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Publié par Saoudi Abdelaziz

« Ils écrasent les Jijéliens avec du juridiquement correct bien calibré ». « Que faire, payer ?  Non, écrire, oui c’est pour l’instant la seule arme des écrasés ». Le Condjador en a gros sur le cœur dans sa chronique d’aujourd’hui, où le calvaire d’un homme rejoint le destin anonyme des Jijéliens ordinaires.

 

 

 

La chronique du Condjador (40)

 

 

 

Il est 7 h du matin, ce lundi 12 mars 2012, devant les bureaux de la Conservation foncière au Camp Chevalier, pour l’opération de régularisation des terrains de Beni-Caïd.

 

On trouve déjà des porte-documents alignés par terre devant la porte de cette administration. Leurs propriétaires sont dans leurs voitures, au chaud : le porte document atteste de la place dans la chaîne

 

Ils  se racontent leurs drames vécus dans les différentes administrations, de Jijel, Béjaïa, Sétif. J’entends : « Si tu ne paies pas la tchipa, tu feras le tour du monde avant d’obtenir le papier demandé, qui fait plusieurs va et vient entre ces wilaya ».

 

Lorsque les employés commencent à arriver, vers 7 h 55, on nous fait la morale sur la façon de nous organiser. Certains nous conseillent d’écrire dans les journaux, El Watan, Echourouk, el khabar, Le Quotidien d’Oran…, tout en traitent ces journaux de « vendus au système ».

 

Une façon de dire qu’ils n’ont rien à se reprocher, car eux ils appliquent des directives supérieures.

 

L’expérience de ces dernières années m’a fait comprendre que lorsque le citoyen fait bouger les choses au sein d’une administration de l’Etat,  le gagnant ce n’est pas lui, le premier concerné, mais l’entreprise privée  qui va faire les travaux de rénovation. C’est ça le changement en Algérie. Une affaire de décor. Ainsi, je suis sûr d’une chose pour le vote cette année : celui qui va fabriquer les urnes fera fortune.  

 

Dans les administrations, on détruit les murs et on les remplace par des vitres transparentes montées sur aluminium. C’est la glasnost. On refait les faux plafonds, on ajoute de la dalle de sol sur les murs et on met en place des chaises dernier-cri par dizaines.

 

Le problème demeure car la bureaucratie reste infinie. Elle vous oblige à faire gagner de l’argent à toutes ses annexes.

 

 Me  voilà enfin au guichet. J’attends mon tour depuis deux années, depuis que j’ai déposé mon dossier au cadastre. C’était après une de leurs visites  à mon petit potager (abhira). Ils étaient venus à Beni-Caïd pour faire « un état des lieux » du morceau de terrain qui restait après le passage des travaux publics pour piqueter les terrains expropriés qui ont servi à  la nouvelle « route des poids lourds » qui a été mise en service pour contourner le centre-ville de Jijel..

 

Au guichet, l’employé de la conservation foncière décortique mon dossier et me dicte la superficie restante, après expropriation. Je prends note des numéros de parcelles et de leurs superficies.

 

C’est bien, il ont tout fait et noté. L’expert Sidhoum Sabti de Mila a fait du bon travail pour les travaux publics. Le cadastre aussi a eu finalement un bureau d’étude pour faire le travail après plusieurs mois de recherches.

 

Mais, il reste le clou du spectacle. Pour me donner le livret foncier, l’employé me demande de faire effectuer un état des lieux par un expert foncier. En réalité, il sait que cet état des lieux existe, il m’avait annoncé cinq minutes avant que les superficies restante et les terrains limitrophes étaient délimités. Malgré mes remarques, les directives supérieures font cesser le dialogue. Place au suivant ! Pour avoir enfin le livret foncier et réaliser mon projet d’élevage, Il faudra donc payer des millions de centimes.

 

 

Je n’ai pas cette somme et en plus je ne tiens pas à payer pour les dommages qu’ils m’on fait subir, qu’ils ont eux-mêmes causé ! Que faire ? Payer ?  Non, écrire, oui c’est pour l’instant la seule arme des écrasés, face à notre gouvernement, puisque tout vient de lui. Nous sommes supposés être dans un Etat de droit,  des personnes ne peuvent pas nous infliger leurs fantasmes et leurs dictatures.

 

Ces dernières années, les administrations ne font que rentabiliser des commerces non productifs : huissiers de justice, experts fonciers, avocats notaires...

 

Chaque fois qu’une fenêtre de lumière s’ouvre pour le citoyen du bas de l’échelle, l’Etat lui place des barreaux pour le déprimer et le tenir sous sa coupe. Pour guérir, faut aller chez un de ses bureaucrates. Ce n’est pas par avarice que je me révolte, c’est la totale absence de logique  des directives supérieures,  à l’image de votre train de vie, Ya Lakleb d’Alger.

 

Nous citoyens, on vit au le jour le jour et c’est grâce a votre mauvaise gérance. Vous n’avez pas le droit de nous demander en 2012,  de payer encore et encore. Ce gouvernement a la mémoire courte : l’Algérien paie depuis 1830, le Jijélien depuis le ras de marée, et c’est encore le citoyen qui vous doit des compensations et des excuses publiques, foncières et financières pour toutes ces outrances gratuites.

 

Nos grands parents et nos parents y sont passés et maintenant c’est à notre tour de nous soumettre aux  rapaces à la vue perçante. A Jijel, après cinquante années d’indépendance, l’administration joue aux jeux de l’occupant français. Pour exproprier la population autochtone, elle multiplie les obstacles administratifs et financiers, tout en donnant sa bénédiction à ces élites importées qu’on appelle les promoteurs. Ils écrasent les Jijéliens avec du juridiquement correct bien calibré. Jusqu’à quand ?

 

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