L’ex-PDG de Danone : « Le narratif de progrès, au coeur du capitalisme est cassé »
L'Express. Six mois après votre éviction de Danone, quel regard portez-vous, à froid, sur l'état du capitalisme ?
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Emmanuel Faber. Le monde des affaires et notamment celui des grandes entreprises mondialisées est traversé par des lignes de tension et des fractures.
La première, c'est l'opposition permanente entre les exigences de court terme et celles de long terme avec l'accélération des transformations nécessaires que la crise COVID a exacerbée, et que l'urgence climatique va renforcer. Tout cela alors même que la plupart de ces entreprises sont cotées en Bourse et donc soumises à des règles de fonctionnement de la finance qui ne sont pas suffisamment synchronisées avec leur besoin de mutation.
La seconde, c'est la montée des inégalités sociales et économiques. Le terreau dans lequel l'économie de marché s'est développée pendant des décennies a été la croissance qui a réduit les inégalités. Or la crise de 2007 a stoppé la convergence et a produit au contraire de la divergence. Même en France, malgré un système redistributif très développé. Prenez le nombre de personnes dites pauvres, c'est-à-dire vivant avec moins de 60% du salaire médian, il a augmenté au cours de la dernière décennie. Et il a cru plus vite que l'ensemble de la population française.
La grande précarité s'est accrue et la situation patrimoniale des 1 et même des 10% de ménages les plus aisés s'est nettement améliorée en raison d'une progression très forte des revenus du capital et notamment de l'immobilier. La pandémie accentue encore ces inégalités. 130 millions d'enfants dans le monde ne retourneront pas à l'école. Parmi eux, une majorité de filles. Or on sait très bien que les écarts de revenus et de salaires se fabriquent dès l'école.
Globalement, le narratif de progrès, au coeur du capitalisme et qui faisait le ciment de nos sociétés, est cassé.
Texte intégral de l’interview : L’Express