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Publié par Saoudi Abdelaziz

 

Une analyse d’Isabelle Mandraud dans le Monde

 

Alger Envoyée spéciale - Annoncés par le président algérien Abdelaziz Bouteflika le 15 avril, les projets de réformes politiques sont entrés, depuis jeudi 6 octobre, dans la phase critique de leur examen à l'Assemblée populaire nationale (APN). Y figure un projet de loi destiné à élever la représentation des femmes dans les Assemblées élues. Un thème plutôt consensuel dans le contexte du "printemps arabe" avec, pour la première fois, un quota d'au moins 33%.

 

Largement majoritaires aujourd'hui dans les universités - avec, toutefois, une seule femme recteur -, présentes quasiment à tous les niveaux professionnels, les femmes algériennes sont rares en politique : à peine 7 % des parlementaires. Leur faire de la place ne va donc pas de soi, comme en témoignent les premiers débats sur le sujet, qui laissent présager un résultat mitigé.

 

Premier groupe en nombre d'élus avec 389 députés dont douze femmes (plus six apparentées), le Front de libération nationale (FLN), l'ancien parti unique, souhaiterait limiter la proportion des femmes selon les régions, dans une fourchette de 20 % à 30 %. "Nous préfèrerions disposer d'une marge de manœuvre et d'une plus grande flexibilité, car il faut ménager les élus ", explique Kassa Aïssi, porte-parole du FLN et membre du bureau politique.

 

En contrepartie, les listes seraient, assure-t-il, "perlées", c'est-à-dire alternées avec au moins un tiers de femmes en position éligible. Mais bon nombre de députés militent aussi pour que le quota de femmes ne soit imposé que dans les chefs-lieux et communes de plus de 20 000 habitants.

 

"A chaque fois qu'on descend dans la taille des assemblées, on rencontre plus de difficultés, parce que les mentalités résistent", témoigne Dalila Bouakaz, députée FLN de la wilaya d'Alger depuis 2002. "Ils (les députés) vont faire tous les calculs pour revenir sur le quota de 33 %, vous allez voir, on ne va pas arriver à plus de 20 % !"

 

Si les élues disent ne pas rencontrer d'obstacles majeurs lorsqu'elles font campagne, Samira Kerkouche, vice-présidente de l'Assemblée de Hussein Dey, à Alger, pointe la nécessité d'une "meilleure communication pour nous les femmes, car il y a déjà un problème de communication entre les hommes et les femmes en général".

 

Une pétition a circulé, pour soutenir le quota de femmes au Parlement, mais Fatma Oussedik, sociologue à l'université d'Alger-II, engagée dans les mouvements féministes algériens, ne l'a pas signée.

 

"Comment peut-on être encore mineure dans le code de la famille et être élue ? justifie-t-elle. Avant d'en arriver à des lois civiles, l'indicateur fondamental, pour nous, reste le retrait de ce code." Révisé en 2005, ce dernier maintient notamment la présence d'un "tuteur matrimonial", souvent le père ou le frère, lors des mariages.

 

En novembre 2010, les associations féministes, davantage préoccupées par les violences faites aux femmes que par leur représentation en politique, avaient été empêchées de se réunir dans un hôtel d'Alger. Depuis, après les derniers incidents survenus dans la cité pétrolière de Hassi Messaoud - où des femmes isolées ont été violemment agressées par des hommes, ce qui a donné lieu à un livre, Laissées pour mortes, le lynchage des femmes de Hassi Messaoud (Max Milo, 2010) -, un observatoire national a été créé.

"Ces violences sont comme des fièvres, plus les femmes conquièrent de la place, plus l'inquiétude gagne une société où le chômage, la précarité et l'abaissement du statut économique des hommes progressent", assure Mme Oussedik. Les femmes cadres vivant seules sont ainsi parfois la cible d'actes de violence.

 

"Aucune femme n'a été élue sur des revendications féministes, observe encore la sociologue. Elles transforment peut-être un peu l'image, mais elles sont trop peu pour changer quelque chose."

 

La présence de femmes dans les mouvements arabes, en Tunisie, ou sur la place Tahrir en Egypte n'a cependant échappé à personne en Algérie. "Les femmes font partie des catégories qui se mobilisent le plus pour le changement, note Mme Oussedik, mais, en Algérie, on est conscient que la démocratie ne s'octroie pas et que ce n'est pas non plus l'OTAN qui le fera."

 

Isabelle Mandraud, le 8 octobre 2011, Le Monde.fr

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