La gestion de la crise d’Ain Amenas, selon Hamid Guemache
Pourquoi les militaires ont opté pour l’assaut rapide ?
Moins de trente heures après le début de la prise d’otages d’In Amenas, l’armée a donné l’assaut. L’intervention des forces spéciales s’est soldée par la mort de plusieurs otages algériens et étrangers. De nombreux terroristes ont également été tués par l’armée. L’issue dramatique de cette prise d’otages était en réalité prévisible, au regard de la détermination des preneurs d’otages, de leur armement sophistiqué, de la dimension du site et du nombre impressionnant de personnes présentes (plusieurs centaines).
Dès les premières heures de la prise d’otages, l’assaut paraissait inévitable, selon des sources concordantes interrogées par TSA. Il y a d’abord la détermination des terroristes à vouloir quitter le site en emmenant avec eux des otages étrangers. Une option irrecevable pour les autorités militaires algériennes. Une telle situation aurait en effet créé un précédent dangereux, exposant d’autres sites à des prises d’otages, selon une source sécuritaire.
À plusieurs reprises, mercredi soir puis jeudi matin, les terroristes ont tenté de quitter le site avec des otages étrangers. À chaque fois, ils ont été repoussés par des tirs de snipers algériens. Appelés en renfort, les notables locaux ont tenté une médiation. Hier, Knaoui Sidi, un des notables de la région, confiait à TSA que les notables étaient porteurs d’un message : les autorités laisseraient les terroristes partir mais sans les otages. Les notables devaient rencontrer les ravisseurs sur le site.
Mais la tentative de négociation a échoué. Pourquoi ? Sans doute à cause de l’absence de confiance des deux côtés. Parmi les terroristes figuraient de nombreux étrangers qui ne connaissaient pas le fonctionnement et l’influence des notables de la région. De leur côté, les militaires algériens voulaient s’assurer que les terroristes quitteraient bien le site sans les otages.
Rapidement, c’est l’impasse. Les terroristes tentent alors de quitter la base. Six véhicules sortent, avec à leur bord des terroristes et des otages. Les militaires ouvrent le feu. Deux véhicules sont touchés, d’autres dérapent et sont stoppés. C’est la panique partout. Les forces de sécurité investissent le site. L’assaut commence.
En fait, les militaires en charge de l’opération avaient décidé d’en finir très vite. Soit en laissant les terroristes quitter l’Algérie sans les otages, soit en intervenant, même avec un risque élevé de pertes humaines. En effet, à mesure que le temps passait, la pression diplomatique et médiatique s’appesantissait sur l’Algérie. « Il fallait intervenir rapidement pour éviter que cette prise d’otages dure dans le temps. Les pays d’où sont originaires les otages allaient accentuer leur pression et s’opposer à l’assaut », explique notre source.
Les Américains, dont un drone a survolé la zone, ont proposé leur aide logistique. Les Britanniques ont formulé la même proposition. Mais les militaires algériens ont une mauvaise expérience en matière de coopération antiterroriste avec les pays occidentaux. Ils redoutent aussi qu’une "aide" ne se transforme en présence plus directe. En résumé, les militaires algériens veulent rester les seuls maîtres à bord quand il s’agit d’opération antiterroriste. Malgré les pressions, les militaires algériens n’ont pas cédé aux pressions diplomatiques, ni aux propositions d’aide.
Cette opération montre aussi clairement qu’en Algérie le terrorisme n’est pas géré par la décision politique. Il répond à des considérations opérationnelles qui dépendent exclusivement de l’armée. « Maintenant, avec l’assaut qui a été donné, les groupes armés sont avertis. Ils savent que l’Algérie ne se laissera pas faire, quitte à ce que des otages étrangers soient tués et qu’une crise diplomatique se noue avec les pays occidentaux. C’est le prix à payer », explique la même source.
Hamid Guemache, 18 janvier 2013