’investissement de la Libyan Investment Authority en 2010 :
Portefeuille actions internationales : 6,8 milliards $
Le portefeuille actions est constitué des participations dans plus de 50 grandes firmes occidentales : Unicredit (premier actionnaire du groupe bancaire italien avec 7,5% du capital correspondant à la participation de la LIA et de la Banque centrale, montant de l’investissement 827 millions $), ENI (investissement de 586 millions $), Finmeccanica (2% du groupe de défense italien), Pearson Plc (participation de 3,25% pour 335 millions $ dans le groupe d’édition propriétaire du Financial Times), Rusal (participation de 1,43% pour 300 millions de dollars), Lagardère (1,19%), Lafarge (1,34%), EDF (0,94%), GDF (0,81%), France Télécom (1%), General Electric (investissement de 291 millions $), 10% de Wienerberger, numéro un mondial de la brique…
Le poids des participations italiennes est important en raison des relations historiques entre les deux pays et de la volonté du « Guide » de peser sur les décisions des dirigeants italiens.)
Produits obligataires : 3,4 milliards $
La gestion de la moitié du portefeuille obligataire est confiée à Nomura, Western et Bank of New York. Environ 1 milliard est placé directement en bonds du trésor américain.
Nous notons aussi des achats d’obligations émises par les agences de développement comme l’Agence Française de Développement (10 millions $), KfW (15 millions $), Asia Development Bank (50 millions $), la Banque Européenne d’investissement (13,2 millions $), la Banque Africaine de Développement (10 millions $)…
Produits structurés, Private Equity, derivés actions : 5,3 milliards $ et de lourdes pertes…
La Société Générale a structuré pour la LIA des produits actions et crédit qui ont recueilli à eux seuls 1,8 milliard. Ces produits ont perdu plus de 800 millions $ au 30 juin 2010.
300 millions $ de perte sèche également sur un produit de Lehman Brothers, Constant Proportion Portfolio Insurance, qui devait assurer une garantie du capital à échéance.
Enfin des pertes importantes sur les produits structurés de Cheyne Capital (spécialiste des hedge funds en crédit corporate, équity et equity-linked.), Permal et Millenium.
Cinq fonds (Carlyle, Goldman Sachs, RBS, ABC Bahrein, Celtic Pharmaceutical) se partagent la gestion de l’allocation dédiée au non coté.
Carlyle qui a recueilli 75,4 millions $ de la LIA est un groupe d’investissement fondé en 1987 par Frank Carlucci, ancien directeur adjoint de la CIA, puis secrétaire à la Défense de Ronald Reagan. Depuis 2003 la direction globale de la firme est assurée par Louis Gerstner, ancien patron d'IBM. Parmi ses dirigeants, consultants et investisseurs, de nombreuses personnalités se sont succédé, telles que George H. W. Bush, James Baker, Georges Soros ou Olivier Sarkozy.
Goldman Sachs (GS), banque d’investissement à l’origine des comptes truqués de la dette grecque, gère pour le compte de la LIA près de 100 millions $. GS est extrêmement influente en raison de la position de ses anciens directeurs : Mario Draghi, ancien président de Goldman Sachs Europe prend la présidence de la Banque centrale européenne et Henry Paulson ancien directeur général de Goldman Sachs est secrétaire au Trésor américain depuis 2006…
La valeur des dérivés (option, put&collar, forward&collar) sur actions (EDF, Citigroup...) de 1,2 milliards $ au moment de l’investissement n’était plus évalué qu’à 20 millions $ au 30 juin 2010.
Filiales consolidées : 16,7 milliards $
Filiale Libyan African Portfolio : 5,1 milliards $
Le Libyan African Portfolio (LAP) dirigé par Béchir Salah Béchir, directeur de cabinet de Kadhafi a pour vocation de réaliser des investissements rentables en Afrique.
Son portefeuille comprend le fonds Libyan African Investment Company (Laico), la compagnie aérienne Afriqiya Airways, l’operateur télécom Lap Green Networks (avec des participations dans Uganda Telecom, Sonitel au Niger, Sotel au Tchad, Rwandatel...), la Banque Sahélo-Saharienne pour l'Investissement et le Commerce…
Filiale Oil Invest : 937 millions $
Oil Invest contrôle le groupe Tamoil principalement actif dans l’aval pétrolier avec une présence en Suisse, Allemagne, Espagne, Pays-Bas et Afrique (à travers OilLybia). Tamoil a réalisé un chiffre d’affaire de 7,5 milliards d’euros en 2009.
Dépôts à terme et cash : 20 milliards $
Les dépôts à termes et de « cash » en devises internationales constituent également une part importante de l’actif de la LIA.
26 août 2011