Il faut rire de ce système dépressif, mélancolique et sourd
La Chronique du Condjador (77)
Qu’est ce qui reste au peuple sous un pouvoir destructeur de toute volonté nationale ? Parce qu’il veut être avec les autres puissants du monde, ce pouvoir est sourd à ce qui est près de lui; il écoute ceux qui lui parlent de l’autre continent, mais ne peut pas entendre ceux qui lui parlent dans ses propres wilayas.
La satire reste alors la seule échappatoire. La satire est le rire des faibles. C’est un droit arraché, le signe qu’on est la Majorité. Sans lever la main ou la jambe, le décret passe. La satire allège le poids qui nous courbe le dos, qui nous abrutit. Leur perversité nous a tous déglingués, déboussolés, jusqu’à voir le soleil se lever, sans savoir que c’est à l’Est. Ça fait 50 ans que cette riouaya se joue et nous cloue dans ce grand théâtre, où on voit ses artistes se succéder, sans applaudissements.
La satire qui enfante le rire et la dérision est un contrepouvoir, pas cher, accessible à toutes les tranches de revenu. Ne vaut-il pas mieux combattre par le rire ce système qui se prend au sérieux ? Peut être ça ferai prendre conscience à certains –s’ils en ont encore capables- qu’il est temps de sortir de la mégalomanie imaginaire, infectée par la bouffe des meilleurs cuisiniers du monde, avec fourchettes et assiettes en or.
Celui qui pratique la satire provocatrice est accusé d’avoir l’esprit superficiel. Oui, moi je veux rire de l’esprit intellectuel d’un système qui se noie dans un verre d’eau. Il trouve encore le temps et la force de s’adresser à la population à qui il permet de rouler dans des voitures à crédit pour lui imposer el islahat auxquelles lui-même ne croit pas. Et les ministres et leurs chefs de groupe ne rient même pas en faisant ces annonces. Sur les ondes, jamais au milieu de la foule qui va les subir... Comme s’ils s’étaient depuis 50 ans qu’ils le font, devant des miroirs muets. Et pourtant, c’est la blague du siècle : cette prospérité à crédit qui sert les constructeurs d’une autre nation, donnent du travail aux autres et endette la population qui est la nôtre.
Rire de soi-même c’est encore plus sérieux, c’est un rire constructeur, un rire fait sur mesure, avec un effet de propagation assuré. Ce rire se communique et ça relaxe. La cause de la maladie qui a rendu ce système crispé, dépressif, mélancolique, sourd et enfermé sur lui-même, c’est parce que ça 50 ans qu’il n’a pas ri sur lui-même. Même nos rires ne l’atteignent pas. Le peuple algérien, si railleur, n’arrive pas à le faire rire.
C’est normal, la propagation du rire est limitée par la distance : le Système vit très loin dans l’espace sidéral, dans une galaxie lointaine où l’on ne sait pas rire de soi-même.
Jijel, 7 mars 2013