1910 : Clara Zetkin lance la Journée internationale des Femmes du 8 mars
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Le 8 mars est devenu la Journée internationale des femmes suite à une décision du congrès des femmes socialistes, tenu à Copenhague, en 1910, sur l'inspiration de la journaliste allemande Clara Zetkin (1857-1933) directrice de la célèbre revue Die Gleichheit (L’égalité), qu’elle a fondée en 1890.
La conférence de Copenhague réunit une centaine de femmes venues de 17 pays, et adopte aussitôt cette proposition. Le 8 mars 1914, les femmes réclament le droit de vote en Allemagne. Elles l’obtiennent le 12 novembre 1918.
C'est à la suite d’une manifestation de rue à Saint Petersburg, le 8 mars 1917, pour commémorer cette journée des femmes que s’est déclenchée la Révolution russe. Une semaine plus tard, au terme de la Révolution de Février (ainsi nommée d’après le calendrier russe), le tsar Nicolas II abdique et laisse la place à la République.
Clara Zetkin sera emprisonnée en 1915 en raison de ses convictions pacifistes. En 1916, elle joue avec Rosa Luxemburg un rôle essentiel dans la création du parti communiste allemand.
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En 1920, élue au Reichstag, elle assiste à la montée du nazisme en Allemagne, tandis que l’arrivée au pouvoir de Staline la met à l’écart de l’Internationale communiste.
Le 30 août 1932, à 75 ans, elle est chargée, en sa qualité de doyenne du Reichstag, de prononcer le discours d’inauguration du parlement où dominent les chemises noires. Elle lance un vibrant appel à lutter contre le nazisme. « Il s'agit d'abord et avant tout d'abattre le fascisme qui veut réduire à néant par le fer et par le sang les manifestations de classe des travailleurs. L'exigence de l'heure, c'est le front unique de tous les travailleurs pour faire reculer le fascisme. »
Lors de l’arrivée des nazis au pouvoir, elle se réfugia en URSS et mourut le 20 juin 1933, près de Moscou.
Comment Clara Zetkin voyait l’émancipation de la femme
« De même que le travailleur est sous le joug du capitaliste, la femme est sous le joug de l'homme et elle restera sous le joug aussi longtemps qu'elle ne sera pas indépendante
économiquement. La condition sine qua non de cette indépendance économique, c'est le travail. Si l'on veut faire des femmes des êtres humains libres, des membres de la société à part entière au même titre que les hommes, il ne faut ni supprimer ni limiter le travail féminin, sauf dans quelques cas exceptionnels.
Les travailleuses qui veulent accéder à l'égalité sociale n'attendent rien, pour leur émancipation, du mouvement féministe bourgeois qui prétend lutter pour les droits de la
femme. C'est une construction bâtie sur le sable qui ne repose sur aucune base sérieuse.
Les travailleuses sont absolument convaincues que le problème de l'émancipation des femmes n'est pas un problème isolé, mais qu'il fait partie de l'ensemble de la question sociale.
Elles savent pertinemment que ce problème ne pourra trouver de solution tant que la société actuelle n'aura pas subi des transformations fondamentales.
La question de l'émancipation des femmes est née avec les temps modernes et c'est la machine qui l'a engendrée.
L'émancipation de la femme, cela signifie la complète modification de sa position sociale, une révolution de son rôle dans la vie économique.
Les anciens modes de production avec leurs moyens de travail imparfaits enchaînaient la femme à la famille et limitaient son champ d'action à son foyer. Au sein de la famille, la femme constituait une main d'œuvre extrêmement productive. Elle fabriquait presque tous les objets de nécessité courante.
Compte tenu du développement de la production et du commerce de l'époque, il aurait été en outre extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, de fabriquer ces articles
hors de la famille.
Tant que durèrent ces rapports de production, la femme fut productive sur le plan économique...
La machine a mis fin à l'activité économique de la femme dans la famille. La grande industrie fabrique tous les articles à meilleur prix, plus rapidement et en plus grande quantité que ne pouvait le faire l'industrie individuelle qui ne disposait que d'outils imparfaits pour une production à très petite échelle.
Souvent la femme était obligée de payer la matière première achetée au détail plus cher que le produit fini de la grande industrie.
