Jijel : la montagne « un écosystème en péril »
Hommage à la société montagnarde
par Radia internaute de Jijel
L´absence de cohérence territoriale et une politique de développement rural intégrée a non seulement pénalisé l´agriculture en général et tout particulièrement la petite paysannerie, mais aussi toutes les zones de montagnes qui se présentent aujourd’hui comme des espaces marginalisés.
La montagne apparaît aujourd’hui comme un écosystème en péril, aux conditions de vie précaire de sa population, il est bien évident que le cloisonnement et l´impact limités qui a caractérisé les programmes de développement rural ne pouvaient en aucune manière répondre aux attentes de cette population et encore moins assurer sa stabilisation.
L´expérience algérienne de développement rural enregistre plusieurs effets pervers, dont la remise en cause des acquis en matière de politiques sociales , de dégradation des ressources naturelles et de développement régional inégal. La crise de montagne, c´est enfin la rupture des complémentarités séculaires avec la plaine et l´économie urbaine. Le processus de sous développement et de marginalisation des espaces montagneux est d´ailleurs un fait historique dûment établis et vérifié par les géographes, les agronomes et les historiens. C´est un processus d´appauvrissement et de régression qui s´est opéré dans ces espaces, souvent au profit des espaces agricoles de plaine et des espaces urbains.
Dégradé et érodé, le patrimoine foncier agricole en Algérie est en effet touché sur des grandes superficies, plus de 80% se situent au Nord et le reste en zones de hautes plaines. Dans la région littorale, ce sont les wilayas de Bejaia et de Jijel les plus touchées par l´érosion accélérée avec la déforestation des terres provoquées par des incendies et favorisée par le relief en pente. Autre grande catégorie des montagnes de pente moyenne soumises aussi á l´effet érosif et ou des espaces forestiers disséminés au milieu des champs céréaliers, correspondent aux Monts de Sétif et Constantine, et les monts de Béni-Chougrane (Mascara –Ouest Algérie).
Les zones de montagnes souffrent d´ une multitude de problèmes et de carences multidimensionnelles. Dans ce contexte le ministère de l´agriculture a mis en œuvre , en 2002, une nouvelle stratégie de développement rural qui suppose une transformation substantielle à partir d´une conception sectorielle de développement jusqu´a une vision intégrale et territoriale, et d´une politique dirigiste à une autre qu´on peut qualifier de participative. Suivant les nécessités prioritaires du milieu rural en général el les zones de montagnes en particulier, la dite politique a tracé comme objectif principal l´amélioration des conditions de vie des populations rurales tous en cherchant son implication dans un processus de développement vue à partir d´une vision intégrale.
Afin d´atteindre cet objectif, une série des instruments de la politiques rurales a été formulée afin de mettre en œuvre un processus de décentralisation et d´élaboration de programmes de développement propre à chaque territoire. Cette complicité instrumentale a induit à maintes reprises des problèmes de cohérences, de coordination et de gestion en réduisant à leur tour, l´efficacité de cette politique.
Commune de Ouled –Yahia, wilaya de Jijel
L´ évaluation de la politique rurale, au niveau territorial , et ce après environ une décennie de sa mise en œuvre, sur la base des données statistiques et des rapports de suivie de projets de proximités , ainsi que des enquêtes menées sur le terrains avec les bénéficiaires et les représentantes des communautés rurales au niveau de quelques Mechtas situées dans la wilaya de JIJEL , nous permettent de constater que les programmes de développement rural sont entrains de se réaliser de façon lente et peu efficace, avec le risque d´abandonner pour manque d´adaptation aux circonstances du milieu rural. A un niveau restreint qui est le local, on peut citer quelques contraintes qui sont á l´origine de l´échec des programmes rurales, á savoir :
-Le manque de coordination et de complémentarités des actions menées par les différents secteurs. -La rotation du personnel de l´exécutif et avec eux institutionnelle -La non structuration et organisation de la population rural, et son incapacité á mener des actions collectives et des projets de développement.
-L´inégalité d´accès de la population rural aux facteurs de production plus compétitifs pour sa valeur industrielle et économique dans le marché extérieur
-Les limites des capacités techniques et organisationnelles des institutions locales et le manque de personnel qualifie suffisant.
