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Publié par Saoudi Abdelaziz

Par Salima Tlemcani, 22 juillet 2020. El Watan

« Assez ! Nous sommes en train de payer. Il y a des gens qui meurent. Sans l’implication des syndicats des professionnels de la santé, nous allons droit vers la catastrophe ».

C’est en ces termes que les responsables de quatre organisations syndicales de la santé, SAP (Syndicat algérien des paramédicaux), SNPSP (Syndicat national des praticiens de santé publique), SNML (Syndicat national des médecins libéraux) et le Snechu (Syndicat national des enseignants chercheurs hospitalo-universitaires), ont lancé hier leur cri de colère contre la situation sanitaire, sa gestion «unilatérale» par les pouvoirs publics, les «risques» encourus par le personnel de soins face «au manque» de moyens de «protection et d’effectif», «absence de circuits» de prise en charge des cas contaminés et surtout, «l’usure» qui pèse lourdement sur les effectifs mobilisés.

Lors d’une conférence de presse animée conjointement au siège de la SAP à Alger, ils ont un à un fait état d’un «constat inquiétant» du système de santé tout en interpellant les plus hautes autorités du pays «avant que la situation n’échappe complètement au contrôle et nous serions les derniers au monde à sortir de la pandémie».

Pour le Dr Lyes Merabet, président du SNPSP, «depuis six mois, le ministère de la Santé travaille, réfléchit et gère tout seul la pandémie, en laissant les représentants de ceux qui sont sur le terrain, en marge. Nous n’avons aucun interlocuteur pour poser les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Cette pandémie est un problème de santé publique. La situation est très grave. Le personnel ne peut supporter plus. Aujourd’hui, ce sont nos collègues de Constantine, de Tlemcen, de Ouargla, d’Alger et de Blida, qui sortent dans la rue pour se faire entendre, demain nous ne savons pas comment les autres vont faire pour exprimer leur colère. Ces médecins ont l’obligation de soigner, mais si la situation perdure, nous allons vers l’explosion. Nous serons tous dépassés…».

Lui emboîtant le pas, le Dr Mustapha Benbrahem, président du SNML, s’offusque du fait que les médecins libéraux, qui assurent 60% des prestations d’exploration médicale, «soient complètement exclus» de la stratégie de prise en charge de la pandémie et des moyens de protection. «Nous aurions pu aider à désengorger les structures publiques», dit-il en plaidant pour un dépistage chez le personnel soignant privé, qui a «déjà perdu 28 de ses membres», avant de préciser : «Sans ce dépistage, nous allons vers une véritable catastrophe.»

A la tête du Syndicat des hospitalo-universitaires, le professeur Rachid Belhadj n’y va pas avec le dos de la cuillère. «La crise sanitaire est gérée de manière administrative et sans aucune coordination aussi bien verticale qu’horizontale. Chacune des structures travaille en solo et ne sait pas comment fonctionnent les autres.

Depuis quelques jours, des walis ordonnent l’ouverture de lits, alors que le problème est ailleurs. Nous avons 2 infirmiers pour 20 malades, alors que la norme est de 3 pour chaque lit. Nous avons un devoir moral vis-à-vis des malades, pas uniquement ceux contaminés par la Covid-19, mais tous les malades. Lorsque l’on ferme les services ORL de Bab El Oued, de Beni Messous, de Mustapha, etc. où voulez-vous que les patients aillent se soigner ? Les malades cancéreux n’attendent pas. Chaque jour d’attente peut leur être fatal. Où vont-ils se soigner ? Les médecins travaillent nuit et jour. Nous avions soulevé ces problèmes avant la pandémie. Des promesses ont été faites, mais rien sur le terrain », déclare le Pr Belhadj.

« Notre organisation a échoué »

Sans mettre de gants, il dénonce la « dépendance à 100% » de l’importation en matière d’équipements, de consommables et de réactifs, puis poursuit : « Nous ne sommes pas alarmistes. Nous exprimons notre crainte devant la hausse de la contamination du personnel soignant, qui peine à trouver un circuit de prise en charge, un lit d’hôpital, un logement ou une chambre d’hôtel pour se confiner et éviter de transmettre le virus à ses proches, ses collègues et ses malades.

