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Publié par Saoudi Abdelaziz

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"Le gouvernement algérien, comme ceux des autres pays du Maghreb, a déjà accepté de jouer le rôle de garde-frontières de la forteresse Europe. Il gère désormais l’immigration sub-saharienne comme le font les « riches et égoïstes » gouvernements des pays du Nord".

Le 13 décembre 2016. Libre-Algérie

Farouk Ksentini a récemment affirmé ne pas appeler « à la ségrégation » à l’égard des migrants qu’il appelle affectueusement ses « compatriotes africains ». Il les stigmatise pourtant en leur faisant directement et globalement porter la responsabilité « de la propagation du Sida ainsi que d’autres maladies sexuellement transmissibles […] considérées comme quelque chose d’habituelle et de normale par cette communauté ». Et après les avoir anathématisés de la sorte, ce monsieur en conclut que ces « migrants africains n’ont pas d’avenir ici en Algérie. » La porte de leur expulsion s’avère ainsi grande ouverte.

Dans le but de se donner bonne conscience, Maitre Ksentini a déclaré : « Je ne suis pas Marine Le Pen, je ne suis pas raciste ». Raciste, il l’est indéniablement, en portant un jugement sans appel sur une communauté tout entière en fonction de ses origines. Il serait d’ailleurs intéressant de vérifier si Marine Le Pen, dont le parti est pourtant connu pour sa xénophobie, a déjà tenu des propos aussi ouvertement racistes. Pour Benoît Rayski, historien, écrivain et journaliste français, « de telles phrases auraient valu exclusion immédiate du mouvement de Marine Le Pen. »(1) C’est dire à quelles extrémités Farouk Ksentini en est arrivé !

Les propos lamentables de ce monsieur ne mériteraient même pas d’être commentés s’il n’était pas président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’Homme (CNCPPDH). Mais il se trouve que ce raciste se trouve être à la tête d’une structure dépendant directement de la présidence de la République et qu’il a été nommé par le Premier magistrat du pays.

Or, plus d’une semaine après sa sortie, le célèbre « défenseur » des droits de l’Homme n’a été ni relevé de ses responsabilités ni même publiquement rappelé à l’ordre.

On se trouve en toute logique fondé à considérer que Farouk Ksentini exprime un point de vue officiel ou, à tout le moins, le point de vue officieux des autorités, ce qui n’est pas moins grave… Comment s’étonner, dans ces conditions, que les services de police et/ou de gendarmerie saisis par le wali d’Alger procèdent à l’arrestation de plusieurs centaines de migrants sub-sahariens dans certains quartiers d’Alger, les placent en rétention dans une structure sous tutelle du ministère de la Jeunesse et des sports située à Zéralda puis les conduisent en bus vers Tamanrasset avant d’en expulser une partie vers le Niger, le Mali et peut-être vers d’autres pays.

Des organisations telles que Human Right Watch, Amnesty International, les Ligues algériennes de défense des droits de l’Homme, le Rassemblement action jeunesse (RAJ) ont dénoncé ces décisions ainsi que les conditions dans lesquelles elles intervenaient. Elles ont en particulier pointé du doigt des pratiques ne ménageant ni enfants ni femmes enceinte et dénoncé l’absence de vérification de la situation exacte de chaque migrant (réfugié, demandeur d’asile…).

Il n’a échappé à personne que certains d’entre eux ont été victimes de persécutions dans leurs pays d’origine et qu’ils ne peuvent théoriquement faire l’objet d’une expulsion, l’Algérie étant signataire de conventions internationales sur le statut des réfugiés.

L’absence de transparence concernant le traitement de ces migrants inquiète. Ont-ils bénéficié d’une prise en charge médicale ? Des hommes de loi les ont-ils assistés ? Ceux qui le désiraient ont-ils pu prendre contact avec les autorités consulaires de leur pays ? Sur toutes ces questions, le black-out s’avère total.

Le gouvernement algérien, comme ceux des autres pays du Maghreb, a déjà accepté de jouer le rôle de garde-frontières de la forteresse Europe. Il gère désormais l’immigration sub-saharienne comme le font les « riches et égoïstes » gouvernements des pays du Nord.

