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Publié par Saoudi Abdelaziz

Les interrogatoires sont terminés depuis deux jours. Je suis couché sur le ventre. Eveillé. Il fait constamment jour, sous la lampe cerclée de fer. Au fond de la gorge, le bonheur du soulagement est tapi, sans aucune envie de bondir au dehors. La porte s’ouvre, après le court mais bruyant tour de clé, l’homme pose la gamelle. Son regard glisse sur mon corps. Je me retourne et ouvre les jambes pour que la saillie matinale détourne son regard de mes fesses. Prudence.

J’aurai bientôt vingt et un ans. C’est l’été dans les caves de la Villa des Oiseaux. Après le sergent à l’accent skikdi, le premier visiteur de l’équipe est toujours Si Djillali. Imbibé de Ricard dès le matin. Il affiche une certaine distance à l’égard de sa mission : officier de police judiciaire de la SM, prétend-il pour se démarquer de ses collègues  « interrogateurs », qui venaient d’en finir avec moi. Très psychologue, mais je crois qu’à la longue c’est moi qui lui servait de thérapeute. Si Djillali invente sa jeunesse à Mostaganem, ses femmes. Comme chaque matin, il brode sur son thème : « Je ne suis pas n’importe qui, j’ai fait le Tapis Rouge, la meilleure école du KGB. Tu es le neveu de Ferhat Abbas. Tu es intelligent, laisse tomber les autres, c’est des cons. Moi je respecte les communistes, mais ils se sont toujours trompés ». « Est-ce que vous avez une cigarette, Si Djillali ». Echanges convenus, presque cérémonieux.

Hier, Mohamed Harbi, le voisin de la cellule d’en face, a refusé sa gamelle. On ne lui avait pas donné de cuillère. « Nous ne sommes pas des animaux » a-t-il expliqué au Skikdi. Il a eu gain de cause.

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