- Absence de vulgarisation des expériences et des pratiques du développement Rural
- l´évolution de la violence et les conflits dans les communautés rurales
A un niveau plus ample qui est le régional et le national, une autre catégorie des contraintes peuvent être mise en évidence ´a savoir :
-Le problème d´information sur le système foncier, en effet les données récoltées par les statistiques actuelles ne sont pas adéquates pour la formulation des politiques foncières dans le contexte de la libéralisation du marché. Ce manque de clarification du système foncier empêche la mise en valeur des exploitations et le développement des filières.
-Les limites d´efficacité des mécanismes administratives pour réaliser une décentralisation authentique, la commune qui représente l´échelon clé, ne dispos pas encore des compétences politiques et managériales nécessaires pour impulser un changement qui surgit de bas en haut.
-La passivité des communautés rurales, ceci s´explique par le fait que dans le contexte de la pauvreté la marge de flexibilité devant une innovation ou un changement est faible. De ce fait les approches de participation et de mobilisation des acteurs locaux n´ont pas été bien planifiées dans la phase de conception de la politique rurale. Cette dernière n´a pas bien définie des mécanismes efficients pour une participation active et effective de la population rurale, et souvent, on confond le populisme avec la participation, ce qui a convertit le développement rural en un objectif politique plus qu´un objectif économique et social.
-L´excès de politisation dans le domaine de développement rural avec la dominance de l´intervention des pouvoirs publics dans les phases aussi bien de conception et de prise décision que de la réalisation des projets de proximités. D´autre part, une importance simplification de la dite politique s´avère nécessaire afin d´acquérir la cohérence et la transparence.
- Le manque de cohérence et de cohésion entre les différentes politiques publiques qui ont un impact sur le milieu rural et le faible niveau des communications interministérielles. Axant son analyse sur le monde rural en particulier, un chercheur relève de son côté : jusqu´a présent, on peut considérer que l´essentiel des populations pauvres sont situées dans les zones rurales en général et dans les régions montagneuses, steppiques et sahariennes en particulier.
La pauvreté étant dans la plupart des pays un phénomène essentiellement rural, l´Algérie ne semble pas déroger á cela. Les différentes formes d´aides aux agriculteurs n´intéressent, á cause des multiples conditions d´éligibilités, que les agriculteurs relativement performants et possèdent un capital initial. Mais comme peu d´agriculteurs remplissent ces conditions exigées, on comprend le faible poids des politiques de subvention á l´agriculture et surtout pourquoi les résulta du secteur de l´agriculture algérienne sont frappés d´immobilisme et sont les moins performants de la méditerrané occidental. Une autre remarque que l´on peut aussi signaler , est que la majorité des programmes rurales n´investissent pas suffisamment dans des stratégies de renforcement du capital social et ses différentes forme existantes dans la communautés rurales , avec toute une série de conséquence en termes de manque d´efficience et d´ efficacité qui vont de la débilitation du capital social existant à la capture de l´intervention par des réseaux étroits d´acteurs plus puissants.
Pour terminer on dit qu´aucune stratégie ne peut réussir si elle ne prend pas en compte les relations institutionnelles entre la société moderne et la société traditionnelle. La réussite de toute politique est essentiellement dépendante du degré de l´intégration de la réalité sociale et économique, ces derniers constituent le cadre institutionnel qui fixe les règles du fonctionnement de la dite politique. Mostefa Lacheraf soutiens que : c´est l´état général du milieu paysan qui renseigne le plus le degrés d´arriération, la nature des carences á moyen et long terme, les chances et possibilités d´un progrès concernant la société dans son ensemble , la réalité objective de la société algérienne s´évalue et se détermine bon gré mal gré par rapport á la condition globales du mode paysan . C´est là une manière de rendre hommage á la paysannerie de hautes montagnes qui a subis les affres d´une décennie noire , conservatrice de nos valeurs identitaires, distinguée par sa patience et son sens de sacrifice á travers l´histoire.
Radia de Jijel, 11 décembre 2011. Publié par le site écologique Nouara-Algérie.com