L'Algérie de l'éditorialiste français et celle de l'ambassadeur algérien.
L’Algérie dans l’impasse autoritaire
Editorial du « Monde », le 5 juin 2021
Les élections législatives prévues samedi 12 juin, qui devaient signer la normalisation institutionnelle du pays, s’annoncent comme un nouveau rendez-vous manqué pour la démocratie algérienne.
Un nœud coulant étouffe peu à peu le désir de démocratie des Algériens, à la veille des élections législatives de samedi 12 juin, censées parachever la normalisation institutionnelle du pays. Une répression massive, disproportionnée, face à un mouvement non violent, a eu raison du Hirak, ce mouvement de rue populaire qui, après avoir obtenu le départ du président Abdelaziz Bouteflika, en avril 2019, réclamait, comme d’ailleurs depuis l’indépendance en 1962, l’avènement d’un Etat authentiquement civil et non militaire.
Il semble déjà loin le temps où Abdelmadjid Tebboune, président élu, lors d’une élection truquée, en décembre 2019, saluait la « maturité » d’un « hirak béni » pour avoir stoppé la perspective d’un cinquième mandat de M. Bouteflika. Aujourd’hui, le nouveau chef d’Etat confirme qu’il est, comme tous ses prédécesseurs, l’homme lige des militaires, qui exercent la réalité du pouvoir, en cherchant à étouffer par tous les moyens les revendications de transparence, d’ouverture et de libertés.
Dans un climat lourd de peur, le régime a réussi à mettre fin par la force, sauf en Kabylie, aux manifestations hebdomadaires qui défiaient son pouvoir. Alger est sévèrement bouclée chaque vendredi, et pas moins de 2 000 personnes ont été arrêtées en deux semaines lors des deux dernières manifestations qui ont pu avoir lieu, au début de mai. L’escalade répressive est marquée par des incriminations et des peines de prison de plus en plus lourdes. Activistes en vue et militants de l’opposition, ils sont 214 – nombre le plus élevé depuis deux ans – à être incarcérés pour avoir exprimé une opinion ou avoir participé à une manifestation.
Contestation étouffée
La répression vise désormais les partis politiques établis, remettant en cause la conquête du pluripartisme datant de 1988. Ne disposant plus d’aucun parti à sa solde, le pouvoir pourrait s’appuyer, après les législatives, sur d’anciens caciques du système Bouteflika, désormais présentés en députés « indépendants », ainsi que sur des islamistes proches des Frères musulmans.
Cette alliance entre les militaires et les forces les plus conservatrices de la société algérienne risque de confirmer l’impasse dans laquelle se trouve l’Algérie. Après avoir digéré la fin de l’ère Bouteflika et arrêté quelques oligarques, le système a étouffé la contestation et repris ses réflexes autoritaires. Le président Tebboune n’a rien fait de ses promesses de libéralisation et d’écoute de la jeunesse, offrant une simple façade civile aux militaires. De leur côté, les animateurs du Hirak n’ont pas su transformer leur rejet du système en alternative démocratique crédible. Ils n’ont pas non plus réussi à faire émerger une figure pouvant incarner un avenir meilleur.
La glaciation politique – exécutif contrôlé par l’armée, Parlement sans véritable pouvoir – va de pair avec un inquiétant sur-place économique. La baisse du cours des hydrocarbures, qui fournissent 60 % des recettes de l’Etat, affaiblit la capacité de ce dernier à acheter la paix sociale et à investir. Relativement épargnée par le Covid-19, mais avec un chômage à plus de 14 %, une démographie dynamique et une économie non préparée à la transition énergétique, l’Algérie ressemble à un pays verrouillé.
A l’approche du soixantième anniversaire de son indépendance, le 5 juillet 2022, l’Algérie vit la énième mutation d’un système d’apparence immuable, où les militaires et une classe de privilégiés confisquent l’avenir d’un pays qui ne manque pourtant ni de richesses naturelles ni de potentialités humaines.
