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Publié par Saoudi Abdelaziz

Cette photo d’une des brimades infligées à Mourad (ici sur la plate-forme d’un chariot élévateur) avait été versée au dossier judiciaire.DR

Cette photo d’une des brimades infligées à Mourad (ici sur la plate-forme d’un chariot élévateur) avait été versée au dossier judiciaire.DR

De novembre 2011 à janvier 2014, Mourad, soudeur d'Aulnay-sous-Bois en Seine-Saint-Denis a travaillé pour EcoTDS, une PME d'une dizaine de salariés. Insultes, coups, humiliations, les violences ont duré des mois. L'homme est devenu la cible de ses collègues et de sa direction. Cette dernière  a écopé de quatre mois de prison avec sursis.

Récit d'audience

Par Nicolas Jacquard, 6 novembre 2016. Le Parisien

Durant deux ans, ce soudeur a été harcelé de plus en plus violemment. Condamnés, le directeur et son adjoint se sont pourvus en cassation. Mourad, lui, est toujours en grande dépression

D'une voix rendue pâteuse par les médicaments, Mourad Amara pèse chacun de ses mots. Hospitalisé en psychiatrie, ce quinquagénaire père de deux enfants souffre, selon ses médecins, d'une « dépression majeure réactionnelle ». En clair : la conséquence du «calvaire de tous les jours » qu'il a vécu pendant deux ans.

 De novembre 2011 à janvier 2014, ce soudeur domicilié à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) a travaillé pour EcoTDS, une PME d'une dizaine de salariés installée dans la ville voisine de Sevran. Dès les premiers mois, il en est devenu le souffre-douleur. "La mascotte", se sont défendus le directeur et son adjoint, assimilant les sévices subis par Mourad Amara à des blagues potaches. Une version que n'a pas suivie la justice, laquelle les poursuivait pour harcèlement et agression sexuelle.

 Relaxés en première instance à Bobigny, au terme d'une audience émaillée de dysfonctionnements, selon Me Grégory Levy, l'avocat de Mourad Amara (lire ci-contre), les deux hommes ont au final écopé de quatre mois de prison avec sursis, prononcés en début d'été par la cour d'appel de Paris. Leur conseil, Me William Goldnadel*, s'est depuis pourvu en cassation. A l'issue, Me Levy saisira les prud'hommes pour demander l'indemnisation de son client, dont le contrat de travail court toujours.

 Coups de pied et claques

Sur le fond, la justice a donc tranché, et sanctionné des mois de brimades, lesquelles sont allées crescendo. « D'abord, ils m'appelaient le débile, le fou ou l'attardé », évoque Mourad Amara, par ailleurs travailleur handicapé du fait de plusieurs opérations au dos et aux genoux. « Puis, le matin, ils se sont mis à me donner des coups pour me dire bonjour. Des coups de pied ou des claques sur la tête. »

 Progressivement, les violences prennent une connotation sexuelle : des mains aux fesses, des propos vulgaires, le visionnage d'images pornographiques. Une fois, comme l'attestent des photos prises par ses collègues, Mourad est entravé avec de l'adhésif, « momifié » avec du film industriel et hissé à plusieurs mètres de hauteur avec un chariot élévateur. « Il trouvait ça drôle », ont tenté de se défendre ses tourmenteurs. « Preuve qu'il se sentait bien dans l'entreprise, il cuisinait les barbecues et nous préparait même le couscous le vendredi », relevait le directeur.

 « J'étais devenu leur larbin, souffle Mourad Amara. Et je me disais qu'en faisant ça, peut-être qu'ils me laisseraient tranquille. Mais rien n'a changé. » Pis, le soudeur assure aux policiers avoir été agressé sexuellement à coups de tournevis. Une prévention que n'a pas retenue la cour, faute de preuves suffisantes sur ce point précis. « Ou bien ces allégations étaient vraies, et c'est un scandale que mes clients n'aient pas été condamnés plus lourdement, ou bien c'était faux et ils auraient dû être relaxés », appuie Me Goldnadel. « Les manoeuvres des prévenus pour obtenir leur relaxe à Bobigny ont échoué et leur culpabilité a été reconnue, répond Me Levy. Maintenant, ils vont devoir payer. »

 En dépit de la condamnation de ses bourreaux, Mourad Amara éprouve toujours un sentiment d'injustice. « Ça va au-delà de la colère, soupire-t-il. Tout ce que j'ai subi reste dans ma tête, et ça me hante. »

Une greffière juge et partie ?

C'est une simple attestation, comme il en est présenté dans la plupart des procès. Rédigée par la fille d'un salarié d'EcoTDS, et produite lors de la première audience à Bobigny, celle-ci mentionne que « M. Amara s'entendait bien avec ses collègues » et ne « semblait pas traumatisé » par l'ambiance au sein de l'entreprise. Sauf que celle qui la rédige n'est autre que... la greffière rattachée à la chambre correctionnelle alors chargée de juger les faits. En marge de cette première audience, Me Grégory Levy, l'avocat de Mourad Amara, a ainsi dénoncé une violation du droit à un procès équitable, et saisi la Cour de cassation puis la Cour européenne des droits de l'homme. Le parquet général de Paris est allé dans son sens, et le parquet de Bobigny a fait appel de la relaxe dans sa juridiction pour que l'affaire soit rejugée à Paris, où le directeur d'EcoTDS et son adjoint ont finalement été condamnés en appel.

Source :  Le Parisien

* Gilles-William Goldnadel, soutien inconditionnel à Israël, se présente comme un « Juif de combat » et se définit comme « sécuritaire », « réactionnaire » et partisan d'une « révolution conservatrice (wikipedia)

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