A ce prix d'achat, elle devait ajouter son temps et sa peine, si bien que l'activité productive dans la famille était devenue un non sens économique, un gaspillage de force et de temps. Bien que, dans des cas isolés, l'activité productrice de la femme au foyer puisse être encore utile, il n'en reste pas moins que ce genre d'activité constitue une perte pour la société ».
Louis Aragon chante Clara Zetkin
« La femme des temps modernes est née, et c’est elle que je chante. Et c’est elle que je chanterai », écrit Louis Aragon à la fin de son célèbre roman Les Cloches de Bâle, appartenant à la trilogie du monde réel. C’était de Clara Zetkin qu’il parlait. Les deux dernières pages du roman :
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"Dans le numéro de l’Humanité qui rend compte du congrès de Bâle, il est un discours dont pas une phrase n’a été rapportée. La mention du fait que ce discours a été prononcé y a même été omise. La présence au congrès de l’orateur n’est pas signalée dans ce journal. D’après l’Humanité du lendemain, impossible de soupçonner même la présence de la militante allemande Clara Zetkin, qui y prit la parole au nom de toutes les femmes socialistes.
"Si nous, les mères, nous inspirions à nos enfants la haine la plus profonde de la guerre, si nous implantions en eux dès leur plus tendre jeunesse le sentiment, la conscience de la fraternité socialiste, alors le temps viendrait où à l’heure du danger le plus pressant il n’y aurait pas sur terre de pouvoir capable d’arracher cet idéal de leurs cœurs. Alors, dans les temps du danger et du conflit le plus terrible, ils penseraient d’abord à leur devoir d’homme et de prolétaire.
Si nous les femmes et les mères, nous nous élevions contre les massacres, ce n’est pas que, dans notre égoïsme et notre faiblesse, nous soyons incapables de grands sacrifices pour de grands objets, pour un grand idéal; nous avons passé par la dure école de la vie dans la société capitaliste, et à cette école nous sommes devenues des combattantes… Aussi pouvons-nous affronter notre propre combat et tomber s’il est besoin pour la cause de la liberté".
Elle parle. Elle parle, non point comme une femme isolée, comme une femme qui a pris conscience pour elle-même d’une grande vérité, comme une femme à qui des circonstances exceptionnelles ont donné les connaissances et les facultés d’un homme, comme un homme de génie née dans un laboratoire humain.
Elle parle au contraire comme une femme, pour les autres femmes, pour exprimer ce que pensent toutes les femmes d’une classe. Elle parle comme une femme dont l’esprit s’est formé dans les conditions de l’oppression, au milieu de sa classe opprimée. Elle n’est pas une exception. Ce qu’elle dit vaut parce que des milliers, des millions de femmes le disent avec elle. Elle s’est formé comme elles, non pas dans le calme de l’étude et de la richesse, mais dans les combats de la misère et de l’exploitation. Elle est simplement à un haut degré d’achèvement le nouveau type de femme qui n’a plus rien à voir avec cette poupée, dont l’asservissement, la prostitution et l’oisiveté ont fait la base des chansons et des poèmes à travers toutes les sociétés humaines jusqu’à aujourd’hui.
Elle est la femme de demain, ou mieux, osons le dire : elle est la femme d’aujourd’hui. L’égale. Elle vers qui tend tout ce livre. Celle en qui le problème social de la femme est résolu et dépassé. Celle avec qui tout simplement ce problème ne se pose plus. Le problème social de la femme avec elle ne se pose plus différemment de celui de l’homme.
C’est précisément parce que la victoire future du socialisme se prépare dans le combat contre la guerre, que nous autres femmes, nous renforçons ce combat. Moins encore que pour les ouvriers, les Etats nationaux peuvent être pour nous une patrie véritable. Nous devons nous-mêmes créer cette patrie dans la société socialiste qui seule garantit les conditions de la complète émancipation humaine.
Maintenant, ici, commence la nouvelle romance. Ici finit le roman de la chevalerie. Ici pour la première fois dans le monde la place est faite au véritable amour. Celui qui n’est pas souillé par la hiérarchie de l’homme et de la femme, par la sordide histoire des robes et des baisers, par la domination d’argent de l’homme sur la femme, ou de la femme sur l’homme. La femme des temps modernes est née, et c’est elle que je chante. Et c’est elle que je chanterai.