2 Décembre 2012
Par Saoudi Abdelaziz
En Algérie, on est obligé de parler sans preuves, mais des millions citoyens partagent les tuyaux de ceux qui savent dans l’immense journal souterrain de l’underground médiatique national. Cela ne remonte pas encore à la surface.
Les institutions chargées de recueillir les preuves des actes illicites sont toujours absentes, par contraintes ou par soumission. Les juges et les journalistes ignorent ce qui se passe. L’exercice le plus répandu parmi les journalistes, qui travaillent sous les contraintes opportunistes des patrons de presse privés ou publics et sous la menace de divers articles du code pénal, reste donc l’allusion perfide. Souvent jubilatoire.
Aïssa Hireche écrit dans l’Expression, “En nous informant, ce jeudi, d'une participation à près de 45%, M.Ould Kablia n'a fait que confirmer ce qu'il pensait déjà. Sans institut de sondage, sans l'aide d'aucun spécialiste, sans recours à aucun logiciel et à aucun modèle de prévision, notre ministre de l'Intérieur a vu juste. Il a été un peu plus précis que beaucoup de grands instituts de sondage du monde. Et, après coup, on comprend parfaitement pourquoi il n'a pas besoin de spécialistes de la prévision ou de centres de sondage. Mais comment a-t-il donc fait pour taper en plein dans le mille? C'est le genre de questions qui, parfois, se posent à vous et qui vous envahissent au point de vous empêcher de dormir, car il faut en convenir, ce n'est pas à la portée de tout le monde de réaliser un tel exploit. Et ce n'est pas tous les jours qu'on en voit”.
Mais il n’y pas que les juges et les journalistes qui manquent de preuves. Les gens de la classe politique sont aussi condamnés à un rôle d’accusation sans faire le pas décisif de la contestation systémique. La secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune. affirme que la fraude a été plus massive que lors des législatives : «Durant cette deuxième épreuve, la nation a échoué parce que le scrutin a été malheureusement entaché de fraude et d'irrégularités». M. Ali Laskri qui n’a pas attendu le résultat du scrutin pour affirmer : « Deux heures avant la fin des opérations de vote, le Front des Forces Socialistes constate, sans surprise, que le scrutin du 29 novembre 2012 est loin de répondre aux standards internationaux en matière de sincérité et de régularité ».
Le ministre de l’Intérieur rétorque : «Il est vrai que nous avons enregistré des incidents, ici et là, mais ils n’ont pas eu d’impact négatif sur le déroulement du scrutin et sur le dépouillement de ses résultats ».Belkhadem, le chef du FLN, n’évoquant la contestation que dans une seule commune, observe, bon prince : «C’est à la justice de faire son travail ».
Dans son analyse d’hier, Kharroubi Habib note : « Le FLN et le RND vont être aux commandes du plus grand nombre de mairies du pays. Leur gestion antérieure des collectivités locales a été tant décriée que les scores qu'ils ont réalisés à l'occasion du renouvellement des APC laissent beaucoup dubitatifs sur la manière dont ils les ont obtenus. La sanction à leur encontre par l'électorat a été donnée pour une probabilité quasi certaine. »
Y aura –t-il des suites judiciaires aux constats effectués par les partis ? La Justice souveraine de M. Belkhadem sera-t-elle cantonnée à l’examen de quelques « cas isolés». Ou bien va-t-on entreprendre par presse, juges, associations et parti interposés, à l’échelle nationale, la mise à plat publique et transparente des mécanismes électoraux, dominés plus que jamais par le pouvoir très compétent des Maîtres du fichier.
Saoudi Abdelaziz, 2 décembre 2012