ALGERIE-Les députés s'interdisent de débattre de la corruption
"Et le pouvoir peut toujours être “satisfait” de son Assemblée : par amour pour lui, elle va jusqu’à s’interdire le débat !"
Assemblée : l’autocensure
Par Mustapha Hammouche, 26 juin 2013
L’APN vit un grand moment de démocratie ! La question qui déchire la confrérie des députés est simple mais déterminante : l’Assemblée a-t-elle le droit de débattre
de la corruption ?
Aux
dernières nouvelles, la représentation nationale a préféré jouer son rôle naturel : servir de paravent au pouvoir et empêcher tout débat qui remettrait en cause la légitimité et la compétence du
pouvoir, la pertinence de ses politiques ou la moralité de son action. En démocratie, le Parlement est l’espace de prédilection où s’exercent la critique et le contrôle de l’activité du
gouvernement et des mœurs des hommes et femmes du pouvoir. En dictature, dans sa version parti unique, comme c’était le cas chez nous jusqu’en 1988, ou dans sa version “pluraliste”, comme c’est
le cas chez nous depuis lors, le Parlement occupe cet espace pour empêcher que le débat et le contrôle ne s’exercent sur les agissements du pouvoir exécutif.
Pour cela, il suffit au pouvoir réel de s’assurer que la fonction parlementaire est massivement occupée par des “élus” qui n’ont rien d’autre à défendre que leur statut et
les privilèges qui y sont attachés. Quitte à tolérer quelques éléments dissonants, voire subversifs, faire-valoir d’un “pluralisme” autoritariste. Cette opposition, nécessairement
ultra-minoritaire, pour que son éventuel chahut ne porte pas trop loin, est à la fois une contrainte et un luxe pour notre dictature. Comme contrainte, elle oblige le pouvoir à quelques rituels
encombrants comme les questions orales au gouvernement : on aura remarqué que les “bons” députés, ultra-majoritaires du FLN, ont abondamment conspué le député de “l’opposition” qui posait la
question posée sur la corruption de son secteur au ministre de l’Énergie ! Comme luxe, elle légitime sa prétention à l’appellation contrôlée de démocratie d’un pouvoir parfaitement hostile à la
remise en cause : le mode promotion autoritaire et du personnel politique le prive de toute capacité de défense démocratique de sa politique. On ne peut faire le choix de la médiocratie et celui
du débat en même temps.
Résultat : dans sa courte histoire “multipartite”, l’Assemblée nationale algérienne se retrouve dépositaire de cet étrange bilan, en termes de contrôle de l’action du
gouvernement : elle a refusé plus d’initiatives pour des enquêtes et des débats parlementaires qu’elle n’en a acceptés. Et l’unique fois où elle a accepté la mise sur pied d’une commission
parlementaire sur un sujet qui pouvait engager la responsabilité politique du pouvoir, c’était pour enterrer, sans gêne, les conclusions de ses propres investigations !
Ces
conclusions de l’enquête sur la fraude électorale qui, en 1997, a porté le RND, nouveau-né, au pouvoir, d’ailleurs toujours sous le boisseau. Et voici comment, en 2011, Ziari, alors président de
l’Assemblée nationale, faisait l’éloge d’une… Assemblée conçue par la fraude : “Je crois que la satisfaction autour du Parlement de 1997 vient du fait que des quotas et des parts avaient été
distribués.” Avant d’ajouter, avec une pointe de regret : “La parole n’était pas donnée au peuple. Aujourd’hui (en 2011), nous parlons d’une Assemblée, émanation d’élections.” Ce qui
est faux.
Et le pouvoir peut toujours être “satisfait” de son Assemblée : par amour pour lui, elle va jusqu’à s’interdire le débat !