ALGERIE. Les médias n'aiment pas la rue
Ce qui frappe ce matin, c'est l'aversion qui s'exprime dans certains journaux -"démocrates" ou proche du régime-à l'égard de la mobilisation des lycéens et collégiens, présentés comme une masse immature et manipulée, ou comme des gamins aimant sécher les cours.
Les lycéens sont incapables de penser par eux-mêmes, ils sont forcément les jouets de manipulations, comme le suggère Ouafi Moncef l'éditorialiste du quotidien d'Oran : "Les partisans de Benghebrit verront-ils dans le recours à la rue une autre manœuvre des islamo-baathistes qui ont juré d'avoir la tête de la ministre parce qu'elle avait évoqué la réforme de l'enseignement ?"
Plus généralement, selon l'atavisme élitiste dominant dans le microcosme politico-médiatique, un pouvoir ne doit jamais se faire dicter ses décisions par "la rue". Il faut exclure "la populace" de la décision.
Ce matin, le journal électronique à forte fréquentation TSA commente ainsi la décision sur les vacances d'hiver: "Une chose est sûre : ce recul discrédite davantage le gouvernement qui donne l’impression de céder à la moindre contestation, en encourageant, du coup, les contestataires à recourir à la violence pour se faire entendre".
"Violence?" On n'a quand même pas vu le sang couler... A la une: la fumée lointaine qui monte d'un regroupement, le zoom sur quelques vitres brisées d'une administration, un groupe de policiers anti-émeutes attendant Godot... Affrontements ? la DGSN ne signale aucune interpellation... Une question: est-ce qu'il n'y a pas dans cet appel à ne pas céder à la pression de la rue, un désir politique du pire...
A l'autre versant de l'élitisme microcosmique l'éditorialiste de l'Expression explique "C'est facebook qui a échauffé les lycéens". L'ineffable Mebarki, un ancien d'El Moudjahid des années 80, ne méprise pas les élèves: "Nous avons tous été des écoliers pour nous rappeler le bonheur qui nous envahissait devant l'absence de notre enseignant. Tout est prétexte, dans le monde de l'innocence, pour «sécher» les cours. C'est sur ce terrain que des call centers ont essayé d'entraîner nos enfants".
Que s'est-il réellement passé?
Idir Achour, porte parole du principal syndicat des enseignants de lycées, dont les élèves ont pris la tête de la contestation, résume la situation :
«Le ministère aurait pu éviter une telle situation s’il avait écouté les préoccupations des élèves. Le ministère a pris une décision irresponsable, il n'a qu'à en assumer la responsabilité. Les vacances sont un temps de repos nécessaire pour les élèves, notamment, après un long trimestre comme celui de l'hiver.» Le syndicaliste met en garde : «Le gouvernement risque d’avoir sur les bras des mouvements similaires sur d’autres questions. Si on ne recule pas devant les arguments des spécialistes, on reculera certainement sous la pression de la rue».(sources: les quotidiens)