Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

Antonio Gramsci: "Pourquoi je hais l'indifférence"

 

 

 

  

Par Mohamed Yefsah

 

 

   

 

La publication d'une nouvelle anthologie du penseur italien Antonio Gramsci (22 janvier 1891 - 27 avril 1937) tombe à pic. La trentaine d'articles rassemblés par les éditions Rivages, sous le titre «Pourquoi je hais l'indifférence », sont un lointain écho du passé qui prend son ampleur dans le présent.

 

A l'indignation qui implique le simple sentiment du cœur, Antonio Gramsci préfère l'indignation de la raison. La grandeur du cœur se conjugue alors à la force de la raison pour comprendre le monde et le changer. Les textes rassemblés, nouvelle traduction de Martin Rueff, témoignent de cet élan. « Un homme ne peut vivre véritablement sans être un citoyen et sans résister. L’indifférence, c'est l'aboulie, le parasitisme, et la lâcheté, non la vie. C’est pourquoi je hais les indifférents. L’indifférence est le poids mort de l’histoire » (p.55). L'indifférence, synonyme de fatalité, d’absentéisme politique travaillant pour l'intérêt du petit nombre de possédants, est un état qui peut être brisé par l'invention du collectif, la renaissance de l'action.

 

La défaite des ouvriers de Fiat, le 8 mai 1921, se transforme sous la plume de Gramsci en une sorte de chant à leur gloire. À cette époque où l'industrie automobile s'est massivement implantée en Italie, avec son lot d'exploitation et de résistance des travailleurs pauvres, Gramsci rend un émouvant hommage à la lutte des ouvriers de la fabrique de Turin : « Ils ont résisté pendant un mois. Ils étaient exténués physiquement parce que cela faisait des semaines et des mois que leurs salaires avaient été réduits et ne suffisaient plus au soutien de la famille, et pourtant ils ont résisté pendant un mois. Ils étaient complètement coupés de la nation, submergés par un poids général de fatigue, d’indifférence, d’hostilité, et pourtant ils ont résisté pendant un mois. (…) ils se savaient condamnés à la défaite et pourtant ils ont résisté pendant un mois » (pp.75-76).

 

// Antonio Gramsci - "Pourquoi je hais l’indifférence" - Éditions Rivages  

Dans le verbe de Gramsci, l'adverbe « pourtant » permute la défaite en une victoire et la bataille d'un mois résonne comme une très longue durée. Ce qui montre la profondeur de son humanité, exprimée avec une sublime écriture conjuguant l'intelligence et le sentiment. Pour lui, l'implication dans la vie de la cité et la politique sont une affaire sérieuse. « Si un savant se trompe dans ses hypothèses au fond, c'est un moindre mal : une certaine quantité de richesses de choses est perdue : une solution a précipité, un ballon a éclaté. Si un homme politique se trompe dans ses hypothèses, c'est la vie des hommes qui est en danger, c'est la faim, c'est la révolte, c'est la révolution pour ne pas mourir de faim » (p.61).

 

 

 

En effet, Antonio Gramsci, philosophe et homme politique (député de Turin de 1924 à 1926), est parmi les grands penseurs du XXe siècle. Membre fondateur du Parti Communiste Italien (PCI), journaliste de talent, la grande partie de ses œuvres ont été écrites en prison. « Nous devons empêcher ce cerveau de fonctionner pendant vingt ans », est la tristement célèbre phrase du procureur fasciste Isgro qui, le 4juin 1928, condamne Gramsci à cette peine de prison, un an et demi après son arrestation. Sa réflexion foisonnante aborde divers sujets : la religion, le fascisme, le mouvement ouvrier, la paysannerie, la philosophie, la linguistique, la littérature, la politique, l'idéologie, le droit. Il développe le concept d'hégémonie culturelle pour expliquer la domination de la bourgeoisie et celui de praxis en tant que moyen de lutte des masses. Pendant ses onze années de captivité, il n'a cessé d'écrire et de tenir une riche correspondance. Ses écrits seront publiés en de monumentaux volumes, sous le titre de Carnets de prison ou parfois Cahiers de prison, Écrits politiques, Textes, par différentes maisons d'édition et avec différentes traductions.

 

 

Gramsci ravagé par la maladie, tuberculose et artériosclérose, est transféré dans une clinique en octobre 1933, après une campagne internationale de solidarité en sa faveur. Préparant sa sortie de clinique à Rome et son retour en Sardaigne, sa région natale, il meurt le 27 avril 1937 (...)

 

 

 

 

Mohamed Yefsah

, 28 février 2013.

babelmed.net

 

 

 

Pourquoi je hais l’indifférence, Traduit de l’italien, préfacé et annoté par Martin Rueff,

Éditions Rivages poche.

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article