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Publié par Saoudi Abdelaziz

Anis Rahmani, directeur d'Ennahar et du groupe médiatique du même nom. Photo DR

Anis Rahmani, directeur d'Ennahar et du groupe médiatique du même nom. Photo DR

Par El Hadi Benhamla, 17 octobre 2020. twala.info

« Né avec ses moustaches », une expression qui ne s’applique qu’à deux cas de figures en Algérie, le parti RND et le journal Ennahar dont nous évoquons ici les conditions de création et les orientations. Il est sans doute le journal qui représente le mieux les fluctuations de la dernière décennie du règne de Bouteflika.

Ennahar el Djadid a été édité pour la première fois le jeudi 1er novembre 2007, tirant, dès son numéro zéro, à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires, publiant cinq pages de publicité –facteur déterminant dans l’équation de la diffusion et de la longévité de n’importe quel journal en Algérie- et dont la Une titrait : « Ennahar publie la grille des salaires des agents de la police ». Un sujet qui a concerné près d’un quart de million de personnes affiliées à cet appareil.

Le patron d’Ennahar, Mohamed M’guedam, connu sur la scène médiatique en tant que « Anis Rahmani » a tenté de s’accaparer de la ligne éditoriale d’El Khabar et d’Echorouk, qui avaient le monopole sur le lectorat durant à peu près vingt ans.

Dès ses premières éditions, Ennahar a misé sur le sensationnalisme, les comptes-rendus des tribunaux, les assassinats, les vols et les viols et toutes les institutions le bombardaient d’une avalanche de scoops journalistiques.

Ennahar El Djadid figure parmi les principaux quotidiens apparus sous l’ère du président Bouteflika, n’hésitant pas à se mettre au-devant de la scène et se transformant en une équation difficile et un chiffre qui n’a rien de déshonorant, tout le contraire de la majorité des expériences journalistiques qui se sont soldées en échec dès le berceau.

Ennahar a également joué avec les nerfs des hommes politiques et militaires dans des aventures dangereuses dans lesquelles le directeur Anis Rahmani aurait eu à payer le prix s’il ne s’était pas retiré au dernier moment.

Aussi est-il important de mettre la lumière sur le parcours de Mohamed Mguedem dont le nom, jusqu’en 2006, était intimement lié aux questions sécuritaires au sein du journal El Khabar dans lequel il a longtemps travaillé sous son nom d’emprunt avant d’intégrer l’équipe d’Echorouk en tant que rédacteur en chef.

Il devient un phénomène médiatique grâce à son accès à tous types d’informations, les portes s’ouvrant devant lui, car alors que ses connaissances étaient restreintes aux services de sécurité, son carnet d’adresses s’ouvre à des ministres, des directeurs d’imprimeries, des ambassadeurs et des chefs de partis.

Ses relations alambiquées lui donnent l’ambition de détenir son propre journal dans lequel il implique aussi quelques piliers du journal Echorouk dont Nasser Benaissa et Samir Boudjadja. Ces derniers se retirent avant le lancement du projet qui parait alors immense et qui se terminera en désastre.

Soutien à Benflis

Le jeu politique et militaire s’est accentué à la veille de l’élection présidentielle du 8 avril 2004. Le président Bouteflika se préparait à rempiler pour un deuxième mandat tandis que le général de corps d’armée, Mohamed Lamari, chef d’état-major de l’armée, essayait de lui barrer la route en soutenant la candidature d’Ali Benflis.

La presse était évidemment de la partie. Certains officiers de l’armée avaient réussi alors à convaincre Anis Rahmani –qui n’avait pas encore lancé son journal- de peser de tout son poids médiatique en faveur d’Ali Benflis contre Bouteflika. Les résultats étaient dans l’autre sens.

Le retournement d’Anis Rahmani, une manière de réparer l’erreur commise en avril 2004, lui permet de revenir en force. Ce sera, cette fois-ci, avec Ennahar el Djadid, fondé durant le deuxième mandat du président Bouteflika, mettant son site internet, son journal puis sa chaîne de télévision, à la disposition d’une campagne en faveur du chef de l’Etat et menant une attaque féroce contre ceux qui restent sur la scène politique dont le candidat Ali Benflis, son ancien ami.

Le journal Ennahar s’est même lancé, en tant que partie à part entière, dans la bataille ayant opposé en 2017 Abdelmadjid Tebboune, éphémère premier ministre à l’époque – Anis Rahmani est allé jusqu’à le qualifier de traître- et les hommes de Saïd Bouteflika, avec à leur tête Ali Haddad et le Forum des chefs d’entreprises, soutenu par l’ancien secrétaire général de la Centrale syndicale, Abdelmadjid Sidi Saïd.

L’histoire commence lorsque Tebboune déterre le slogan de « la lutte contre l’argent sale » et sa séparation de la politique algérienne, donnant des instructions pour le rétrécissement des activités d’Ali Haddad, le contrôle de tous les projets qu’il a pu s’accaparer et même sa traduction en justice. Ces mesures ont été au centre des discussions de ce qui est maintenant connu sous le nom de la rencontre de l’Aurassi et qui a sonné le glas de Tebboune.

Puis vient l’incident survenu lors de l’enterrement de l’ancien premier ministre Reda Malek au cimetière d’El Alia qui se concrétise par l’écriture d’un scénario d’une présumée traîtrise qu’aurait manigancé Tebboune en se déplaçant à Paris pour y rencontrer son homologue français Edouard Philippe. Il devint, suggèrent-ils, un « traître » en fuite qu’il sied de poursuivre en justice à son retour.

Ennahar el Djadid s’est introduit dans les rouages du pouvoir, mettant à nu les divisions de ce dernier, à travers notamment la diffusion d’une conversation téléphonique entre son directeur Anis Rahmani et le colonel Smaïl, l’une des têtes de proue des services de sécurité, dans laquelle il n’hésite pas à émettre des menaces contre le premier responsable des services, le général Bachir Tartag.

Cette affaire, qui a ébranlé l’opinion publique, aura précipité la mise en détention d’Anis Rahmani le 14 février 2020, pour « outrage à corps constitué », « atteinte à la vie privée d’autrui » et « diffusion d’un enregistrement privé ».

Ennahar cesse de paraître

Deux mois plus tard, le journal Ennahar s’est débattu dans les rets d’une crise financière qui le contraindra à cesser de paraître. La direction du journal publie un communiqué destiné à l’opinion publique dans lequel elle explique les véritables raisons de la suspension du journal après 13 ans d’existence.

La journaliste Souad Azouz, directrice de publication du journal, estime qu’il est probable que le quotidien paraisse de nouveau après la crise sanitaire et une fois les conditions nécessaires à sa diffusion réunies.

Source : twala.info

 

 

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