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Publié par Saoudi Abdelaziz

12 décembre, convoi funèbre vers le cimetière de Bourouba, à Alger. Photo DR

12 décembre, convoi funèbre vers le cimetière de Bourouba, à Alger. Photo DR

Extrait de l'article d'El Kadi Ihsan, éditeur de Maghreb émergent paru ce matin sous le titre "Mohamed Tamalt : Assassins ? Assassins"

(...) J’ai découvert Mohamed Tamalt en octobre 2013. Tonitruant, il s’était distingué dans une conférence de presse de lancement du salon international du livre d’Alger en interpellant le commissaire du SILA « pourquoi vous invitez le terroriste Anis Neccache ? », libanais membre du commando de Carlos qui a pris en otage la conférence de l’OPEP à Vienne en 1973.

J’ai rapporté cette péripétie dans un article de Maghreb Emergent. Deux jours plus tard sa silhouette épaisse déboulait au siège d’Interface Médias, l’agence qui édite Maghreb Emergent et RadioM.

Mohamed Tamalt ne voulait pas tant poursuivre la polémique Naccache que s’informer sur nos conditions de travail. Nous avons donc fait connaissance autour d’un café. Son projet était de rentrer de Londres pour lancer un pure player en arabe à Alger. Il est revenu quelques mois plus tard pour me donner des nouvelles de ses progrès, préciser certains coûts, prendre conseils. Toujours survolté.

 Mohamed Talmat m’a donné l’image d’un écorché vif. Un profil que j’ai beaucoup connu dans l’univers exacerbé du militantisme mais aussi du journalisme. Tout était motif à exaltation. Il se racontait facilement, disait l’indignation contre le régime algérien et répétait qu’à Londres, où il résidait depuis de longues années, il ne passait pas un jour sans qu’il ne tombe sur « les traces de la rapine et du banditisme de nos gouvernants ».

 Il piaffait de faire de cette position de vigie une ligne éditoriale de son pure-player en chantier. Mohamed Tamalt paraissait ne doutait de rien. Surtout pas de sa bonne étoile. Jovial, déterminé, amusé de sa capacité à faire trembler son monde : « J’étais comme cela quand je travaillais ici. Ils m’ont donné une bourse de Master à Londres pour se débarrasser de moi. J’ai obtenu mon diplôme mais je n’ai pas changé. Ils ne feront pas taire avec cela. Quand je vois toutes les bourses qu’ils se partagent entre leurs enfants. J’ai continué à faire mon métier de journaliste de la même manière ».

C’est cette manière de faire du journalisme qui a sans doute laisser une distance entre Mohamed Tamalt. J’en étais resté à d’anciens papiers de correspondant de presse international. Déjà l’empreinte du lanceur d’alerte à côté de celle du reporter. Ce n’est qu’à l’annonce de son arrestation à Alger en juin 2016 que je me suis intéressé à ses derniers blogs sur sa page Facebook. Indéfendable.

 Etait-il écrit dans la trajectoire de Mohamed Talmat de porter la charge dans ce style ? Celui du déballage à 360 degrés qui ne faisait pas la part du public et du privé, du responsable et de sa famille ? On ne le saura pas. Il avait cassé les codes du journalisme.

Emporté par ce qui était devenu visiblement l’obsession d’en découdre avec les puissants d’Alger, qui ne se refusaient rien. Pas même la renversante réhabilitation de Chakib Khellil.   Une violence faite aux Algériens qui alimente le déchainement de Mohamed Tamalt.

Ses dénonciations des responsables algériens sont bien susceptibles de susciter des plaintes pour diffamation. Car la description du factuel rapporté s’accompagne de «noms d’oiseaux » et d’extrapolations rageuses. Le blog est un pamphlet de l’urgence. Il a porté tort à son auteur. Dispersé ses faibles soutiens.  Détourné l’attention de son sort. Devait-il mourir pour cela ?

 Le pouvoir politique algérien a commis deux erreurs. Infamantes pour l’Histoire. Il a mis Mohamed Tamalt en prison pour un délit qui ne doit pas conduire à la détention, en 2016, dans les pays respectueux de la presse et des journalistes ; Il a persisté à le laisser en prison lorsque sa grève de la faim a clairement mis, dès la fin juillet, sa santé en danger.

 Ces deux procès expéditifs en première instance puis en appel disent la même chose. Affaire Benchicou en moins sophistiqué. Volonté d’embastiller. Représailles discrétionnaires. Les journalistes ne sont pas au-dessus de la loi. Justiciables comme les autres. Nous le demandions pour le général à la retraite Hocine Benhadid, détenu sans procès durant 9 mois. Justiciable comme les autres.

 Pas moins. Mais pas plus non plus. L’acharnement judiciaire avec lequel a été traité le cas Tamalt lui a finalement coûté la vie. Il n’a pas renoncé à sa grève de la faim et ses geôliers n’ont pas renoncé à son embastillement. Avec suspicion de maltraitance. Une procédure de plainte est en cours contre le personnel pénitencier de Koléa suite à une blessure à la tête découverte sur Mohamed Tamalt par son frère à sa première visite à l’hôpital Lamine Debaghine (ex Maillot) de Bab El Oued.

Permis de visite, isolement, rejet des requêtes de la défense, jusqu’au bout l’appareil judiciaire a ajouté son zèle à l’injonction de l’appareil de sécurité au profit de l’autocrate vindicatif.  Il hérite pour une postérité des gémonies d’un journaliste mort en détention. Pour avoir porté atteinte au président de la République par ses écrits.

Le pouvoir politique algérien tue. Il sait qu’il ne doit pas. Puisqu’il aspire à une place dans le concert des nations de droit. Il tente de s’émanciper de ce mélange d’atavisme de « satrapes » et de cynisme d’administration blanche coloniale propre sur elle. Et échoue. Même sous Bouteflika après la guerre civile. Les 126 victimes du printemps noir en Kabylie sont restées impunies. Celles de janvier 2011 et les suivantes tout autant. Combats de rue ?(...)

Source : Maghreb Emergent

 

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