Internet c’est bon pour la santé!
C’est ce constat établi à partir d’études crédibles qui a conduit trois chercheurs français à faire une proposition insolite.
Point de vue
L'accès à Internet devrait-il être remboursé par la sécurité sociale ?
Les abonnements à Internet devrait-il être pris en charge par la sécurité sociale et les mutuelles ? Une telle question peut paraître pour le moins étrange à l'heure où le gouvernement cherche à réduire les déficits des comptes publics et sociaux. Et gageons que les mutuelles, vraisemblablement, mises à contribution dans le cadre du plan d'austérité, ne sont pas prêtes à inscrire l'accès à Internet dans les soins remboursables.
Et pourtant, plusieurs études viennent de montrer que l'usage d'Internet pouvait avoir un effet positif sur la santé mentale et le bien-être individuel. Ainsi, une étude américaine menée auprès de retraités conclut que les risques de dépression sont plus faibles chez les personnes qui utilisent Internet. A un niveau plus agrégé, les enquêtes internationales (World Value Surveys) mettent en évidence une relation-position entre le taux de diffusion d'Internet dans un pays et le niveau moyen de bonheur ou de satisfaction déclaré par les habitants de ce pays.
Dans un article de recherche récent intitulé "Does the Internet make people Happier ?", nous avons confirmé ce résultat sur des données luxembourgeoises en contrôlant pour les caractéristiques des individus. Si l'on prend deux individus ayant le même âge, les mêmes niveaux d'éducation, de santé et de revenu et des valeurs et pratiques sociales proches, il existe une différence significative dans le bien-être déclaré entre ceux qui utilisent Internet et ceux qui ne l'utilise pas.
Comment peut-on expliquer un tel résultat ? La réponse est assez intuitive. Internet donne accès à une multitude de biens et de services qui procurent de l'utilité et qui pour une large partie sont gratuits. On peut y trouver des vidéos, de la musique, des articles de presse, des blogs sur ses centres d'intérêt… Mais Internet n'est pas seulement un media d'information et de loisir, c'est aussi un outil professionnel et relationnel. Sur Internet, on peut trouver un emploi, communiquer avec son entourage professionnel et non professionnel, rencontrer l'âme sœur, Cette seconde dimension est essentielle pour comprendre le rôle croissant et positif qu'occupe Internet dans la vie de chacun.
C'est un moyen de développer et d'entretenir son réseau social ou capital social. Les travaux en économie du bonheur font ressortir le capital social comme un facteur clé, aussi important que le revenu et la santé, pour expliquer les différences de bien-être entre individus et entre pays. Bien évidemment, Internet peut avoir des effets négatifs en créant des addictions et en réduisant les interactions sociales en face à face, mais ces coûts semblent largement contrebalancés par les bénéfices retirés par la grande majorité des internautes. En d'autres termes et pour revenir au titre provocateur de cette tribune, Internet est finalement un "médicament" dont le service rendu est significatif et les effets secondaires indésirables limités.
Comment, dans ces conditions, ne pas s'inquiéter des récentes discussions de certains fournisseurs d'accès Internet sur la commercialisation de forfaits Internet limités qui pourraient être bridées en termes de débit et d'usages. De même, on sent chez ces mêmes fournisseurs une volonté de remonter les prix d'abonnement, sans parler des retards inquiétants dans le déploiement de l'Internet à très haut débit en France. Pour le bonheur du plus grand nombre, on ne peut donc que recommander au gouvernement de faire d'Internet une de ses priorités politiques.
Thierry Pénard et Raphaël Suire, enseignants-chercheurs à Rennes-I, Marsouin, Nicolas Poussing, chercheur, CEPS/INSTEAD. Le Monde.fr, 28 septembre 2011