Le chômage, un stock d'invendus
Par Ahmed Halfaoui, journaliste, 31 mars 2021
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Les temps sont venus où les cartes doivent être mises sur la table. ils concernent la sève des révoltes. En Tunisie, froids comme leur détermination et forts comme leur conviction, ils sont nombreux à demander sans cesse des emplois, au nom de la « révolution ». En Algérie, de jeunes chômeurs manifestent et font des sit-in pour dénoncer leur situation.
Ces chômeurs ont le droit de trouver du travail, la première des nécessités, mais ils ont aussi le droit de savoir une chose très importante, que les « experts » de l’économie de marché devraient leur expliquer. Il faut dire que ce serait un grave déni de justice que seuls les décideurs aient accès à la connaissance de ce système de gestion.
Tout de suite, il y a urgence, nos doctrinaires, qui tiennent tant à vendre leur libéralisme et passent leur temps dans les colonnes de journaux et sur les plateaux de télévision à l’enjoliver, doivent se rendre sur place pour expliquer aux protestataires qu’ils sont en train de blasphémer. Il est de leur devoir de défendre leur produit contre ceux qui veulent le remettre en cause.
Ces jeunes qui se mettent à contrecarrer le principe du marché du travail, en insultant la sacro-sainte loi de l’offre et de la demande.
Nos libéraux ne doivent pas se dérober ou faire la sourde oreille, c’est maintenant qu’ils ont leur véritable gageure, sur le terrain de l’économie réelle où les concepts prennent vie et se manifestent dans leur cruelle vérité. Ces concepts qui sont triomphalement brandis et qui ont fini par balayer du champ du visible la réalité d’une entreprise de démantèlement et de dépossession d’un peuple, de ce qu’il a acquis et qu’il doit à la récupération de ses richesses naturelles.
Mais, comme on peut le deviner, ils n’en feront rien, car il leur faudrait beaucoup de culot et surtout de courage, d’affronter, avec leurs fumeuses théories, autre chose que des entrepreneurs ou des dirigeants politiques. Ainsi, on les voit mal regarder droit dans les yeux un chômeur et lui apprendre que dans une société régie par le marché il n’y a plus que des marchandises et qu’il est lui-même une marchandise. Le chômeur, sans trop de peine, va comprendre. Il saura, de même, que les marchandises risquent de ne pas trouver preneur, soit à cause de leur trop grande quantité, par rapport à la demande, soit à cause de leur mauvaise qualité par rapport aux exigences de l’utilisateur/acheteur.
Ce n’est certainement pas beaucoup mis en avant dans les bouquins à thèses des spécialistes, surtout quand il s’agit de la marchandise humaine, ce qui explique pourquoi les gens croient que le chômage est une injustice, alors qu’il fait partie des règles de la libre-entreprise, du laisser-faire et d’on ne sait quel ordre social basé sur le chacun pour soi, fut-il intronisé sur cette « démocratie » aux promesses indéfinies.
En tout cas, nos chômeurs, en exigeant un emploi, sont loin de ce schéma. Ils ne doivent pas trop s’arrêter sur ces détails et ne semblent pas être prêts à s’y arrêter.
Source : Facebook