Autopsie d'un pays inconnu et incompris : l'Algérie.
Une fois que l'on retire les partis pris, les lobbys , les médias peu objectifs, les unes de presses hostiles , les grands conflits d'intérêts et les petits nostalgiques , il reste une Algérie à cœur ouvert que peu de gens connaissent véritablement. Là-voici, sous un autre angle.
Qui parle d’Algérie, en parle forcément avec passion. Et qui prononce à peine son nom, se plonge aussitôt dans l'éternité d'un souvenir raconté , vécu , lu , appris ou entendu.
Parler d’Algérie, c'est d'abord accepter d'être empoigné par un magma d'émotions et de sentiments que ne peut comprendre celui qui écoute. De la tristesse qui noue la gorge à la compassion en passant par la rancune, le deuil , la nostalgie ou le frisson.
L’Algérie, c'est aussi une présence politico-médiatique omniprésente à l'étranger notamment en France , sur une partie du continent africain et dans tout le Maghreb. Des unes de presses un brin provocatrices, des documentaires et interview repoussant les limites , des traits intentionnellement grossis, des discours fâcheux , dangereux , laxistes , mystérieux ou laissés volontairement à la dérive.
Force est de constater que l'Algérie ne laisse pas indifférente tant elle est porteuse de grands sentiments, dont la teneur précise est du ressort de l'intimité de celui qui ressent.
Que cela soit les appels de phare d'Enrico Macias, les chansons de Claude Barzotti, le regret chanté de Serge Lama , les livres de Paul Aussaresses , le regard croisé de Yasmina Khadra , la rancœur des Le Pen ou bien le peuple algérien lui-même.
Mais, au fond, c'est quoi l'Algérie ? Qui sont vraiment les algériens ?
L’Algérie, est avant toute chose, un véritable bijou de la nature pourtant si peu connue du grand public. Elle s’érige, du haut de ses 2,3 millions de km² , en plus grand pays d'Afrique et en 10ème plus grand pays du monde en superficie.
Cependant, sa beauté ne tient pas qu'à l'immensité de son territoire mais aussi et surtout à la diversité de son paysage.
Elle porte sur son dos l'entière délicatesse de la mer Méditerranée, le soleil ardent du Sahara , la verdure de la campagne et la douceur des montagnes. Le tout à la fois et sans avoir à choisir. Il y a tout compte fait, dans le paysage algérien , l'embarras du choix des plaisirs.
Pour les plus curieux, ce pays est aussi le siège de monuments tout-à-fait historiques hantés par la beauté de son passé antique. On y trouve encore les ruines historiques de Djemila tenant fragilement debout, celles de Tipaza , le grand théâtre romain de Guelma , le monument des martyrs d'Alger non loin de la grande Casbah et du Jardin d'Essai.
En contraste, on peut admirer les bords de plage paradisiaques de Jijel ou ceux de Béjaïa. Boire un thé sur hauteurs se Mostaganem, tenter l'aventure martienne du désert à Djanet ou bien simplement se promener sur le front de mer oranais.
Et toujours en contraste, parce qu'il s'agit bien de l'Algérie dont on parle , les mosquées croisent les cathédrales et les algériens continuent de visiter et d'entretenir le magnifique monastère des moines de Tibhirine près de Médéa.
L’Algérie, c'est aussi une jolie culture , encore une fois et malheureusement , gardée sous silence.
Une culture arabo-berbère marquée et marquante ayant luttée férocement et de manière acharnée contre la colonisation étrangère et le terrorisme de tout temps. De la présence romaine à la présence française, en passant par celles des turcs et des phéniciens. Un combat de survie répété pour conserver ses acquis culturels, territoriaux , linguistiques , religieux et populationnels. Auparavant nommé "grenier de Rome" puis "grenier d'Europe», l'Algérie regorge de ressources naturels et de richesses autres que son pétrole.
Mais ce n'est pas tout, car l'Algérie c'est aussi les délices d'une cuisine généreuse et métissée , au carrefour de nombreux peuples de la belle Méditerranée. Le couscous, la chorba , le caldéro , le tajine , les sardines grillées , la frita ou encore les œufs mimosa. Loin, peut-être, des cuisines les plus sophistiquées du reste du monde mais plutôt gardienne d'une cuisine épicée, calorique à souhait mais finalement riche de sa simplicité.
L’Algérie, c'est aussi un pays et un peuple à fort caractère, dont le sang bouillonne avec une facilité déconcertante. Un peuple piétinant la contrainte, refusant les ordres de tous bords, la discipline, excessivement fier et profondément nationalistes. C'est aussi une nation abritant un choc générationnel explosif expliquant nombre de tensions, entre l'âge du peuple et l'âge de ceux qui gouvernent. Une terre si belle et si hermétique, fermée presque totalement aux touristes. Oui, mais la faute à qui ?
Peut-être pas entièrement aux seuls dirigeants du pays car il faut restituer et reconnaître au peuple algérien son éternel "nif" qui le rend parfois, voire bien trop souvent, un brin susceptible.
Des années de voyages, d'observation et d'analyse aboutissent à constater que l'algérien nourrit le paradoxe unique d'être accueillant sans être touristique. Aimant sans être expressif. Et pour cause, pour accueillir un tourisme de masse en Algérie, il serait nécessaire que les algériens soient prêts à laisser l'étranger entrer et vivre en Algérie selon un mode de vie importé et pas toujours conforme aux standards de la société. Incompatible donc avec certaines catégories d'étrangers dont les mentalités, bien que les leurs, seraient un peu plus volatiles.
C'est aussi paradoxalement un pays très riche au mode de vie appauvri. Et pourtant, marchant sur de l'or à savoir sur l'un des sous-sols naturels les plus riches au monde, un flatteur top 10 des plus grands producteurs mondiaux de gaz et presque autant de pétrole , des perspectives d'avenir sidérantes et un potentiel vertigineux de croissance , l'Algérie se doit absolument de décoller sur les prochaines années.
Et si l'on arrive au constat global que l'Algérie est incompréhensible pour le reste du monde, c'est parce qu'on attend d'elle qu'elle s'exprime, qu'elle parle, qu'elle dise. Or, il y a véritablement un bug dans le logiciel d'expression des sentiments chez les algériens. Une sorte de frustration, d'opacité, de peur, d'appréhension qui empêche bon nombre d'entre eux , de dire concrètement ce qu'ils ressentent.
Finalement, allons-nous vraiment clôturer cet article , en omettant l'âme vivante de ce charmant pays : les jeunes talents , les écrivains , les peintres et les artistes algériens. Ceux qui ont baissés les armes pour prendre la plume, tous les intellectuels partis et finalement revenus, les curieux, les ambitieux ainsi que les femmes de tout âge et de tous lieux. Ces filles et ces mamans, devenues ou en devenir, ayant jouées un rôle fantastique dans la pacification des esprits du pays.
Tiraillé entre le passé et la modernité, en définitive et loin des caricatures , il s'agit bien d'un pays et d'un peuple dont le monde connaît finalement si peu de choses. Jouissant ainsi d'une image négative parfois méritée mais souvent incompatible avec la réalité.
Source : Le blog de Mélissa Mila