Amendement de la loi. Les syndicats autorisés à se constituer en coalitions
Selon un dirigeant syndical, "Le changement, c’est aussi l’article 57, qui prévoit l’intégration par voie de justice du syndicaliste licencié par son employeur. Avant, l’employeur n’était pas obligé de la faire".
Par Asma Bersali, 23 mai 2022
Le texte portant l’amendement de la loi 90-14 relative aux modalités d’exercice du droit syndical a été publié au Journal officiel (n°30). L’article 04 de la loi est amendé de sorte à autoriser les coalitions et les confédérations à se créer.
«Les organisations syndicales de travailleurs salariés et d’employeurs, constituées légalement, peuvent se constituer en fédérations, unions ou confédérations, quels que soient la profession, la branche ou le secteur d’activité auxquels elles appartiennent. Les fédérations, unions ou confédérations ont les mêmes droits et obligations que ceux applicables aux organisations syndicales et sont soumises, dans l’exercice de leur activité, aux dispositions de la présente loi», lit-on dans le texte de la loi n°22-06 du 25 avril modifiant la loi 90-14. A la faveur de l’amendement, les coalitions et les confédérations autonomes pourront se former légalement.
Le problème de la Confédération des syndicats autonomes (CSA) est ainsi finalement résolu. Les membres de cette Confédération ne cachent pas leur satisfaction, du moins sur ce point.
«Nous attendions ce changement et nous étions au courant de cette modification tant attendue. Nous allons introduire de nouveau le dossier pour avoir notre enregistrement», déclare Boualem Amoura, coordinateur national de la CSA. Le nouveau texte revient avec détails sur les conditions de création de fédérations et confédérations.
«La fédération est constituée d’au moins trois (3) organisations syndicales de travailleurs salariés ou d’employeurs, constituées légalement conformément aux dispositions de la présente loi. L’union ou la confédération est constituée d’au moins deux (2) fédérations, ou d’au moins cinq (5) organisations syndicales de travailleurs salariés ou d’employeurs, constituées légalement conformément aux dispositions de la présente loi», lit-on dans l’article 4 bis, qui spécifie le dossier de déclaration de constitution.
Il s’agit des copies des récépissés d’enregistrement des syndicats qui les composent, la liste nominative, la signature, l’état civil, la profession et le domicile des membres de leurs organes de direction et/ou d’administration, les copies des procès-verbaux des assemblées générales des organisations syndicales membres, déclarant leur volonté de constituer une fédération, une union ou une confédération, deux exemplaires des statuts de la fédération, de l’union ou de la confédération des organisations syndicales signés par, au moins, deux représentants des organisations syndicales fondatrices, dont le premier responsable du syndicat, et la copie du procès-verbal de l’assemblée générale constitutive, signée par les responsables des syndicats membres. Des documents tous déposés dans le dossier de demande d’enregistrement de la CSA et qui traîne depuis plus de 3 ans, précise-t-on auprès de cette organisation.
Les travailleurs étrangers concernés
Autre nouveauté de cette loi : l’autorisation aux travailleurs étrangers de jouir de l’exercice syndical. C’est clairement mentionné dans l’article 13 bis, qui souligne que les travailleurs salariés ou employeurs étrangers, adhérant à une organisation syndicale, peuvent être des membres des organes de direction et/ou d’administration d’une organisation syndicale, selon les statuts et règlements qui les régissent. Des conditions sont toutefois imposées. Les étrangers syndicalistes doivent résider légalement en Algérie depuis au moins trois ans, et disposer des titres de travail valables pour les travailleurs salariés ou des documents justificatifs d’une activité industrielle, artisanale, commerciale ou libérale pour les employeurs, délivrés par les services publics compétents.
