Qui va assumer la responsabilité du GREXIT ?
Pour des dirigeants de Syriza confrontés aux ultimatum successifs des créanciers, ce n'est plus un tabou. Le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble le réclame depuis plusieurs années. "Peu à peu, les responsables européens, lassés de ce problème qui défie leurs solutions, se rallient à sa thèse. Le FMI qui cherche lui aussi à se sortir du bourbier grec, prône également un Grexit, seule solution susceptible, selon lui, de redonner l’oxygène monétaire au pays" écrit Martine Orange dans Médiapart. "L’ennui poursuit-elle, est que personne ne veut assumer la responsabilité historique de cette rupture et ses conséquences".
Grèce: l’effondrement à bas bruit de tout un pays
Par Martine Orange, 2 février 2017.
EXTRAITS
La crise grecque est toujours là. Les responsables européens et le FMI ont lancé un nouvel ultimatum à Alexis Tsipras. Il a trois semaines pour présenter de nouvelles mesures d’austérité. Épuisé, le pays est au bord de l’effondrement financier, économique et moral. Des responsables de Syriza parlent de sortir de l’euro.
Après avoir repoussé l’idée pendant plus de deux ans, Syriza semble prêt à penser l’impensable : sortir de la zone euro. Même si les responsables gouvernementaux n’en parlent pas ouvertement, des figures éminentes du parti de gauche en évoquent publiquement l’hypothèse. Pour l’ancien ministre des affaires européennes de Syriza, Nikos Xydakis, la question de la sortie de l’euro, en tout cas, ne doit plus être considérée comme « taboue ».
« Il ne doit pas y avoir de tabou quand nous parlons du destin de la nation. Nous sommes arrivés au point où le peuple est au bout de son endurance. Je crois que nous avons besoin d’une discussion politique nationale en profondeur. Et cette discussion, naturellement, a besoin de commencer au parlement », a-t-il déclaré mardi 31 janvier.
Depuis, les observateurs se perdent en conjectures. Est-ce un ballon d’essai personnel de l'ancien ministre ? Cette intervention a-t-elle pour but de desserrer l’étau du gouvernement Syriza, au moment où celui-ci se retrouve à nouveau dans une impasse face à ses créanciers ? Ou l’hypothèse d’une sortie de l’euro est-elle vraiment un scénario discuté par le gouvernement, épuisé de ne trouver aucun soutien et aucune solution ? (...)
Un pays épuisé
La vacuité de toute cette politique d’austérité déterminée par certains ratios financiers saute aux yeux. Les responsables européens ont beau soutenir que leur plan de sauvetage fonctionne, se féliciter du redressement de la Grèce et des excédents budgétaires réalisés, la situation est tout autre : nous assistons, passifs, à l’effondrement à bas bruit de tout un pays. (...)
Au terme de sept ans de crise, d’austérité, de plans européens, le pays est épuisé, financièrement, économiquement, physiquement. « La situation ne cesse de s’aggraver. Ce dont nous avons le plus besoin maintenant, c’est de nourriture. Cela montre que les problèmes portent sur l’essentiel et non la qualité de la vie. Il s’agit de subsistance », dit Ekavi Valleras, responsable de l’ONG Desmos. Et c’est à ce pays que l’Europe demande en plus d’assumer seul ou presque l’accueil des réfugiés venant en Europe.
Dans un premier temps, les observateurs ont analysé l’intransigeance réitérée des responsables européens comme un coup politique contre Syriza. Au bout de deux ans de gouvernement, après la volte-face sur le référendum de juillet 2015 puis le nouveau plan de sauvetage, le gouvernement d’Alexis Tsipras est au plus bas dans l’opinion publique. Exiger de lui de nouvelles mesures d’austérité, le mettre dos au mur et l’obliger à déclencher de nouvelles élections était analysé comme une ultime manœuvre pour le défaire politiquement, lui faire payer une dernière fois son affront de 2015 et le remplacer par un gouvernement beaucoup plus acceptable.
Ce scénario politique semble un peu court pour d’autres économistes. Pour eux, c’est l’addition de la gestion européenne de la crise grecque qui va bientôt être présentée. Le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, qui n’a jamais caché sa volonté de faire sortir la Grèce de l’euro mais avait vu sa ligne battue en juillet 2015, est en train de gagner, remarquent des observateurs. Peu à peu, les responsables européens, lassés de ce problème qui défie leurs solutions, se rallient à sa thèse. Le FMI qui cherche lui aussi à se sortir du bourbier grec, prône également un Grexit, seule solution susceptible, selon lui, de redonner l’oxygène monétaire au pays.
L’ennui est que personne ne veut assumer la responsabilité historique de cette rupture et ses conséquences. Car exclure un pays de la zone euro revient à dire que la monnaie unique n’est plus intangible, comme cela a été affirmé lors de sa création. D’autres, volontairement ou non, pourraient suivre l’exemple. Déjà, les financiers sont aux aguets. La dette grecque fait l’objet à nouveau de spéculations intenses, faisant passer ses taux au-dessus de 7 %. Au-delà, tout le marché obligataire européen se retrouve sous tension, poussant les taux italiens, espagnols, français à la hausse, malgré les interventions de la BCE.
L’attitude des dirigeants européens et du FMI ces dernières semaines est stupéfiante, tant elle s’inscrit dans un contretemps historique. Pousser la Grèce dehors au lieu de lui accorder la restructuration nécessaire de sa dette, au moment où les tensions géopolitiques n’ont jamais été aussi fortes, où Donald Trump attaque explicitement la construction européenne et parie sur son éclatement, paraît incompréhensible. Alors que l’Histoire frappe à la porte, ils n’ont comme réponse que celles de boutiquiers. Comme toujours depuis le début de la crise grecque.
Source : Mediapart