Selon Ahmed Bensaada, le Hirak algérien est «trop bien organisé». C'est louche! »
"Comment se fait-il que les jeunes nettoient les rues après les marches alors que les autres jours ces mêmes rues sont jonchées de détritus? " s'étonne incrédule le publiciste.
"Huit ans après : la « printanisation » de l’Algérie" titre le dossier d'Ahmed Bensaada qui bricole un vrai patchwork pour démontrer que le Hirak algérien est inspiré par " les organismes américains d' exportation de la démocratie ».
Après avoir quand même affirmé "être fier de cette jeunesse algérienne débordante de vitalité, montrant aux yeux du monde sa maturité politique, sa discipline et son pacifisme", il bifurque :
"Mais au-delà de ces images idylliques de la contestation, plusieurs questions viennent à l’esprit au sujet de ces manifestations populaires. Sont-elles spontanées? Comment se fait-il qu’elles soient aussi bien organisées? Est-ce naturel d’offrir des fleurs aux forces de l’ordre dans un pays où cette tradition n’est pas usitée même au sein des familles? Comment se fait-il que les jeunes nettoient les rues après les marches alors que les autres jours ces mêmes rues sont jonchées de détritus? Comment sont conçus les slogans et qui achemine, via les médias sociaux, les avis de manifestations ou de grève estudiantines à travers tout le territoire national et même à l’étranger? Pourquoi l’humour et le sarcasme sont largement sur-utilisé comme arme de revendication?"
Il appelle à comparer le hirak algérien avec les révoltes des années 2000 dans les pays l'Est, « révolutions colorées" qui sont basées selon lui "sur la mobilisation de jeunes activistes locaux pro-Occidentaux, étudiants fougueux, blogueurs engagés et insatisfaits du système".
"Acteurs de l'ombres"
Pour étayer l'idée de manipulation, il tronque un article de Michaël Béchir Ayari en s'en tenant à ce seul paragraphe dans aller plus loin :
« A Alger, rares sont les manifestants qui affirment que ce mouvement est entièrement spontané. La plupart d’entre eux disent ne se faire aucune illusion quant à la présence d’acteurs de l’ombre issus de différents secteurs de la société algérienne, qui alimentent ce mouvement à défaut de l’avoir suscité. Nombre de ces acteurs participent en effet à ces protestations ou les soutiennent discrètement. »
La citation s'arrête ici. C'est la méthode des petites pièces mises bout à bout pour "prouver" l'origine du Hirak algérien dans l'action des organismes américains d’ « exportation de la démocratie »
"Les acteurs de l'ombre" de cette "exportation" sont selon lui : la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), le Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (SNAPAP), le parti « Rassemblement pour la culture et la démocratie » (RCD), le parti « Front des forces socialistes » (FFS), l’association « SOS Disparus » et le Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ)...
La citation tronquée
Seulement, Bensaada ne dit pas que M. Ayari dans son analyse parue dans l'organe de l'International Crisis Groupe, a bien précisé qui sont les "acteurs de l'ombre". Lisons-le :
"Nombre de ces acteurs participent en effet à ces protestations ou les soutiennent discrètement. C’est le cas de généraux mis à la retraite anticipée ces dernières années, de cadres et agents de sécurité frustrés par la dissolution du Département du renseignement et de la sécurité en 2015, et d’hommes d’affaires à la stature internationale, empêchés par les premiers cercles du pouvoir de développer pleinement leurs activités économiques. C’est aussi le cas de hauts fonctionnaires, de syndicats autonomes, d’associations de jeunesse, de militants des droits humains, d’étudiants, de journalistes, d’avocats, et de partis d’opposition intégrés au « système ».
La plupart de ces acteurs estiment nécessaire de « réinstitutionnaliser » le pays en neutralisant les forces « extraconstitutionnelles » (le clan Bouteflika) qui affaibliraient la résilience de l’Etat face aux défis économiques, sociaux et régionaux. Ceux-ci risquent de devenir encore plus aigus dans les années à venir, notamment si les réserves de change diminuent de manière significative, que l’inflation augmente et que le contexte sécuritaire se dégrade dans les pays voisins.
Enfin, ces acteurs semblent converger sur la nécessité de réduire le caractère informel, opaque et fragmenté du pouvoir pour « sauver le pays ». L’objectif, au-delà des discours pro-démocratie, est de rétablir les équilibres régionaux tacites au sein des centres de pouvoir, hérités de la guerre d’indépendance (1954-1962), et de renouer avec un minimum de règles pour réduire le règne de l’arbitraire dans le processus officiel de prise de décision".