L’article 56 lié au licenciement et le droit de réintégration a également été modifié. Désormais, tout licenciement ou révocation d’un délégué syndical intervenu en violation des dispositions de la loi est «nul et de nul effet». L’intéressé est réintégré dans son poste de travail d’office. Un délai de 8 jours est donné à l’employeur pour se conformer à la décision de justice. Si ce n’est pas le cas, l’inspecteur du travail territorialement compétent dresse un procès-verbal de refus d’obtempérer qu’il remet au délégué syndical et à son organisation syndicale, contre accusé de réception, dans un délai n’excédant pas trois jours, à compter de la date de l’établissement du PV.
Au-delà de 30 jours, la justice est saisie automatiquement. En dernier, les entraves au libre exercice du droit syndical ont été lourdement sanctionnées avec des amendes qui vont de 50 000 à 100 000 DA et jusqu’à 200 000 DA et d’un emprisonnement de 30 jours à six mois ou de l’une de ces deux peines en cas de récidive.
Source : El Watan
Boualem Amoura, SG du Satef et coordinateur de la Confédération des syndicats autonomes : «Le dossier d’enregistrement de la CSA est résolu»
Propos recueillis par Asma Bersali
Le texte portant l’amendement de la 90/14 est publié au Journal officiel (n°30). Quels changements apporte-t-il réellement à l’exercice syndical ?
Les changements sont, entre autres, la possibilité de créer des confédérations, fédérations et unions et l’autorisation accordée aux travailleurs étrangers d’adhérer à un syndicat et d’être membres du bureau du syndicat. Les modifications sont apportées dans l’article 35 qui parle de la représentativité. En 1990, dans le secteur de l’éducation, il n’y avait que trois syndicats et il était exigé 20% des travailleurs pour avoir la représentativité, mais depuis 2019, nous sommes à 33 syndicats et les syndicats non corporatistes sont dans l’impossibilité d’atteindre ce pourcentage. Cet article doit être revu et le ramener à 5-10% pour ces derniers.
Le changement, c’est aussi l’article 57, qui parle de l’intégration du syndicaliste licencié par son employeur par voie de justice. Avant, l’employeur n’était pas obligé de la faire.
Le problème de l’enregistrement de la CSA est donc ainsi résolu ?
Effectivement, le problème de l’enregistrement de la CSA est résolu, mais la loi n’est pas rétroactive et donc il faut refaire le dossier à zéro. C’est résolu après un long combat mené par les membres fondateurs de la CSA face aux embûches des pouvoirs publics, qui ne voulaient pas d’une confédération autonome qui rivalisera avec l’UGTA. Et d’ailleurs, si vous avez remarqué, cette loi a été amendée par les deux Chambres depuis plus d’un mois, elle est signée depuis le 25 avril et a été rendue publique le 12 mai, le jour de l’arrestation de l’ex-patron de la centrale syndicale (Sidi Saïd, ndlr). Quelle coïncidence ! Rien ne se fait au hasard, car c’est lui qui a fait des pieds et des mains en 2018 pour s’opposer à l’enregistrement de la CSA ! Et bien sûr, après avoir saisi le Bureau international du travail (BIT) qui, lui-même, a instruit le gouvernement algérien afin de mettre en conformité la loi 90/14 avec la convention 87 ratifiée par l’Algérie.
Si vous deviez apporter des modifications à ce texte, quelles seraient-elles ?
Au fait, nous avons été saisis en tant que Satef par l’Observatoire national de la société civile (ONSC) pour justement lui transmettre nos propositions. On s’étonne que, d’un côté, ils nous excluent de cet organe et, de l’autre, ils nous sollicitent pour leur transmettre nos propositions ! C’est pourquoi nous avons décliné leur invitation. Le Satef ne fera pas de propositions car nous savons qu’ils ont déjà leur projet et ça ne sert à rien de le cautionner. Ceci surtout que nous savons pertinemment que cette loi sera changée de fond en comble après le mois de juin prochain, par une loi-cadre qui pourra rétrécir encore plus le libre exercice syndical. Une loi est en préparation et nous nous préparons en conséquence. L’Algérie doit aller vers une démocratisation de ses lois.
Source : El Watan