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Publié par Saoudi Abdelaziz

Un accélérateur de la refonte des relations internationales

Par Abdelatif Rebah

Alger, le 7 mai 2022

Economiste, écrivain. DR

L'opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine, qui a débuté le 24 février 2022, porte en elle les germes d’une accélération du processus de remodelage de la carte géopolitique mondiale, mis en branle déjà depuis quelques années par la montée extraordinaire de la Chine qui a remis en cause le leadership mondial des États-Unis dans sa forme d'après-guerre froide.

Avec la guerre d’Ukraine, la ligne de fracture géopolitique entre les États occidentaux et le reste du monde ou plus exactement entre le Sud-Est mondial et le Nord-Ouest mondial, s’est accentuée/ « Nous sommes à un moment d'émancipation vis-à-vis des Etats-Unis, de l'Occident, et de fragmentation du paysage politique mondial", estime Agathe Demarais, directrice de la prévision pour l'unité de recherche de The Economist, Economist Intelligence Unit (EIU), à Londres.

Au cours du vote de l’Assemblée générale de l’ONU appelant à condamner la Russie, près d’une quarantaine de pays qui forment la majorité démographique de la planète se sont abstenus dont La Chine et l’Inde, tandis que cinq ont voté contre. Sur un total de 55 pays qui n'ont pas voté « positivement », 26 étaient des pays africains.

L'Algérie s'est abstenue sur la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies condamnant « l'invasion russe de l'Ukraine » et le 7 avril, elle a voté contre la résolution suspendant la Russie du Conseil des droits de l'homme, faisant valoir que les mécanismes de l'ONU étaient nécessaires pour enquêter sur les violations des droits de l'homme sur le terrain de manière neutre et impartiale afin de rendre justice à toutes les victimes.

Pour nombre de pays non occidentaux, le vote condamnant la Russie résultait souvent de la pression diplomatique occidentale - comme dans le cas de l'Égypte et des Émirats arabes unis - plutôt que d'un véritable accord volontaire.

De nombreux pays, à l’exemple de la Chine, ont refusé de prendre part à la stratégie occidentale visant à isoler la Russie sur la scène internationale. Parmi ces récalcitrants, deux alliés traditionnels de Washington dans le Golfe persique : l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Ces deux pays ont refusé d’accueillir une visite de Biden, voire de répondre à ses appels téléphoniques, tout en refusant de cesser de collaborer étroitement avec la Russie sur les niveaux de production et les prix du pétrole

Les conséquences économiques et financières

Les membres de l'UE et de l'OTAN ont lancé contre la Russie une guerre économique, principalement financière et technologique ( plus de 10 000 sanctions dont plus de 7000 sanctions depuis le 22 février 2022), dans le but déclaré de « provoquer l’effondrement de l’économie russe. Mais c’est l’Europe, important près de 45 % du gaz et 30 % du pétrole de Russie, qui fait face à un choc économique et énergétique majeur.

Le FMI prévoit désormais que les prix à la consommation vont bondir de 8,7% cette année dans les économies émergentes et en développement et de 5,7% dans les économies avancées, le plus haut depuis 1984.

La hausse des prix dépasse le secteur de l'énergie et concerne un très grand nombre de matières premières, à l'instar des céréales et des métaux. Une grave crise alimentaire et de pénurie énergétique, remettant en cause les plans de décarbonation, se profile à la fois en raison des effets directs de la guerre et en raison de la désintégration des chaînes d’approvisionnement internationales. L'Ukraine et la Russie pèsent en effet lourd dans le marché mondial des céréales : les deux pays représentent 29% des exportations de blé mondial (17% pour la Russie, 12% pour l'Ukraine). L'Ukraine vend en outre la moitié de l'huile de tournesol mondiale. La Russie figure parmi les premiers exportateurs mondiaux de blé, d'huile de tournesol et d'orge, tandis que la mer Noire, à présent théâtre d’opérations de guerre, assure 30 % normalement des exportations de blé. Le nombre de personnes confrontées à une insécurité alimentaire aiguë qui a doublé entre 2019 et 2020, passant de 135 millions à 270 millions, devrait encore croître. L'augmentation du fardeau de la dette sera ressentie le plus douloureusement dans les pays les plus pauvres du monde. La directrice du FMI a déclaré que 60% des pays à faible revenu étaient endettés ou proches de l'endettement.

Au total, un processus global qui va agir comme un amplificateur des inégalités mondiales, tout autant que nationales.

D’autre part, la guerre ukrainienne a illustré de manière spectaculaire le caractère exorbitant des pouvoirs de frappe dont disposent, contre le monde entier, les États-Unis avec le dollar.

L’ampleur des sanctions occidentales antirusses a provoqué, en même temps, un mouvement de défiance- la sécurité des réserves d’un pays détenue à l’étranger n’étant pas garantie et pouvant être prises en otage dans le cadre de sanctions- incitant plusieurs pays à "explorer des systèmes pour se couper du dollar, du Swift", la plate-forme interbancaire la plus utilisée.

L’Inde a travaillé sur un mécanisme d'échange roupie-rouble pour acheter du pétrole, et l'Arabie saoudite discute avec Pékin d'un canal de paiement en yuan pour le pétrole. Un mouvement accentué par la décision de la Russie de passer de l'euro et du dollar au rouble lors du paiement des approvisionnements en gaz avec des acheteurs de "pays hostiles » (Quatre acheteurs européens de gaz ont payé la Russie en roubles pour les fournitures, conformément aux exigences de Moscou, selon Bloomberg, qui a également déclaré que 10 pays européens ont ouvert des comptes à la Gazprombank pour effectuer des paiements en roubles). La Russie a coupé le gaz à la Pologne et la Bulgarie pour non-respect du paiement en rouble.

