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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

« Idiots utiles » du Pentagone. Par Serge Halimi

Bâtiment du Pentagone. Photo DR

Bâtiment du Pentagone. Photo DR

Editorial du Monde diplomatique, février 2018

À Washington, démocrates et républicains s’accordent au moins quand il s’agit de combattre la Russie. Selon eux, M. Vladimir Poutine doute de la détermination des États-Unis à défendre leurs alliés et veut protéger son régime autoritaire contre une contagion démocratique et libérale. Il aurait donc choisi d’agresser l’Occident. Alors, pour garantir la paix et la démocratie, l’armée américaine et les parlementaires des deux partis ont décidé de contre-attaquer…

L’armée américaine, tout d’abord. Répondant à une commande de la Maison Blanche, le Pentagone vient d’achever une étude qui préconise un emploi plus généreux de l’arme nucléaire (1). Celle-ci étant actuellement trop destructrice pour que son utilisation soit imaginable, et ne jouant donc pas son rôle de dissuasion, il conviendrait de la miniaturiser davantage afin de pouvoir y recourir contre un éventail plus étendu d’agressions. Y compris « non nucléaires » : destruction des réseaux de communication, « armes chimiques, biologiques, cyberattaques », etc.

En 2016, peu instruit des fondements mêmes de la dissuasion, le candidat Donald Trump aurait interrogé un de ses conseillers : « À quoi bon avoir des armes nucléaires si nous ne pouvons pas nous en servir (2)  ? » Le document du Pentagone répond à sa manière.

Face aux « ambitions géopolitiques » de la Russie (mais aussi de la Chine), au désir de Moscou de « modifier par la force la carte de l’Europe » et de « remettre en question l’ordre international consécutif à la fin de la guerre froide », les États-Unis doivent engager sans tarder « la modernisation de [leurs] armes nucléaires ». Afin de demeurer « les sentinelles fidèles de la liberté ». Cette abnégation démocratique n’a pas de prix, ou plutôt si : le triplement du budget militaire américain consacré au nucléaire.

Un tel alarmisme géopolitique au service d’une nouvelle course aux armements susciterait davantage d’opposition aux États-Unis si, depuis un an, ce qui passe pour la gauche américaine ne s’était acharné à présenter M. Trump comme une marionnette de Moscou (3). Au point même de l’obliger à livrer des armes à l’Ukraine (son prédécesseur démocrate s’y était refusé) et à durcir les sanctions contre la Russie. L’ancien vice-président Joseph Biden vient de s’en réjouir dans un article dont le titre dévoile d’emblée la subtilité : « Défendre la démocratie contre ses ennemis. Comment résister au Kremlin (4) ».

Au même moment, les sénateurs démocrates de la commission des affaires étrangères ont rendu public un rapport analysant « l’attaque asymétrique de Poutine contre la démocratie en Russie et en Europe ». Plus indignée encore que d’habitude, la journaliste-vedette Rachel Maddow, porte-voix de la « résistance » anti-Trump sur la chaîne MSNBC, l’a repris sur-le-champ : « Non seulement notre président n’a rien fait pour éteindre cet incendie, mais il a observé la montée des flammes ! » Elle peut dormir tranquille : le Pentagone saura veiller sur elle.

NOTES

(1Ashley Feinberg, « Exclusive : here is a draft of Trump’s nuclear review. He wants a lot more nukes », Huffington Post, 11 janvier 2018.

(2MSNBC, 3 août 2016.

(3Lire « Donald Trump débordé par le parti antirusse », Le Monde diplomatique, septembre 2017.

(4Foreign Affairs, New York, janvier-février 2018.

Source : Le Monde diplomatique

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