30 janvier 2012. Abdelhamid Mehri, un nationaliste toujours actuel
"toutes les opinions peuvent se confronter et diverger, mais doivent aboutir à une démarche consensuelle pour construire et parfaire la construction de l’Etat algérien" déclarait Abdelhamid Mehri, six mois avant sa mort, le 30 janvier 2012. Il avait 86 ans.
"C’est un monument politique et une mémoire vive du mouvement national et du combat pour la démocratie et le Maghreb uni qui vient de s’éteindre", écrivait le journaliste Saïd Djaafer qui ajoutait : " Face au verrouillage général, il a recouru au procédé de la lettre et du mémorandum public. Où, avec une courtoisie qui ne s’est jamais démenti, il a démonté les travers d’un système politico-policier qui a atteint ses limites". Dans son message de condoléances, Sadek Hadjerès l'ancien secrétaire général du Pags, écrivait : "Je garde en mémoire et les évoquerai plus tard, deux ou trois épisodes (en juillet 1953, juin 1981 et avril 1990) à travers lesquels, dans ma relation de militant communiste à lui militant nationaliste, j’ai pu apprécier chez le regretté Si Abdelhamid ces qualités précieuses pour toute nation qui veut se libérer ou se construire dans la coopération de ses composantes, la justice sociale et les droits humains. D’où ma peine plus grande encore de le voir ravi aux siens et à ses compatriotes à l’heure où la nation et la société algérienne auraient eu besoin de sa contribution clairvoyante, unitaire et de sang-froid face aux lourdes menaces de déchirements et d’agressions multiformes qui pèsent sur la scène interne, régionale et mondiale".
Voici le compte rendu d'un entretien radiophonique avec Abdelhamid Mehri, six mois avant sa mort .
Le système politique en place depuis l’indépendance "n’est plus opérationnel"
Par APS, 13 juin 2011.
L’ancien secrétaire général du parti du Front de libération nationale (FLN), M. Abdelhamid Mehri, a estimé lundi que le système politique en place depuis l’indépendance en 1962 "n’est plus opérationnel".
"Le problème est que le système de gouvernement, en vigueur depuis l’indépendance, n’est plus opérationnel car il ne peut plus répondre aux exigences du présent et de l’avenir", a précisé M. Mehri à la radio nationale. Ce système "bâti et construit par nous tous, y compris ceux qui se sont confinés dans le silence, doit changer avec l’implication de tout le monde", a-t-il souligné.
"Tout le monde est interpellé pour le changement du régime en faveur d’un autre système plus démocratique, plus opérationnel et plus efficace, capable de résoudre les problèmes de l’Algérie et de faire face aux défis d’avenir", a expliqué M. Mehri.
L’ancien ministre du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et diplomate a relevé, en outre, que "les problèmes sont personnalisés, en oubliant qu’il y a un système qui dépasse de loin les agissements et les responsabilités d’une personne. Il faut dépersonnaliser les problèmes pour voir plus loin. On a beau changé les présidents mais si l’on maintient le même système (...) on aura mis de fausses solutions à de véritables problèmes", a-t-il dit.
M. Mehri a réitéré, par ailleurs, l’importance d’organiser une conférence nationale, à laquelle, a-t-il insisté, seraient conviées "toutes les opinions qui peuvent se confronter et diverger, mais qui doivent aboutir à une démarche consensuelle pour construire et parfaire la construction de l’Etat algérien".
Il a ensuite déploré certaines dérives en dépit de l’ouverture politique et médiatique de 1989. "Sur le plan des textes, nous avons un régime des plus démocratique, mais la réalité est autre", a relevé Abdelhamid Mehri tout en notant l’existence d’une "partie occulte, qui gère parfois le pays et qui est l’exact contraire des textes écrits", a-t-il dit.
"Il faut d’abord régler ce problème de pratique occulte du pouvoir, contraire à l’esprit démocratique, avant de réviser les lois", a-t-il suggéré. Sur le rôle attendu de l’armée, M. Mehri a indiqué qu’il ne voyait "pas d’inconvénient" à une éventuelle participation de l’armée à un débat national regroupant toutes les composantes de la population. "Le débat doit impliquer tout le monde", a insisté l’ancien responsable politique.
Il s’agit de construire "une maison commune qui est l’Etat algérien, où tous les citoyens trouveront leurs droits et leurs devoirs", a-t-il encore souligné.
Il est temps qu’on travaille ensemble quelles que soient nos divergences
A une année du cinquantenaire de l’indépendance, "il est temps qu’on travaille ensemble quelles que soient nos divergences, afin de présenter au peuple un autre visage de l’Etat algérien", a encore estimé M. Mehri. Evoquant la possibilité d’aller à une Constituante, il a affirmé que celle-ci "peut s’avérer nécessaire" et que "tout dépend de l’accord politique qui résulterait des consultations. "S’il s’avère qu’il faudra passer par une Constituante, ce ne sera pas la mer à boire", a-t-il dit, ajoutant que l’"essentiel est que tous les Algériens de toutes tendances et opinions y participent".
M. Mehri a dénoncé, à cet égard, les "exclusions politiques" qu’aurait pratiquées le "régime" depuis l’indépendance, lorsque "de nombreux leaders politiques ayant eu un rôle important dans la Révolution, avaient été mis à l’écart", a-t-il dit en appelant à la rupture avec cette pratique.
Dans ce sillage, l’ancien responsable a cité le secrétaire général du Front des forces socialistes (FFS), M. Hocine Aït Ahmed, qui pour lui reste un "leader politique capable d’apporter beaucoup à l’Algérie". Il s’est dit "heureux" de travailler avec M. Aït Ahmed, lequel a adhéré au contenu de la lettre adressé au président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, en février dernier, pour "un changement pacifique de système politique". "Je suis heureux de travailler avec lui. Aït Ahmed et moi-même appelons à un dialogue entre tous les responsables politiques (...), nous devons au moins donner l’exemple que nous pouvons travailler ensemble même si nous avons des appréciations différentes, c’est l’essence même de la revendication démocratique", a-t-il fait valoir
Par ailleurs, abordant la question de la liberté d’expression, il a avancé : "l’information, comme le multipartisme et les élections, on a de beaux textes, de beaux titres mais la réalité est beaucoup moins brillante". A ce sujet, M. Mehri a rappelé que lorsqu’il était ministre de la Communication, il avait "plaidé pour la liberté totale de l’information", en faisant valoir l’idée que "lorsqu’une information est vérifiée, il faut la publier quelles qu’en soient les conséquences".
Source: http://www.aps.dz