Guerbès-Parc naturel dévasté, Etat complice
Décharges sauvages, vol de sable,
délivrance d’actes de propriété bidon suivis d’incendies délibérés détruisant les forêts de pins maritimes, etc.
Du côté des pouvoirs publics ce ne sont que « faux semblants et tour de passe-passe endémique ». Karim Tedjani met en garde contre cette inertie :
« Il en va de l’avenir d’un des plus beaux et luxuriant site naturel d’Algérie ainsi que de la crédibilité des institutions algériennes aux discours si promptement optimistes qui ne
trouvent pas leur illustration dans la réalité du terrain ».
Malgré
les mesures annoncées cet hiver, « le dévorement » durable de Guerbès continue encore cet été
Par
Karim Tedjani, 23 juin 2013
La région de Guerbes, située dans la wilaya de Skikda devrait être un des plus beaux parcs naturel du Constantinois, au regard de la grande richesse et
diversité de ses paysages ainsi que de sa biodiversité souvent endémique. Une baie quasiment vierge et peu polluée, les monts Filfila et Endough aux décors bucoliques d’une rare beauté sauvage,
la plaine de Messoussa qui longe le majestueux Oued el Kebir ainsi qu’une zone humide de renommée mondiale, Guerbes Sanhadja a tous les atours pour combler les amoureux de la Nature et cela dans
un périmètre d’à peine quelques dizaines de kilomètres.
Pourtant, saisons après saisons, cette fleur du Tell est victime des pires atteintes et dégradations de tout ce qui en fait un site privilégié pour développer
des activités économiques durables, dont l’agriculture bio ainsi que l’écotourisme et cela en toute impunité voire, selon de nombreux témoignages, avec la complicité de certains cadres de la
conservation des forêts de Ben Azzouz, voire même de certains élus locaux de petite envergure…
Cela va des décharges sauvages qui empestent l’air, au vol encore d’actualité de sable, en passant par le pire, c’est-à-dire la dégradation du couvert
végétal dont dépend pourtant l’équilibre biologique de toute la région et, systèmie écologique oblige, de celles qui l’entourent…
Après avoir transformé en l’espace de trois décennie Sanhadja en un désert de sable, incapable à présent de contenir l’avancée du vent marin chargé d’un sel
meurtrier pour les sols, les aficionados de la pastèque hybride, ont jeté leur sordide dévolu sur Guerbes et sa forêt de pins maritimes ainsi que ses maquis côtiers pourtant indispensables
au maintien d’un des plus agréable microclimat du nord-est de l’Algérie car ils sont des remparts naturels contre l’érosion éolienne et saline des terres intérieures.
La procédure est aussi simple que ses impacts sont terribles. Un ignoble individu, connu de tous dans le secteur, a réussi avec l’aide de certains
fonctionnaires malhonnêtes, à promulguer des actes de propriété bidons pour la modique somme de 15 000 dinars l’hectare. Pour ce faire, il n’hésite pas à provoquer des incendies, à
couvrir la destruction du maquis par des agriculteurs avides de gains faciles, et ce, avec la complicité de certains forestiers sensés pourtant protéger la végétation et non la brader au
plus offrant…
« Sans arbre, pas de pluie » me rappelle très justement un des anciens du village. Il suffit de voir à quel point les tractopelles ont décimé les
alentours pour comprendre que Guerbes est presque déjà condamnée à devenir un désert pour encore bien des décennies.
Suite à nombreux écrits sur le sujet, soutenu par certaines associations locales, on aurait pu presque croire, en lisant la presse locale que le problème a été
réglé, puisque les auteurs de ces méfaits ont été sommés de stopper ce stupide carnage. On a même annoncé la création de brigades spéciales pour en finir avec cette gabegie indigne d’un pays qui
a signé toutes les conventions internationales pour la préservation de la Nature et qui dispose d’un arsenal juridique aussi exhaustif qu’inefficient sur le terrain.
Mais, il vous suffira de vous rendre sur place, ou de consulter l’album photo que j’ai publié sur Nouara à ce propos, pour vous rendre compte que tout
cela n’est à vrai dire que faire-semblant et tour de passe-passe endémique. On a même donné un sursis aux contrevenants et permis de cultiver la pastèque « encore » cette année dans les
mêmes dizaines d’hectares qu’ils ont décimés sans vergogne !
Par endroit, un bulldozer œuvre actuellement sans la moindre gène et continue à détruire la végétation en toute impunité sur une terre attribuée
illégalement. En une semaine de randonnées assidues, je n’ai croisé aucune brigade, ni spéciale, ni même tout simplement de forestiers payés par l’argent du contribuable algérien afin d’éviter le
pire à cette région qui risque de devenir, rappelons-le encore une fois, un désert alors qu’elle est reconnue comme un hot spot de la biodiversité mondiale et promise à un bel avenir
touristique.
Aussi, j’aimerais alerter une fois de plus les plus hautes instances concernées afin que la loi algérienne soit enfin appliquée et surtout qu’elle ne soit pas
bafouée par des « petits bras » dénudés de toute conscience écologique et de responsabilité vis-à-vis des générations futures. Il en va de l’avenir d’un des plus beaux et luxuriant site
naturel d’Algérie ainsi que de la crédibilité des institutions algériennes aux discours si promptement optimistes qui ne trouvent pas leur illustration dans la réalité du
terrain.
Enfin, il est évident que l’abandon total ainsi que le manque de perspectives professionnelles dont souffre le village de Guerbes et ses habitants, livré à
lui-même depuis toujours, est un facteur amplificateur qui, pour l’instant sert de prétexte à ceux qui sont devenus les complices tacites du « dévorement » durable de leur environnement
par de riches agriculteurs qui ont choisi la facilité plutôt que son développement durable… Il serait temps, donc, d’améliorer sensiblement le cadre de vie des Guerbesis et de les
impliquer dans une gestion intégrée des ressources naturelles et humaines de leur région.