« Ce sont les Français qui ont liquidé Khalifa »
Le procès en cassation de l’affaire Khalifa va –t-il donné lieu aux révélations tant attendues par les Algériens ? Ainsi Ali Bennouari, l’ex-ministre délégué au Trésor a accusé les Français d’être derrière la liquidation du groupe Khalifa. Qu’y a-t-il de vrai dans cette affirmation d’un « ex » ?
Un câble de Wikileaks sur l’entrevue en date du 31 janvier 2007 entre un expert financier et l’ambassadeur Robert S. Ford va dans le sens de cette hypothèse : «Mohamed Ghernaout nous a dit que la liquidation de Khalifa relève d’un deal entre les dirigeants algériens et le renseignement français, justement pour laisser le champ libre aux banques françaises en Algérie. Il nous a dit aussi que Khalifa est devenu trop grand en un tout petit laps de temps. Les Français, qui voulaient avoir leur part du gâteau, ont misé sur l’imprudence du playboy Abdelmoumen pour appuyer leur thèse et faire tomber la banque». Et, semble-t-il, l’analyse de Ghernaout a marqué l’Américain : «sa prophétie est devenue réalité. En ces dernières années, les banques françaises, Société Générale et BNP Paribas qui ont ouvert plus de 50 succursales en Algérie ont affiché leurs intentions à reprendre le Crédit populaire algérien (CPA), listé parmi les sociétés privatisables». (Le Soir d’Algérie, 6/9/2011).
Maghreb Emergent revient sur cette affaire.
Relance de la sulfureuse affaire de Khalifa Bank
Le double pourvoi en cassation introduit par la défense et le ministère public dans l’affaire de la Khalifa Bank a été accepté, hier jeudi, par la Cour suprême algérienne. Le procès qui s’était terminé en mars 2007 par une condamnation à vie par contumace du « tycoon » algérien devrait être rejugé. Abdelmoumen Rafik Khalifa attend toujours l’examen d’un recours présenté devant la Haut Cour britannique contre son extradition. En Algérie, deux anciens ministres ont dit, après coup, que la liquidation du groupe Khalifa n’était pas inéluctable. L’un d’eux affirme que c’était une décision française…
Les avocats de la défense, Maîtres Miloud Brahimi et Khaled Bourayou ont indiqué, jeudi, à l’agence APS que le pourvoi en cassation introduit par la défense et le ministère public dans l’affaire d’El Khalifa Bank a été accepté par la Cour suprême. L’affaire va devoir être rejugée. Aucune date n’a été encore fixée pour le nouveau procès. Le procès très médiatisée, mais qui a laissé beaucoup d’observateurs sur leur faim, s’est déroulé en mars 2007 avec la comparution de 104 personnes. Abdelmoumen Rafik Khalif avait été condamné à la réclusion à perpétuité par le tribunal de Blida dans le cadre du procès dit de la «faillite frauduleuse de la Khalifa Bank ». Les chefs retenus contre lui étaient « constitution d'une association de malfaiteurs, vol répété, fraude et escroquerie, abus de confiance, falsification de documents officiels et bancaires, corruption, abus de pouvoir et faillite frauduleuse". L’affaire a emporté également dans son sillage l’ancien gouverneur de la Banque d'Algérie en fuite Abdelawahab Keramane et cinq autres inculpés, tous condamnés à 20 ans de prison ferme. Son frère, l'ancien ministre de l'Industrie, Abdennour Keramane, et sa fille Yasmine, ancienne représentante de Khalifa Airways à Milan (Italie) avait été condamné à 10 ans de prison. Le tribunal criminel de Blida avait également ordonné la ordonné la saisie des biens de tous ces condamnés. Des peines de 1 ans à 15 ans, assorties d'amendes allant de 100.000 dinars à un million de dinars avaient été rendues contre 44 des accusés, 55 autres personnes ont bénéficié d'un acquittement.
L’agence de Koléa et l'aveu sans suite de Sidi Said
De Londres, Rafik Khalifa, avait accusé le président algérien, Abdelaziz Bouteflika d'avoir provoqué la faillite de son groupe pour des « raisons politiques ». La question politique avait d’ailleurs été soulevée par certains avocats au cours du procès en faisant valoir que l’empire Khalifa n’aurait pu voir le jour « sans l'aide des autorités qui ont fermé les yeux sur certains de ses agissements ». Au cours du procès, maitre Khaled Berghel avait souligné qu’une «volonté qui dépassait celle de la Banque d'Algérie qui a permis à Rafik Khalifa d'agir en toute sécurité ». Le cas de l’agence Koléa de la Khalifa Bank, soustraite du procès, avait suscité des commentaires d’autant que Rafik Khalifa avait accusé le ministre de la justice d'avoir eu un crédit auprès de cette agence.
Dans l’affaire, Sidi Said Abdelmadjid, le secrétaire général de l'Ugta, avait reconnu la signature d'un faux PV du conseil d'administration pour ordonner le placement chez Khalifa des fonds de la Cnas (caisse nationale des assurances sociales) mais il n'avait été entendu qu'en qualité de témoin. A l’opposé, Ahmed Aoun, ancien PDG du groupe Saïdal avait été condamné à deux ans de prison pour avoir reçu une voiture en cadeau. Au plan du droit, ce pourvoi accepté par la Cour suprême est le résultat de la procédure engagée par des seuls accusés présents au procès. Maitre Farouk Ksentini, un des avocats de la défense a évoqué la possibilité d’un changement de juridiction dans cette affaire. La demande d’extradition engagée par l’Algérie avait abouti, après une longue procédure, à une décision favorable en juin 2009. Un juge britannique avait estimé que l’extradition de Khalifa "ne contrevenait pas à la Convention internationale des droits de l’homme".
Benouari : ce sont les français qui ont liquidé Khalifa
Khalifa a engagé une procédure de recours auprès de la Haute-Cour, en avril 2010, aussitôt après la décision du Home Office de le renvoyer en Algérie. En octobre dernier, l’avocate de Rafik Khalifa, Anita Vasish, a déclaré qu’elle ne pouvait rien faire d’autre que d’attendre. La « programmation d’une audition est du ressort exclusif de la Haute-Cour » a-t-elle déclaré. Rafik Khalifa qui est en détention depuis 2007 a déclaré en réponse à une question sur le sort « des milliards de Khalifa » : « cette question devrait être posée aux responsables en Algérie parce que les milliards dont vous parlez je les ai laissés derrière moi en Algérie ».
Dans une intervention au forum du journal Echourouk, l’ancien ministre de l’économie Abdelatif Benachenhou dit s’être opposé au démantèlement de la Khalifa Bank et de Khalifa Airways et qu’il avait plaidé pour la nationalisation du groupe et la récupération de ses actifs. Selon lui, il y a eu une forte opposition de «certaines voix qui demandaient de radier le nom Khalifa des registres de l’histoire». Ali Bennouari, l’ex-ministre délégué au Trésor a, lui, carrément accusé les français d’être derrière la liquidation du groupe Khalifa.
Oussama Nadjib, 20 janvier 2012. Maghreb Emergent