Front social à l'algérienne : patron cassé et syndicaliste viré
"L'élan cassé" d'un patron
M.
Saadoune tire dans son éditorial intitulé Abus de monopole les leçon du jugement de la Cour suprême contestant la facturation excessive à l'égard de l'entreprise privée Eepad qui a été indûment privée de l'interconnexion dont Algérie
Télécom a le monopole. Il conclut:
"Le capitalisme privé algérien n'est pas très vertueux en général - il correspond bien au contexte affairiste ambiant - mais il donne parfois des entreprises porteuses utiles pour l'économie
algérienne. Au lieu de chercher des solutions pour éviter des cessations d'activités - quitte à «nationaliser» ! -, on préfère «liquider» et faire le vide. Cela a été le cas avec les entreprises
du groupe Khalifa où, encore, la joint-venture Brown Roots and Condor (BRC) liquidée après le rachat des parts de Haliburton. Tonic Emballage a été récupérée presque in extremis après des années
d'abandon. Dans le cas d'Eepad, il n'y a pas de disparition, mais un élan a été cassé. Une entreprise a été arrêtée à tort pendant quatre ans, des centaines d'emplois ont été
perdus Eepad existe
toujours, en plus petit et dans son métier originel,mais les choses auraient pu aller
autrement si la tendance facile
«à liquider» ne l'a pas emportée".
Le désert syndical du Sud
Nabila Amir écrit dans El Watan: "Toutes les tentatives de création de syndicats autonomes au sein des multinationales, activant dans le Sud algérien, ont été vouées à l’échec". Elle rapporte le témoignage de Yacine Zaïd:
«En 2006, je travaillais à l’Eurest, multinationale française de l’agroalimentaire de Hassi Messaoud. J’ai été licencié pour avoir voulu créer une section syndicale
autonome.»
Zaïd a d’abord voulu créer une section de l’UGTA, mais la direction de l’UGTA, qui l’avait soutenu au départ, a fini par le désavouer. «Nous avions tenu une
réunion pour la création d’une section syndicale affiliée à l’UGTA et en présence de tous les concernés, notamment des représentants de l’UGTA, de l’Inspection du travail, et même de la
gendarmerie. Un PV a été signé, mais le directeur général de la multinationale a refusé de reconnaître le PV et a commencé à faire pression sur les ouvriers», peste Zaïd qui regrette que ni
l’UGTA ni l’Inspection du travail n’aient pu faire changer d’avis au patron de cette entreprise. Zaïd a été licencié et traîné devant les tribunaux. Des mouvements de protestation ont eu
également lieu dans trois entreprises de catering. Résultat : l’employeur a procédé au licenciement de tous les animateurs de ce mouvement : 30 ouvriers au total. A Sonatrach, «toute
contestation se voit cassée et étouffée par l’UGTA», soutient Zaïd.