A CUBA, LE VACCIN ANTICOVID N’EST PAS UNE SURPRISE. Par Ahmed Cheniki
5 février 2021
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On en parle ces derniers temps. Mais très discrètement. A Cuba, les chercheurs sont à la phase 3 des essais cliniques pour la mise en œuvre du vaccin Soberana qui sera prêt en mars-avril 2021. Pour certains, ce serait une surprise. Pas du tout.
Malgré un tragique embargo que semblent oublier certains, ce pays est l’un des pays les plus performants sur le plan médical, biotechnologies et santé. Pour s’en sortir, il lui restait l’intelligence et le tourisme. Ainsi, pour cette histoire de COVID, ses chercheurs étaient déjà bien outillés. Le Dr Anne Sénéquier, qui dirige l'observatoire de la santé à l'Institut de recherches internationales et stratégiques (IRIS) à Paris n’est également pas du tout surprise : « Ce n'est pas une surprise. Depuis fort longtemps Cuba se sert de son système médical pour son soft power, dans des catastrophes, dans sa diplomatie médicale, dans sa recherche et développement. C'est eux qui ont mis au point les premiers le vaccin méningocoque B ».
L’objectif est de fabriquer 100 millions de doses dès 2021.
Ces derniers temps, les deux structures spécialisées, le Centre d'ingénierie génétique et de biotechnologie (CIGB) et l'Institut de vaccination Finlay (IFV) développent quatre vaccins anti COVID, Mambisa, Abdala, Soberana 1 et Soberana 2. Ce dernier est en phase 3. On en parle peu. Tout ce qui vient de la Havane devait subir les foudres du discrédit et d’une communication négative. C’est vrai qu’au début de la pandémie, en mars 2020, des médecins cubains avaient été envoyés dans certains pays, comme l’Espagne, l’Italie ou l’Algérie.
Chez nous, ce n’est pas du tout nouveau, cet « internationalisme médical » s’était déjà affirmé en 1963 quand notre pays avait besoin d’aide. Les Cubains étaient là, présents.
Cette embellie cubaine pourrait permettre aux pays pauvres de profiter du vaccin, aujourd’hui, monopolisé par les riches, brisant ainsi le monopole des grandes organisations capitalistes transnationales.
Selon, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), les populations des territoires déshérités ne pourraient bénéficier du vaccin que d’ici une ou deux années, le directeur général de l’organisation évoque, en usant d’une locution euphémistique, d’« échec catastrophique moral ». Ce développement scientifique et médical cubain pourrait inciter d’autres pays à suivre son exemple. C’est ce qu’explique John Kirk, professeur de l’Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse :
« Les biotechnologies cubaines représentent une source d’espoir pour les pays du Sud alors que trop de pays du Nord font la sourde oreille au fait qu’il faut partager les ressources pour venir à bout de la pandémie ».
Les difficiles conditions de l’embargo qui dure depuis 1962 ont poussé les autorités à chercher d’autres possibilités leur permettant de développer cette île de 11 millions d’habitants. Que faire ? Comme les dirigeants étaient essentiellement issus de la bourgeoisie intellectuelle non conformiste, le choix était vite fait : compter sur le savoir. Ainsi, pour contourner ce blocus, on avait mis le paquet sur la santé, les biotechnologies et le tourisme. Les missions médicales allaient devenir de véritables sources de revenus. De nombreux vaccins ont été exportés vers d’autres pays, surtout en Amérique Latine. Il faut savoir que Cuba produit 9 des 13 vaccins obligatoires.
Ses médecins sont un peu partout, en Afrique, en Asie, ils ont apporté une aide décisive aux populations africaines contre l’épidémie d’Ebola, Cuba a envoyé 756 médecins et infirmières au Libéria et à la Guinée pour combattre ce virus. C’est, certes, un pays qui vit une crise délicate, mais il réussit tant bien que mal, malgré l’hostilité ambiante, à sauver l’essentiel. Des actes comme ceux de Trump faisant figurer Cuba sur la liste des Etats soutenant le terrorisme, juste avant son dégommage de la Maison Blanche, sont-ils logiques, normaux ? Son but était d’affamer et d’isoler l’île. Il y eut une belle ouverture du temps de Bill Clinton qui avait favorisé un rapprochement entre les deux pays permettant aux deux parties de développer des échanges scientifiques et des travaux communs. Peut-être Joe Biden prendrait la même direction.
Aujourd’hui, certains parlent de Cuba en évacuant un embargo qui dure un peu moins de 60 ans. Ce qui ne peut-être opératoire. C’est à partir de ce fait tragique que Cuba a mis en œuvre son développement. Cette situation a poussé les dirigeants à favoriser le savoir et la connaissance, devenus des espaces d’exportation. Pour John M. Kirk, de l'Université de Dalhousie, au Canada : « Cuba a un personnel médical à l'étranger en mission de coopération médicale supérieur à l'ensemble des pays du G8, ce qui représente un record étonnant pour un pays de 11 millions d’habitants ». Il y aurait environ 40000 médecins disséminés dans une soixantaine de pays. Sa population bénéficie des soins gratuits, une médecine performante.
Avec 670 médecins pour 10000 habitants, Cuba dépasse largement la France (338). Il y a, selon le journal La Croix, 160 hôpitaux et 452 dispensaires.
Quand on parle de la santé à Cuba, on ne peut ne pas citer l’exploit de réduire la malnutrition infantile à zéro, aucun enfant ne dort dans la rue au moment où 200 millions dans le monde n’ont pas où aller, quatre types de vaccin contre le cancer sont déjà développés, 54% du budget de l’Etat sont réservés aux services sociaux dans un pays dont les salles de classe ne dépassent pas 10 élèves.
C’est pour tout cela que ce vaccin n’est nullement une surprise.
Source : Facebook