"En ce ramadhan où tout est là, sauf l'argent"
DR
«Les crises d’ulcère, les crises de côlon, les épigastralgies et les intoxications alimentaires sont les cas les plus fréquents durant le mois de Ramadhan», affirme une jeune médecin, rencontrée dans les couloirs du service des urgence de Mustapha Bacha à Alger par Rym Nasri, reporter au Soir d'Algérie.
Le
lait manque, mangeons de la viande !
par Slimane Laouari
On nous avait assuré que nous ne manquerons pas de viande, voilà que nous manquons de… lait ! Il est des promesses dont les algériens se passeraient volontiers, mais les promesses ne se font pas sur commande. Les résultats non plus. On y est habitué mais cette année, on a «innové». On voulait baisser les prix de la viande, la viande a presque… doublé de prix.
On a voulu «équilibrer» le marché, personne n'a compris par quel mécanisme ça se fera, puisqu'on a même renoncé aux importations «traditionnelles». D'autres ont voulu «rééquilibrer» les prix, ils on appelé les Algériens à boycotter la viande, pour que la viande arrête de les boycotter. On «savait» que ça n'avait aucune chance de marcher, mais il paraît que le «taux de suivi» de la grève du jarret est de 30%. On ne sait pas comment les organisateurs du débrayage de la chair ont fait pour calculer le niveau de réussite de leur «initiative citoyenne» mais on sait que ça ne se voit pas du tout chez les bouchers. On se pose également la question de savoir qui est comptabilisé dans les 30%.
Ceux qui ne mangent jamais de viande et se moquent donc des pourcentages du boycott de la viande, ceux qui se sont mis récemment au régime anti-cholestérol et anti-goutte, ceux qui achètent leur viande là où personne ne l'achète, ceux qui «égorgent» des moutons parce qu'ils ont des frigos suffisamment grands pour contenir la provision du ramadhan, ceux qui ont des abattoirs clandestins ou tout le reste, c'est-à dire ceux que les «appeleurs» n'ont ni les moyens ni le savoir-faire ni le temps de comptabiliser ? Le lait manque donc, mais on peut toujours se rabattre sur la viande ! Il paraît que le liquide blanc se raréfie parce que le Ramadhan coïncide cette année avec… l'été !
Cela fait plusieurs années que cette coïncidence est là mais à leur décharge, les explicateurs du manque de lait peuvent toujours rétorquer qu'on a toujours… manqué de lait. Et qu'on ne change pas une explication qu'on n'est même pas obligé de donner. Il paraît qu'il n'y a pas de lait parce que pendant le ramadhan et pendant l'été, on boit trop de lait ! D'abord ce n'est pas vrai.
On boit trop de petit lait, oui. C'est frais, ce n'est pas trop cher et on peut y ajouter le mesfouf aux raisins secs, même si les raisins secs font partie avec les dattes d'un autre boycott, anonyme, puisque jusque-là, il n'a pas été revendiqué. On mange également trop de glaces et pour faire des glaces, il faut du lait. Les «enquêteurs» devraient d'ailleurs se pencher sur la question : pourquoi les fabricants et les vendeurs de glaces ne manquent jamais de lait subventionné ? Pourquoi ce sont toujours ceux qui servent de «prétexte» à la subvention qui en sont privés, qui en sont humiliés ?
Mais on ne pose pas ce genre de questions pendant le ramadhan, surtout quand le ramadhan coïncide avec l'été. D'abord parce qu'il fait chaud et les questions chauffent encore plus le corps et l'esprit, ensuite parce que ça ne sert à rien de poser les questions dont on a les réponses. Et enfin parce que ceux qui réfléchissent à une autre forme de solidarité sociale qui ne profite qu'aux plus faibles n'ont pas terminé de réfléchir.
Il y a aussi les «flans». Pour faire un flan, il faut du lait et pendant le ramadhan, qu'il coïncide avec l'été ou non, on mange beaucoup de flans. Vous vous rendez compte ? Non seulement les Algériens, qui ne sont pas tous obligés d'en manger, mangent quand même des yaourts, mais en plus, ils mangent des flans caramel pour ensuite se plaindre de la tension sur le lait !
Ils sont terribles, les pauvres, on leur interdit le dessert parce que c'est trop cher pour eux, ils inventent des desserts pas trop chers ! Heureusement qu'on ne peut pas obtenir de la viande à partir du lait, sinon ça va être une vraie catastrophe.
