"L’Algérie, ce pays où personne ne sait rien"

Synthèse blog
Le premier ministre Abdelmalek Sellal affirmait le 4 mars dernier en marge de l’ouverture de la session parlementaire de printemps : « le projet de révision de la Constitution est actuellement à l’étude. Il arrivera prochainement au Parlement ». Quand exactement ?, lui ont demandé les journalistes. Le premier ministre ne savait pas encore : "Rien n'a été décidé quant à la présentation de l'avant-projet lors de cette session ou celle d'automne(…) Ce sera annoncé en temps opportun".
Dans un article intitulé « Révision de la constitution algérienne : beaucoup de bruit pour rien, selon les partis politiques », Nedjma Rondeleux rapportait deux jours après, le 6 mars, dans Maghreb Emergent l'avis du député du Front des Forces socialistes (FFS), Arezkhi Derguini, pour qui « le projet de révision de la Constitution serait même un « travail de diversion ». « Ce projet de révision de la Constitution est central et important, or tout est fait pour fermer le sujet, et en détourner l'opinion publique », a-t-il déclaré à Maghreb Emergent. En l'absence de perspective de débat, le FFS a donc choisi de ne pas participer à la commission chargée de rédiger une première mouture des amendements. Et l'opinion, elle, commence à se demander si ce changement tant annoncé n'a pas déjà avorté ».
Trois jours plus tard, en visite au Qatar le 9 mars, le ministre de l’Intérieur Daho Ould Kablia ajoute à la confusion en laissant entendre que rien n’est encore tranché...
Intervenant trois jours après le ministre de l’intérieur, Farouk Ksentini, préposé aux « ballons sondes » présidentiels (officieux et n’engageant que leur auteur), relève selon l’Aps « la nécessité d’élaborer une constitution non révisable pour une durée de 50 ans au moins, affirmant qu’il est préférable de procéder à cette révision « avant la présidentielle de 2014 ». Le mystère s’épaissit… Frantz Josef Strauss, le défunt et truculent chancelier de Bavière, conseillait à ses confrères dirigeants : « mettez les principes très haut, vous pouvez plus facilement passer par-dessous ».
Aux royaumes des aveugles, les borgnes sont rois dit le dicton. Le même jour, L’APS nous apprend le 12 mars par la bouche de Rabah Hadid, « ambassadeur-Conseiller auprès du ministre délégué des Affaires Maghrébines et Africaines » : « l’Algérie est leader dans le domaine de la gouvernance en Afrique". »
Le lendemain, dans un article de La Nation, intitulé « Ils ont perdu boussole, mais pas le coffre », Abed Charef commente de manière sarcastique le flou constitutionnel au sommet. De l’Etat. Il écrit : « Le premier ministre ne sait pas quand aura lieu la révision de la constitution. Le ministre de l’intérieur ignore si elle aura lieu par référendum. Tout le monde navigue donc à vue, sauf ceux qui piquent dans la caisse. Eux savent où se trouve l’argent(…).
Le gouvernement, le premier ministre, les illustres ministres de l’intérieur et des affaires étrangères, le garde des sceaux, les présidents des deux chambres du Parlement, les partis de la majorité et ceux de l’opposition, la société civile, tout ce monde-là va vers une révision de la constitution, sans savoir quand elle aura lieu, ni sur quoi elle va porter, ni sous quelle forme elle va se faire ».
« Mais pourquoi réviser la constitution ? interroge le journaliste. Que faut-il y changer ? Faut-il en faire un texte plus démocratique, ou moins démocratique ? Faut-il élargir les libertés, ou les restreindre ? Faut-il affirmer davantage la place de la religion, ou, au contraire, organiser la séparation du politique et du religieux ? Dans quelle direction aller ? Faut-il limiter le nombre de mandats présidentiels, ce qui serait absurde de la part du même président qui avait supprimé le verrou des deux mandats? Mystère (…) MM. Ould Kablia et Sellal tentent de sauver la face, n’osant pas affirmer qu’ils sont dans le flou le plus complet. Ils ne sont ni dans la confidence, ni dans la décision. Mais ceci ne signifie pas pour autant que tous ces dirigeants sont complètement out. Ils savent accéder aux postes, et s’y accrocher, par n’importe quel moyen. Car ils savent dire oui à une constitution dont ils ne connaissent pas le contenu. Dans quelques mois, ils animeront des meetings, interviendront à la télévision, écriront dans les journaux pour défendre cette constitution qui « tombe à point » car elle va « corriger les dysfonctionnements » de la constitution actuelle. Mais comme nous sommes en Algérie, dans un pays où personne ne sait rien, ils ne savent pas que le premier dysfonctionnement du pays, c’est eux. »