Officiellement, on s’indigne des propos de la famille Le Pen, de ceux de Geert Wilders ou de Donald Trump. Dans la pratique, on tend à utiliser les mêmes recettes et, de plus en plus ouvertement, le même discours.

Mais ce n’est pas tout. Notre bon monsieur Ksentini ne s’est pas contenté de stigmatiser les migrants subsahariens en fonction de leur origine géographique. Il les a également accusés de se livrer « à la mendicité, un délit puni d’un emprisonnement ou d’une amende dans la législation algérienne », s’est-il empressé de préciser. Et en homme de loi consciencieux, « il plaide (sic) pour que le gouvernement actionne la justice contre les migrants mendiants » ! Pour ce grand défenseur des droits de l’Homme, la place des mendiants, migrants et algériens, est en prison. La loi n’est-elle pas au-dessus de tout et de tous ?

Au racisme d’Etat s’ajoute ainsi un racisme de classe. Les pauvres n’ont pas droit de cité dans nos villes et villages. Ce n’est pas la pauvreté qu’il faut interdire. Elle a même été constitutionnalisée à travers la multiplication de références aux « catégories défavorisées » et autres « personnes démunies » dans le texte de la Loi fondamentale de 2016.

Près de 55 années après l’indépendance, en ce début du XXIè siècle et alors que le nombre de pauvres ne cesse d’augmenter dans notre pays du fait des choix économiques et sociaux libéraux opérés depuis 1980, la pauvreté n’est pas mise hors-la-loi, mais les pauvres, eux, se voient empêchés de quémander de quoi survivre, sous peine d’emprisonnement. Exit la dimension sociale de la révolution nationale algérienne.

La meilleure preuve du caractère de classe de ce racisme anti-pauvre réside dans le fait qu’au moment même où les migrants étaient ramassés et emmenés dans des centres de rétention avant d’être expulsés, d’autres Africains, aisés puisqu’il s’agissait d’hommes d’affaires, étaient reçus en grande pompe et à grands frais à l’occasion du Forum africain d’investissements et d’affaires largement pris en charge, financièrement parlant, par l’Etat et les entreprises publiques tant décriées.(2)

Il est vrai qu’il y a Africains et africains. Les puissants et les riches, dont certains si l’on y regardait de plus près, se trouvent peut-être en délicatesse avec la justice. Et les pauvres, ceux qui mendient pour survivre, sommés de devenir invisibles. Il convient pour cela de les jeter en prison ou de les placer dans des centres de rétention avant de les expulser.

Que l’on songe aux efforts d’un pays dépourvu de moyens, Cuba en l’occurrence, qui forme, non des hommes d’affaires, mais des médecins affectés par la suite aux quatre coins du monde pour soigner les populations pauvres.

Un pays qui forme gratuitement des étudiants en médecine étrangers issus de catégories populaires. Un pays qui a envoyé ses enfants mourir en combattant pour contribuer à la libération du continent africain.

Où sont les projets algériens similaires ? Où est la dynamique de développement insufflée pour aider les pays du Sahel à se développer et à se défaire de la pesante tutelle de la France néocoloniale ?

S’agit-il de lancer des politiques de partenariat avec les pays du continent au profit des peuples afin de tarir la source des migrations économiques et politiques ou de permettre simplement à quelques hommes d’affaires largement subventionnés par l’Etat de faire des affaires et de faire ripaille au Centre international des conférences du Club des pins ?

Poser ces questions, c’est déjà y répondre.

NOTES

1. Benoît Rayski : Mais qui a osé dire que les Africains propageaient le Sida ?http://www.atlantico.fr/decryptage/mais-qui-ose-dire-que-africains-propageaient-sida-benoit-rayski-2905297.html

2. Pour plus de détails sur le montant et la répartition des dépenseshttp://www.radio-m.net/emissions/cpp/449-cpp-du-7-12-2016-pugilat-fce-gouvernement-le-cpp-refait-le-match

Source : Libre-Algérie

 

 

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