Quelles perspectives ?

La guerre que se livrent l’Occident et la Russie est porteuse d'une redistribution du rapport de forces géopolitiques mondial qui place notre pays devant un double impératif. D’une part, identifier les situations de ruptures, notamment les remises en cause de configuration d’intérêts et de positions acquises, que cette dynamique préfigure et les menaces potentielles qu’elle comporte.

Du fait de ses richesses énergétiques et minières et sa position géostratégique dans la région, l’Algérie se trouve placée dans la ligne de mire de la stratégie impérialiste globale de reconquête néocoloniale par le démantèlement des acquis nationaux arrachés par les luttes du mouvement de libération nationale des peuples.

L'Algérie subit des pressions occidentales pour prendre ses distances avec la Russie. Ces dernières semaines, les États-Unis, l'Italie et l'Espagne ont demandé aux autorités algériennes d'augmenter les exportations de gaz naturel vers l'Europe, qui cherche à réduire sa dépendance au gaz russe. L'Algérie est estimée par l'UE comme le cinquième fournisseur de gaz de l'UE à environ 45 milliards de m3, ce qui représente 12 % des besoins en gaz naturel des pays de l'UE, mais ce chiffre a diminué depuis 2016 (quand il a atteint 55 milliards de m3 par an). La part de l'Algérie est loin derrière celle de la Russie (135,75 milliards de m3 en 2020, selon Gazprom). En plus du GNL (il y a quelques hubs ), le gaz de l'Algérie vers l'UE passait par deux branches. L'un passe sous la mer Méditerranée vers l'Italie, tandis que l'autre passe par le Maroc voisin, aujourd’hui fermé par les autorités algériennes. Le GME a été fermé en octobre 2021 par l’Algérie après la rupture, en août, de ses relations diplomatiques avec le Maroc

L’Algérie est une périphérie subordonnée du capital globalisé, surdéterminée économiquement, confiné dans le rôle, sans perspective de dépassement qualitatif, de pourvoyeur passif d’énergie et de marché solvable et rentable, elle ne peut servir qu’à renforcer l’accumulation dans le Centre. Son économie est dépendante des importations pour ce qui est de l’alimentation et de la technologie. Les biens alimentaires, 20% environ du total des importations, occupent la 2ème place. La filière des céréales ne couvre qu’environ la moitié des besoins du pays, estimés à environ 9 millions de tonnes. Le rendement des terres agricoles dédiées à céréaliculture est en moyenne de 20 quintaux/hectare.

L’Algérie occupe un rang avancé dans la liste des plus grands pays importateurs de blé, selon les données de la campagne 2020-2021, selon un classement du site Statista. L’Algérie arrive à la quatrième place avec 7,7 millions de tonnes. C’est l’Égypte qui occupe la tête de liste, suivie de l’Indonésie et de la Turquie. L’Algérie représente le second consommateur africain de la céréale derrière l’Egypte et le 5e importateur mondial de la céréale sous toutes ses formes derrière l’Egypte, la Chine, l’Indonésie et la Turquie. Le montant des importations de céréales en 2020 s’est élevé à 2, 8 milliards de dollars environ soit 8,2% de la valeur totale des importations algériennes de cette année.

L’Algérie représente en effet le second consommateur africain de la céréale derrière l’Egypte et le 5e importateur mondial de la céréale sous toutes ses formes derrière l’Egypte, la Chine, l’Indonésie et la Turquie.

Quelles opportunités historiques de s’émanciper des rapports de puissance porteurs de logiques systémiques de dépendance et de sous-développement s’ouvrent à notre pays, avec la dynamique de remodelage géopolitique en cours ? Quel champ des possibles s’ouvre pour l’Algérie, du point de vue indissociable de sa perspective historique de développement national et de ses marges de manœuvre ?

La question des choix cruciaux de réorientation

Mettre le cap sur :

-- la diversification productive de notre structure économique sous le double impératif de la sécurité alimentaire et de la sécurité énergétique

--réorientation géographique de nos échanges internationaux sous l’impératif de la préservation de la souveraineté nationale et de l’autonomie de décision nationale

 

Quelques axes thématiques de recherche

Un axe directeur : la diversification du PIB, des relations économiques internationales et des échanges commerciaux

Les outils d’une régulation économique moderne et performante : la planification à l’ère des TIC

Le potentiel industriel algérien : état des lieux, perspectives de redéploiement

La valorisation des ressources minières

La réduction de la dépendance alimentaire

La transition énergétique

Les enjeux de la transition numérique

L’intégration économique nationale : enjeux, défis et perspectives

L’insertion de la jeunesse dans la sphère économique

Le redéploiement productif de l’économie informelle

Economie et développement des territoires

Le modèle de consommation énergétique national

L’accès à la technologie : production de savoir, de science, de compétences techniques.

Les nouvelles relations économiques internationales : opportunités et menaces

Les perspectives d’insertion dans les chaînes de valeur mondiales

L’arme des sanctions économiques et financières : Degrés d’exposition et stratégies de réduction

Partenariats Sud-Sud : portée et limites

L’espace économique maghrébin : perspectives d’intégration

Les complémentarités des économies africaines et leur potentiel d’intégration

Source : Facebook

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