On réquisitionne des hôtels pour nos ressortissants rapatriés et on laisse les soignants à la merci des quêtes et des bienfaiteurs. Le véritable problème est la gestion. Nous ne voyons plus le bout du tunnel. Nous sommes à bout de souffle.

Nous ne pouvons plus supporter l’échec du système sanitaire et de la gestion de la crise par les discours rassurants. Nous sommes en train de payer. Il y a des gens qui meurent. Sans les syndicats, nous irons vers la catastrophe. On demande aux gens de partir en congé, puis on revient sur la décision. La situation dans les hôpitaux est dramatique.

Le secteur privé est dépassé ». Il revient sur le code de la santé, élaboré en 2018, qui à ce jour n’a pas été suivi par des décrets d’application pour au moins 105 de ses articles, avant de conclure : « Ce n’est pas de la réforme hospitalière dont nous avons besoin, mais de celle de tout le système de santé. Il faut se préparer au post-Covid-19 mais le personnel est effondré ».

Lui emboîtant le pas, le Dr Merabet enchaîne : « C’est le personnel médical qui gère les hôpitaux et il est fatigué. Le ministère parle de 2600 contaminations dans les rangs des professionnels de la santé, et une quarantaine de décès.

Moi, je dis, qu’il y a eu 3500 cas de contaminés et 80 autres décédés tout-corps confondus, parmi eux une cinquantaine uniquement dans le corps médical.

Nous avons demandé un dépistage ciblé du personnel soignant, tel que recommandé par l’OMS (Organisation mondiale de la santé), pour protéger ceux qui sont les plus exposés, mais en vain. Il n’y a aucune procédure à suivre lorsqu’un de nos confrères est atteint.»

Sur la question des agressions dans les hôpitaux, le professeur Belhadj rappelle que les syndicats ont de tout temps demandé la protection du personnel médical et la mise en place d’un mécanisme de prise en charge de ces violences « pas uniquement pour les soignants mais également pour les journalistes, les enseignants, les imams, etc. La répression ne donnera pas de résultat, si les facteurs de cette violence ne sont pas pris en charge. Ceux qui agressent les médecins sont souvent dans une détresse terrible, parce qu’une fois à l’hôpital, ils ne trouvent plus de places ou de soins et perdent leurs proches. Après leurs actes, ils viennent présenter leurs excuses. Il faut améliorer le système de santé ».

Le Dr Merabet appelle à l’implication du personnel de terrain dans la gestion de la crise, citant comme exemple le cas de la Chine. « La Covid-19 n’est pas une spécialité médicale. Après 6 mois, nous continuons à ouvrir de nouveaux services à Blida, Alger et ailleurs. Il y a des facteurs d’aggravation qui compliquent la situation et la contamination interprofessionnelle.

Notre organisation est très faible. Elle a échoué », dit-il, avant que le Pr Belhadj ne déclare : «Lorsque l’on renvoie des cancéreux, ils vont mourir. Lorsque l’on ne traite pas les malades cardiaques, nous les perdons. Au service ORL de Mustapha, nous avons 7 résidents et 2 médecins contaminés, et les mêmes services à Bab El Oued, Beni Messous et Kouba sont fermés.

Où vont les malades ? Nous ne voyons plus le bout du tunnel. Il faut aller vers une nouvelle organisation qui prenne en charge les avis de ceux qui sont sur le terrain. La situation est grave ». Le Dr Merabet conclut : « Le constat est inquiétant. Après 6 mois de mobilisation et de stress, le personnel est fatigué, la charge virale de Covid-19 est devenue importante, le nombre de décès et de contaminations a augmenté et nous sommes encore loin des chiffres donnés officiellement, y compris pour ceux relatifs aux citoyens.

C’est un cri d’alarme que nous lançons au nom de tous les professionnels de la santé. La situation est très grave. Il faut que les autorités prennent conscience de l’importance de la conjugaison des efforts pour venir à bout de cette pandémie ».

Source : El Watan

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