L’Algérie, la Ligue arabe et la Syrie
Après le report de la réunion ministérielle à Djeddah
Par Merzak Tigrine
L’Algérie, qui a affiché publiquement son opposition à une intervention militaire en Syrie et à une solution de cette crise par un changement de régime dans ce
pays, n’est plus en odeur de sainteté avec les pays membres de la Ligue arabe, favorables et activant pour un règlement de ce genre.
À la surprise générale, la Ligue arabe a reporté sa réunion ministérielle, qui devait se tenir à Djeddah et qui “étudiait les développements en Syrie et l'action politique” à entreprendre
après la démission de Kofi Annan, émissaire de l'organisation panarabe arabe et de l'ONU.
Selon une source diplomatique bien informée, ce report, suivi d’une réunion restreinte des pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG), “ne peut
être interprété que comme une fuite en avant des pays arabes, qui font une fixation sur le changement de régime en Syrie comme seule solution à la crise que vit ce pays”. Et comme la position
algérienne, à l’instar de celle d’un nombre restreint de pays membres de la Ligue arabe, s’est opposée à cette vision, une pression a été exercée afin que cette réunion soit reportée pour éviter
la confrontation.
Le fait que les États membres du CCG, dont la position sur la Syrie est syrienne car appelant tous à un départ du régime de Bachar al-Assad, se soient réunis
le jour même en soirée atteste de leur volonté d’imposer leurs vues. Notre source estime également qu’ils ne voulaient pas discuter de ce problème en présence de l’Algérie, pour ne pas avoir à
afficher aussi publiquement leur opposition à la nomination par le secrétaire général des Nations unies du diplomate algérien, Lakhdar Brahimi, en qualité de médiateur de l’ONU et de la Ligue
arabe, en remplacement de Kofi Annan, démissionnaire. En effet, les pays du Golfe activant pour un départ de Bachar al-Assad, sous la houlette du Qatar et de l’Arabie Saoudite, redoutent fort que
l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères n’épouse point leur point de vue sur la question. Par ailleurs, la question de la présence de la Syrie au sommet de l’Organisation de la
conférence islamique (OCI) d’aujourd’hui n’aurait pas fait l’unanimité lors de la réunion ministérielle de la Ligue arabe, parce que l’Algérie et d’autres pays ont toujours milité pour une
représentation de Damas.
Dans ce cadre, notre source nous a appris que l’Algérie défendra sa position lors de la réunion ministérielle de l’OCI devant prendre une décision à ce sujet. Comme la participation est plus importante au niveau de l’OCI avec une soixantaine de pays, contre une vingtaine seulement pour la Ligue arabe, le Qatar, l’Arabie Saoudite et leurs compères auront toutes les peines du monde à se faire entendre, d’autant plus que l’un des principaux soutiens de Bachar al-Assad, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, pèsera de tout son poids en faveur de Damas.
Merzak Tigrine, 14 août 2012. Liberté