Source : Le Monde
La mise au point de Mohamed Antar Daoud, ambassadeur d’Algérie en France
6 juin 2021
A Monsieur Jérôme Fenoglio Directeur du quotidien,
Le Monde, dans l’édition parue le 5 juin 202I, datée du dimanche 6-lundi 7 juin, s’est fendu d’un éditorial empreint d’une hostilité inouïe à l’égard de mon pays, de ses institutions et de ses symboles, grossièrement intitulé : « l’Algérie dans l’impasse autoritaire».
Rédigé à partir d’une salle de rédaction parisienne, sans attendre que votre envoyé spécial, qui s’apprête à se rendre en Algérie du 8 au 14 juin, puisse mesurer sur le terrain l’ampleur de l’engouement du peuple algérien notamment sa jeunesse pour cette étape cruciale dans l’édification institutionnelles de l’Algérie nouvelle, l’édito en question évoque, avec une subjectivité déconcertante, « un rendez-vous manqué pour la démocratie algérienne »
Le caractère délibérément outrageux et violent de ce texte, prenant pour cible le Président de la République et l’institution militaire, interpelle sur les desseins réels d’un tel acharnement qui se renouvelle, sciemment, à l’approche de chaque échéance politique dans mon pays.
L’on est, légitimement, en droit de s’interroger sur la démarche du Monde, voire sa motivation, lorsqu’il s’empresse de lancer un jugement de valeur considérant que « l’Algérie est dans l’impasse autoritaire », avant même de concrétiser l’interview prévue dans quelques jours avec le Chef de l’Etat, pour aborder, selon la demande formulée, « les enjeux du processus institutionnel en cours en Algérie ».
Le journal Le Monde sert-il les intérêts occultes des lobbies hostiles à une relation apaisée entre l’Algérie et la France ?
La question reste posée. Les expressions subjectives usitées dans votre papier telles que « le régime », « façade civile aux militaires », réflexes autoritaires et « répression massive », relèvent, en effet, des clichés éculés, véhiculés et ressassés sans cesse par un nombre de médias.
Contrairement à d’autres pays et dès lors qu’il s’agit de commenter l’actualité politique en Algérie, l’on déforme la réalité en employant des qualificatifs inappropriés, présentant ainsi, le maintien de l’ordre, prérogative régalienne de tout Etat, comme « pratique de répression et d’étouffement », demeure déterminée à mener à terme les réformes entreprises quelles qu’en soient les entraves et leur instigateur
Les réformes ont été mises en exergue et expliquées en profondeur lors de l’interview récemment accordée par le Chef de l’Etat au magazine Le Point et dans laquelle il a réitéré avec fermeté les positions constantes de l’Algérie sur un nombre de dossiers régionaux et internationaux, notamment sur la question du Sahara occidental.
Il semble que l’écho favorable engendré par cette interview ait suscité la réaction de certaines parties à l’origine de manœuvres visant à discréditer l’œuvre salutaire entamée en Algérie depuis les élections présidentielle du 12 décembre 2019.
Rendez-vous durant lequel, faut-il rappeler, le peuple algérien a, souverainement et démocratiquement, élu son Président.
Il est regrettable de constater que les héritiers de cette institution de référence en matière de journalisme se situent à des lieues des principes de déontologie imprimés par son fondateur Hubert Beuve-Méry dont les positions concernant la révolution algérienne contre le colonialisme restent inscrites dans les annales de la presse française.
Cela dit, loin de moi la prétention d’apprendre au Monde que la satisfaction béate et la critique injuste sont autant d’attitudes négatives, raison pour laquelle, son envoyé spécial reste le bienvenu pour découvrir la nouvelle Algérie dont l’avenir n’est point « confisqué » mais bien pris en charge par toutes les forces vives de la Nation. Au titre du droit de réponse, votre rédaction ne saura manquer de publier intégralement cette mise au point, selon le format et la place à l’éditorial.
Source : La Patrienews-dz