14 novembre 1997. FADHILA LAOUAR meurt en prison
Le 21 février 1996, les principaux dirigeants de Sider qui comprenait le complexe sidérurgique d’El Hadjar, étaient mis en prison avec des chefs d'inculpation gravissimes. Le procès s’est déroulé du 4 au 23 octobre 1997 à Annaba. Le principal inculpé Messaoud Chettih, alors PDG de Sider est condamné à 10 ans de prison.
Parmi ces cadres condamnés, Mme Laouar, alors atteinte d’un cancer, décédera en détention le 14 novembre 1997.
«Elle fut doublement et injustement sanctionnée : privée de sa liberté pendant des années et privée de son acquittement-réhabilitation étant décédée avant la tenue du dernier procès après cassation, qui a prononcé l’acquittement de tous les accusés» se souvient dans El Watan son avocat Me Abderrahmane Boutamine.
Quarante mois plus tard, en effet, un nouveau procès innocentera, à titre posthume, Mme Laouar et ses collègues. Rendant compte de ce procès de réhabilitation Baudouin Loos, le correspondant du Soir de Bruxelles écrivait le 8 décembre 1999 dans un article intitulé « L'affaire Sider» met au jour le rôle occulte des mafias » : « Dès le premier procès, les cadres avaient plaidé leur innocence et évoqué le rôle occulte d'une «mafia politico-financière» qui aurait voulu se débarrasser d'eux parce qu'ils avaient gêné ses profits dans le cadre d'énormes importations de ronds-à-béton ».
Avant cette réhabilitation, l’Express publiait le 15 avril 1999 un reportage de Sylvaine et Baki Mina, où on peut lire : "Dans ce pays, souligne l'avocat Miloud Brahimi, la justice n'a jamais été indépendante. Et tout ce qu'on a prétendu entreprendre contre la corruption n'était qu'un leurre. Chaque fois, c'est une opération mains propres faite avec des mains sales, à des fins strictement politiques. La dernière opération en date a été lancée en 1996 et 1997 par l'ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia. Elle s'est traduite par l'arrestation de plusieurs milliers de cadres des entreprises publiques, à commencer par les plus "gênants", dans le cadre des privatisations programmées. C'est ainsi que les managers et les directeurs de deux fleurons de l'économie algérienne, Sider et Cosider, se sont retrouvés sous les verrous pour "mauvaise gestion".
Dix ans plus tard, El Kadi Ihsan confirme cette analyse, en précisant : « La longue détention arbitraire de Messaoud Chettih, DG de Sider a accéléré la privatisation d’El Hadjar… »
Décennie noire pour l’acier algérien
L'économiste Abdelatif Rebah revient sur cette période cruciale de l’histoire de la sidérurgie algérienne : « Dans la deuxième moitié des années 90, en effet, les importations de produits sidérurgiques principalement ukrainiens, pourtant réputés irradiés suite à la catastrophe de la centrale nucléaire de Tchernobyl, mais à prix cassés, se sont multipliées du fait des barons de l’import-import alors que la production nationale, elle, ne s’écoulait plus.
Les banques, de leur côté, refusaient d’accorder à l’entreprise sidérurgique les moyens de réhabiliter son outil de production notamment la chaîne du complexe d’El Hadjar, ou bien bloquaient le financement des programmes de modernisation et même l’approvisionnement de certaines unités de production. Le complexe est, alors, acculé à une sous-production et certaines chaînes à des arrêts. C’est l’asphyxie. Le fleuron de l’industrie algérienne finit la décennie 1990 sur une note catastrophique. Le complexe d’El Hadjar ploie sous les dettes et les découverts et la direction du groupe Sider inaugure l’année 2000 en annonçant que l’entreprise était en cessation de paiement(..).
Rendue moribonde, l’entreprise n’a plus d’autre choix que d’accepter la privatisation comme une bouée de sauvetage. Elle en prend même les allures d’urgence signalée ! La décision de privatiser El Hadjar a été prise en 2000, un an plus tard, l’affaire était bouclée. La signature du protocole d’accord intervient le 18 octobre 2001 ».
15 ans plus tard
En août 2016, un accord transfère totalement au secteur public les parts des sociétés de la multinationale Arcelor Mittal. Abdelatif Rebah résume le bilan de cette privatisation. « 15 ans après son entrée en Algérie, le géant mondial de l’acier laisse à l’Etat algérien un complexe désorganisé, qui ne produit plus, et lourdement endetté ». Plus concrètement : "sous-investissement, dégradation des installations et équipements, fermeture des sites de production essentiels, réduction des effectifs et pas d’amélioration des conditions de travail. La cokerie a été mise à l’arrêt depuis la fin 2010 car la multinationale indienne n’ayant pas intérêt à la réhabilitation de cette structure, préférait s’appuyer sur le coke que le groupe produit dans ses usines européennes, le coke importé « à moindre coût » pour alimenter le haut fourneau".