Groupe Carlyle : main basse sur l’Afrique
« Le groupe Carlyle s’est illustré grâce à une stratégie bien particulière : la connivence politique, d’où il tire sa réputation de "banquier des guerres américaines" » écrit Anaïs Dubois dans le journal d’affaires Marchés tropicaux qui informe sur la décision de la ba,nque africaine de développement (BAD) d’offrir 50 millions de dollars au sulfureux fonds d’investissement créé par un ancien chef de la CIA et qui fut le parrain d’Orascom en Algérie.
La BAD main dans la main avec Carlyle
En appuyant à hauteur de $ 50 millions le futur fonds d’investissement de Carlyle pour l’Afrique subsaharienne, la Banque africaine de développement s’associe à un groupe à la réputation sulfureuse. Un mal pour un bien ?
Le groupe Carlyle, groupe financier américain particulièrement controversé, annonçait en mars 2011 son intention de lancer un fonds d’investissement généraliste à destination de l’Afrique subsaharienne. Objectif, une levée d’au moins $ 500 millions pour financer des investissements sur le continent, en premier lieu en Afrique du Sud, au Nigeria et au Kenya.
Déjà présent en Afrique du Nord, Carlyle avance prudemment et discrètement au sud du Sahara, comme à son habitude. « Spécialisé dans le rachat à bas prix d’entreprises récemment privatisées puis dans leur revente une fois leur rentabilité assurée, et ce souvent au prix de réformes drastiques, Carlyle s’intéresse particulièrement aux secteurs sensibles de la défense, du spatial ou encore de l’aéronautique. Extrêmement liés au Pentagone et au pouvoir en général aux États-Unis, les dirigeants du groupe Carlyle ont développé une stratégie d’acquisition qui leur donne un poids considérable, du fait de l'enjeu technologique que représentent ces entreprises. », indiquait en 2003 une étude de Pascal Dallecoste, chercheur au LAREGE (Laboratoire de Recherche de l’École de Guerre Économique, groupe Eslsca).
Réseau
Le groupe s’est en effet illustré grâce à une stratégie bien particulière : la connivence politique, d’où il tire sa réputation de « banquier des guerres américaines » (« Le réseau Carlyle, banquier des guerres américaines », enquête de François Missen, éditions Flammarion). Les liens indirects de Carlyle avec l’Afrique ne sont d’ailleurs pas tout à fait nouveaux. Avant de prendre la tête du groupe Carlyle entre 1992 et 2003, le tristement célèbre Franck Carlucci, avait travaillé pour la diplomatie américaine en Afrique du Sud, en Tanzanie et au Congo, où une controverse le lie à l’assassinat de Patrice Lumumba. Il a ensuite été directeur adjoint de la CIA avant d'intégrer le groupe Carlyle en 1989.
Non coté en bourse, le groupe américain jouit de la plus grande opacité. « Carlyle a compris très tôt l’enjeu des réseaux d’information. Humains compris : pour repérer les technologies émergentes ou profiter des prochains plans de privatisation, le groupe recrute au plus haut sommet de l’État. »
Mais ce dispositif déjà bien rôdé ne se limite pas à la seule sphère politique. Carlyle s’entoure également d’un deuxième cercle composé d’acteurs financiers. « Les banques Goldman Sachs, Salomon Smith Barney, Citibank, JP Morgan Chase ou le Crédit Suisse First Boston sont des partenaires d’affaires réguliers. De même que la Deutsche Bank, la Royal Bank of Scotland, ABN-amro, le Crédit Agricole, la financière Edmond de Rothschild ou le Crédit Lyonnais. À la fois capteurs d’opportunités et sources de profits, ces alliés constituent d’excellents porteurs d’affaires, en Europe, mais également à l’Est et en Asie où le système bancaire connaît un vaste mouvement de privatisation », notait Pascal Dallecoste.(...)
Anaïs Dubois, 7 mars 2012