El Watan parle enfin de Cevital !
On ne l’espérait plus. Un des gros quotidiens algériens vient enfin de parler des actions ouvrières chez Cevital. Le silence devenait intolérable. Le net a joué son rôle et accule l’honorable quotidien algérois à sortir de sa réserve.
Le 21 janvier 2012 un article d’El Watan annonçait la fin de la grève chez Cevital. Le journal n’avait pas informé ses lecteurs sur son déclenchement et son déroulement mouvementés. Cet article se termine complaisamment par un extrait du communiqué de presse du groupe qui affirme «instaurer une communication ouverte, saine et sereine, avec l’ensemble des employés».
El Watan n’a plus rien publié, depuis cette information sur les bonnes intentions du groupe Cevital. Il ne faut pas cracher dans la soupe : M. Rebrab est sans doute le plus grand pourvoyeur de pages de pub d’Algérie. C’est aussi un financier des think thank libéraux. C’est le « capitaine d’industrie » emblématique de ce « libéralisme à l’Algérienne », assis le cul entre deux chaises. Le consortium de M. Rebrab avait été lancé sur une grande échelle au début des années 90 par un grand coup de pouce du DRS et des fonds de la rente. Pendant la décennie noire, il deviendra, servi par son aisance médiatique, la vitrine extérieure du système, sur les télés occidentales.
A la décharge du quotidien El Watan, l’omerta sur Cevital touche quasiment tous les quotidiens, à la notable exception de l’Expression. M. Fettani, le patron de ce quotidien a sans doute gardé une dent contre M. Rebrab, qui l’avait évincé de la direction de Liberté, alors qu’il en avait été le fondateur. M. Rebrab avait pris le contrôle de la majorité des parts de ce journal et voulait un directeur de publication plus docile...
Saoudi Abdelaziz, 6 mai 2012
Grévistes de la faim de Cevital : « Nous avons toujours protégé l’entreprise comme notre bien »
« Ni le médecin de l’entreprise, ni le Croissant-Rouge algérien, ni le maire, ni le wali, personne parmi les responsables n’a demandé de nos nouvelles.» A leur 12e jour de grève de la faim, les 16 ex-employés de Cevital font face à un mur de silence.
Depuis le début de la grève, l’ambulance de la Protection civile a évacué à l’hôpital certains d’entre eux une bonne dizaine de fois. Le dernier vient tout juste de devenir diabétique, un autre a eu une crise d’estomac.
Le temps de se faire injecter du sérum et tout le monde reprend sa place sur son carton devant l’entrée du complexe, à l’arrière-port de Béjaïa. «Nous irons jusqu’au bout», ont-ils réaffirmé encore hier à l’unisson. Leur revendication de reprendre leurs postes de travail a reçu une fin de non-recevoir. Pour la réitérer, le comité de solidarité mis sur pied après la marche du PST, le 1er mai dernier, vient d’appeler à un nouveau rassemblement de soutien devant l’entrée du complexe, lundi à la mi-journée.
Le malheur des grévistes a commencé au lendemain du 1er avril dernier, après une grève que l’employeur a jugée «illégale» en les accusant d’avoir «bloqué l’accès au complexe avec des graves menaces et intimidations aux autres employés qui avaient refusé de les suivre».
Présentés en conseil de discipline, ils ont été licenciés pour «faute du troisième degré». «Sur quelle base juge-t-on de son illégalité ? Nous n’avons ni syndicat, ni conseil d’administration, ni représentants légitimes. Le mot d’ordre de grève a pourtant été affiché deux jours avant», affirme l’un des grévistes. «De quelles entraves nous accuse-t-on ? Nous n’avons jamais usé de force ni détérioré l’outil de travail», se défend Abdellah, l’un d’eux. «Ce complexe que vous voyez là, nous l’avons toujours protégé comme notre propre bien», déclare-t-il à El Watan. «J’ai évité à l’entreprise des surestaries de 25 000 dollars lorsque j’ai trimé seul de 7h à 22h pour réparer un dégât matériel survenu dans la cale d’un navire. C’est cela, faire subir des dégâts à Cevital ?» s’exclame Abdellah. «Je me donne à 200% pour Cevital», ajoute Saïd, visiblement plus affecté par cette grève.
En 1999, Saïd avait été félicité par M. Rebrab himself : «Il m’a reçu avec toute mon équipe à l’hôtel Chréa pour avoir réussi à éteindre un feu qui aurait pu être ravageur sur un chemin de câble», se remémore-t-il, désolé qu’aujourd’hui on le «récompense» de la sorte.
La plateforme de revendications portée par la grève du 18 janvier compte 25 points.
Elle est encore à satisfaire dans sa majorité malgré l’augmentation salariale de 5%, la prime exceptionnelle de 50 000 DA et la feuille de route engageant le groupe d’Issad Rebrab à lancer une étude comparative des salaires (benchmark) et à créer une mutuelle et un comité de participation. L’installation du CP, reportée une première fois, devrait avoir lieu dans les tout prochains jours, comme l’annonce une note affichée au sein du complexe, appelant les travailleurs à élire leurs représentants. La revendication d’une section syndicale a été, elle, écartée de toute discussion.
Kamal Mehdjoub, 6 mai 2012. El Watan