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Publié par Saoudi Abdelaziz

Joe Biden au chevet de la Ligue arabe bis

« L'histoire retiendra sans doute que c'est un président américain, et tuteur d'Israël, qui était au chevet de la «Nouvelle Ligue arabe» lors de sa naissance un mois de juillet 2022 à Djeddah ».
 

Par Ahmed Halli, 18 juillet 2022

De ces quatre journées du voyage de Joe Biden, le Président américain, au Moyen-Orient, les observateurs occidentaux n'ont retenu qu'une image celle du «check-hand» avec Mohamed Ben Salmane.

Selon un protocole préalablement établi sans aucun doute, les deux hommes se sont contentés du salut «poing contre poing» imposé par la pandémie, sans toutefois tomber les masques. Pas d'accolade, donc ni de franche poignée de main comme cela s'est passé ailleurs et pour cause: l'ombre de Jamal Khashoggi se projetait ce jour-là sur la preuve qu'en politique tout est possible.

Pour rappel, Jamal Khashoggi était ce journaliste saoudien mi-partisan mi-opposant qui est entré le 2 octobre 2018 à l'intérieur du consulat d'Arabie Saoudite à Istanbul et n'en est jamais ressorti. Erdogan, larmes de crocodile au coin des yeux, avait accusé l'Arabie Saoudite, ce qui ne l'a pas empêché en juin dernier de recevoir avec chaleur le prince héritier saoudien. Joe Biden avait promis lui aussi de traiter l'Arabie Saoudite comme un paria et avait même déclassifié un rapport de la CIA impliquant Mohamed Ben Salmane dans le meurtre de Khashoggi. La raison d'État et les intérêts stratégiques des États-Unis ont donc prévalu sur l'attachement au respect des droits de l'Homme et des libertés dont les USA se prévalent d'être le bouclier.

Deux jours plus tôt, l'ombre de Sherine Abou Aqla, journaliste palestinienne tuée par l'armée israélienne le 2 mai dernier à Jénine, a frôlé Joe Biden, mais il l'a balayée d'un revers de main. Comme Khashoggi, Sherine avait aussi la nationalité américaine, mais si les Américains ont conclu que la balle qui a tué la consœur palestinienne était israélienne, ils ont exclu la volonté du tireur de tuer. Pour dire le peu de cas qu'Israël fait des remontrances américaines, et ses certitudes d'être toujours compris, son armée a bombardé Ghaza hier, en riposte au jet de pétards rescapés du Mouloud.

Si le meurtre de Sherine, impliquant Israël, a été vite relégué en pages intérieures par les médias américains, celui de Khashoggi fait encore la «une» et Joe Biden a été interpellé là-dessus. Il s'est juste contenté d'indiquer qu'il avait évoqué l'affaire Khashoggi lors de son entretien avec MBS, ajoutant que les États-Unis ne toléreraient plus de tels actes à l'avenir. L'homme fort de l'Arabie Saoudite, et fossoyeur annoncé du wahhabisme aurait affirmé que la mort de Khashoggi était une tragédie pour l'Arabie Saoudite. Selon son porte-parole, il aurait fait remarquer à Joe Biden que les États-Unis avaient aussi fait des erreurs, comme en Irak avec l'affaire de la torture dans la prison d'Abou-Gharib. Piètre système de défense.

La morale ayant laissé des plumes, voyons ce que la politique a gagné, ou plus précisément ce que les États-Unis ont gagné de ce voyage de leur président dans deux pays du Moyen-Orient: la Palestine et l'Arabie Saoudite. Sur l'étape israélienne, il n'y a pratiquement plus rien à dire à part le fait que l'État sioniste sort toujours renforcé des élections présidentielles américaines, quel que soit le parti qui l'emporte.

Sur le gruyère palestinien que Biden a visité, pour se rappeler sans doute les «réserves indiennes» que les conquérants de l'Amérique du Nord ont créées pour les populations autochtones. Quant aux propos, ils n'ont pas varié depuis cinquante ans et il est toujours question de laisser un peu d'espoir aux Palestiniens pendant que le désespoir et la colonisation prospèrent. Oui l'espoir est permis avec l'émergence un jour, ou un siècle, prochains d'un «Banthoustan» palestinien qui constituerait une belle réserve de chasse, en tous genres, pour le puissant voisin.

Quant aux intérêts américains immédiats, il semble bien que les Saoudiens aient laissé peu d'espoir au Président Biden concernant un relèvement du plafond de la production pétrolière. C'est ce que le chef de la Maison-Blanche est venu chercher en priorité, alors que l'Arabie Saoudite se dit attachée aux décisions de l'Opep et que les Émirats arabes unis sont rétifs.

Toutefois, les États-Unis ont fait la semaine dernière un pas de géant, ce qui est naturel chez eux, sur la voie de la mise en application des «Accords d'Abraham» sur le conflit du Moyen-Orient. Il ne s'agit pas tant, à mon sens, de l'ouverture de l'espace aérien saoudien aux avions israéliens qui est un point de détail chez les «Abrahamistes» que de la «nouvelle Ligue arabe» lancée à Djeddah. En effet, outre les chefs d'État du Conseil de coopération du Golfe réuni à Djeddah, en présence de Biden, étaient aussi présents les Présidents égyptien et irakien ainsi que le roi de Jordanie. La décriée «Ligue arabe» créée en 1945 par six États arabes en compte aujourd'hui vingt-deux, avec l'arrivée et l'adhésion des nouveaux États indépendants, dont l'Algérie, dès 1962.

La nouvelle ligue dont nous avons pu voir la naissance au sommet de Djeddah a réuni 9 membres sous les auspices des États-Unis, et devrait se renforcer avec le Maroc et le Soudan. Outre le discours devant le sommet des «Six plus trois» dans lequel il a exposé sa vision d'un Moyen-Orient futur, Joe Biden a également eu des entretiens avec le Président égyptien Sissi. Projet ancien ou conséquence de la rencontre de Djeddah, l'Égypte a annoncé hier l'élargissement de plusieurs personnes arrêtées pour délit d'opinion, et mises en détention provisoire.

L'histoire retiendra sans doute que c'est un président américain, et tuteur d'Israël, qui était au chevet de la «Nouvelle Ligue arabe» lors de sa naissance un mois de juillet 2022 à Djeddah.

Source : Le Soir d’Algérie

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