Le Temps d’Algérie, 24 juillet 2012
Flambée des maladies « ramadanesques »
Par Rym Nasri
Le service des urgences du CHU Mustapha-Pacha à Alger ne fait pas exception. Comme chaque mois de Ramadhan, ce service connaît une grande effervescence. Hier encore, la salle d’attente du service des urgences médicales grouillait de monde.
Installés sur les quelques sièges du hall, debout, adossés au mur ou encore assis à même le sol, les «patients» attendent leur tour avec impatience. Ils souffrent pour la majorité de problèmes d’estomac, d’hypoglycémie ou d’hypotension. Des malaises tous liés au jeûne. Seuls deux médecins sont de garde dans une salle étroite et mal entretenue. «Les crises d’ulcère, les crises de côlon, les épigastralgies et les intoxications alimentaires sont les cas les plus fréquents durant le mois de Ramadan», affirme une jeune médecin, rencontrée dans les couloirs du service. Des pathologies qui surgissent généralement juste après la rupture du jeûne, car, explique-t-elle, «les gens mangent en grandes quantités et vite et digèrent mal. Les aliments acides consommés lors du f’tour tels que charbet, formellement déconseillés, sont également à l’origine de ces maux».
Elle estime, toutefois, que le nombre de ces cas diminuera au fil des jours car, fait-elle remarquer, «les gens finiront par mieux gérer leur alimentation ». D’autres
maladies ressurgissent au cours du mois de jeûne, notamment l’hypoglycémie et l’hypotension. «Outre les diabétiques, même les personnes non atteintes de diabète font des baisses de glycémie
durant le Ramadan. Les hypertendus, quant à eux, s’exposent souvent à de graves risques car le jeûne perturbe leur traitement et leur régime alimentaire», explique-t-elle encore. Le service
des urgences chirurgicales enregistre, lui aussi, une affluence inhabituelle. Les victimes des accidents de la circulation augmentent sensiblement en ce mois. «Souvent ces accidents
surviennent au moment du f’tour. Une heure où les automobilistes, des jeunes pour la plupart, sont pressés de rentrer chez eux et font dans l’excès de vitesse », précise le médecin de
garde.
Le Soir d’Algérie, 24 juillet 2012
RAPPEL
Par El-Guellil
Reconnaissons el hamdouillah, que tout a changé. Dans le temps, on s'attablait sur une terrasse de café et on attendait que le garçon daigne prendre la
commande. Il lançait le «ouach techrob» tout en essuyant la table à l'aide d'un chiffon dégueulasse, avant de vider le contenu du cendrier au pied de la table. Qui se souvient de ces années, où
on avait de choix entre un jus de chaussette, une limonade rouge, safra, ou pomme, noire comme la serviette du garçon ? On préférait la blanche parce qu'on pouvait voir ce qu'il y avait à
l'intérieur. En ces temps, nous avions le plus grand complexe sportif. Des sportifs sans complexe et un parti unique en son genre. C'était lui qui décidait qui pouvait travailler dans une
entreprise. Celui qui pouvait enseigner. Celui qui pouvait espérer une maison. Celui qui était patriote. L'autre qui pouvait postuler à un poste de responsabilité. Qui était Algérien et qui ne
l'était pas.
Vous souvenez-vous des chaînes pour une douzaine d'œufs et le statut d'un agent des Galeries Algériennes ? Il faisait la pluie et le beau temps dans cette
unique grande surface. Il était le plus respecté, le plus courtisé dans l'immeuble. C'était lui le fournisseur en temps de pénurie. Ah la pénurie
le bon vieux temps de la pénurie. Ni zebda, ni tomatiche, ni louz, ni Omo, et téro si vous n'êtes pas content. Tout se distribuait sous le manteau.
Il te fallait avoir des connaissances partout. Un rien nécessitait l'intervention du moins que rien qui se prenait pour le nombril du monde. Ah le bon vieux temps
où un militaire ou un policier mettait sa tenue de sortie pour brûler les «queues» et se faire
servir le premier... Le bon vieux temps où personne ne bronchait.
El youm kayène tout ce qu'il faut. Les Chinois sont là. Les Français sont là. Les Anglais aussi sont là. Les Indiens sont là. Les Afghans qui ont combattu les communistes sont là. Nos frères arabes sont là. Ceux qu'on appelait impirialia sont là. Les Algériens sont las. Et ce sont nos jeunes qui veulent partir. Parce que ceux qui étaient aux commandes lors des ramadhans de pénurie sont toujours là en ce ramadhan où tout est là, sauf l'argent.
Le Quotidien d’Oran, 24 juillet 2012