L'embargo sur le pétrole iranien, "une gesticulation diplomatique" de l'Europe
L'Union européenne semble prête à jouer son va-tout pour contraindre Téhéran à renoncer à son programme nucléaire. Alors que les Vingt-Sept doivent se réunir le 30 janvier pour évoquer le dossier iranien, le scénario de l’embargo européen sur les importations de pétrole iranien semble se confirmer. Une décision "politiquement importante", mais dont les conséquences économiques devraient être faibles, selon Bernard Hourcade , directeur de recherche au CNRS.
Quelles pourraient être les conséquences économiques en Europe d'un embargo sur le pétrole iranien ? Et en France ?
Aujourd'hui, on estime la part de pétrole iranien importé par l'Union européenne à 5 ou 6 % du total de brut importé. Le marché européen est donc un marché mineur pour l'Iran. Paris par exemple n'achète que 3 % de son pétrole à Téhéran. Pour d'autres pays comme l'Italie, l'Espagne et la Grèce, qui importent respectivement 13 %, 15 % et 30 % de leur pétrole depuis l'Iran, il faudra un peu plus de temps pour trouver des alternatives. Un délai d'environ six mois devrait être nécessaire pour que cet embargo soit opérationnel.
Mais les conséquences économiques directes pour nous seront très limitées. L'Union européenne pourra combler rapidement le manque par du pétrole venu d'Arabie Saoudite ou d'Afrique. Décider d'un embargo européen aujourd'hui, c'est donc une décision de gesticulation diplomatique.
Et pour l'Iran, cette décision aura-t-elle un impact fort ?
C'est une sanction politiquement importante pour Téhéran, car elle renforce encore son isolement sur la scène internationale. Mais économiquement, les
conséquences seront très limitées. L'Iran continuera à vendre son pétrole de toute façon, à la
Chine, qui est déjà le premier acheteur de pétrole iranien, mais aussi à l'Inde et à la Corée, qui se montrent déjà intéressées.
La crise risque même de provoquer une montée des prix du brut, ce qui permettra à l'Iran de s'enrichir d'autant plus. Et c'est là une conséquence indirecte que nous devrons subir à la pompe. Nous n'avons pas la possibilité d'évaluer cette hausse, mais le marché pétrolier est extrêmement sensible aux phénomènes psychologiques. Il ne serait donc pas étonnant de voir le prix du baril atteindre les 200 dollars.
D'autant qu'un tel embargo pourrait pousser le régime iranien à multiplier les démonstrations de force sur le détroit d'Ormuz. Le régime iranien risque en effet de jouer la carte "Vous bloquez notre pétrole par des dispositions juridiques, nous allons bloquer le vôtre par des dispositions militaires". Un bras de fer qui ne sera pas non plus sans conséquence sur le prix du baril.
L'idée d'un embargo mondial est-elle complètement illusoire ?
Aujourd'hui, c'est la Chine qui tient notre économie, et pas l'inverse. Et elle a des moyens de résister aux pressions européennes et américaines, tout comme son voisin indien. Les menaces diplomatiques envers ces pays sont donc parfaitement fictives.
L'enjeu de cet embargo, c'est avant tout une démonstration politique. L'Europe dit aujourd'hui "nous sanctionnons l'Iran sur ce qu'il a de plus important, le pétrole" [selon les estimations, 80 % de l'économie iranienne reposent sur l'exportation de pétrole]. Mais les sanctions prises contre Téhéran depuis trente ans ont été inefficaces et l'Iran poursuit son programme nucléaire. On ne voit pas en quoi ce nouvel embargo provoquerait autre chose qu'un agacement toujours plus important du régime iranien.
Propos recueillis par Charlotte Chabas, 9 janvier 2011. Le Monde.fr
Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, affirme, lundi 9 janvier dans un discours retransmis par la télévision d'Etat, que l'Iran ne céderait pas face aux sanctions américaines et européennes prises contre Téhéran en raison de son programme nucléaire controversé.
"La décision ferme du régime de la République islamique est de résister face aux pressions des grandes puissances, a déclaré le numéro un iranien. Alors que le peuple iranien a parcouru le chemin du succès et voit les signes de nouvelles victoires à venir, le front de l'oppression [l'Occident] tente de faire peur au peuple et aux responsables iraniens en agitant la menace de sanctions, alors que le grand peuple iranien a choisi le chemin de la fierté en versant le sang de ses meilleurs éléments. Les responsables occidentaux ont déclaré à de nombreuses reprises qu'avec les sanctions et les pressions ils voulaient décourager le peuple et amener les responsables à renoncer à leurs plans mais ils se trompent et ils n'atteindront pas leurs objectifs", a poursuivi M. Khamenei.
Source AFP, 9 janvier 2012