Panamapchiiiit au Parlement européen
Par Jean-Luc Mélenchon, 13 avril 2016
Bon d’accord, on savait déjà que l’évasion fiscale engendrait une perte de 2000 milliards par an dans l’Union européenne ! C’est quand même l’équivalent d’une année de production d’un pays comme la France deuxième économie du continent. D’ailleurs, en France, la fraude fiscale coûte 60 à 80 milliards par an, soit davantage que le service annuel de la dette. En fait nous assistons à un scandale fiscal global par an en Europe. Ce qui permet de faire d’émouvantes vocalises d’indignation chez les faux-culs, notamment au Parlement européen.
Et pourtant on savait, et depuis longtemps. Et on ne fait rien depuis longtemps. L’affaire Clearstream, ça remonte quand même à 2001. Denis robert a payé de dix ans de procès ses révélations. Il s’agissait d’un système de transactions financières illégales et de blanchiment grâce à la société déjà luxembourgeoise Clearstream. En 2009, ce fut le scandale UBS concernant l’organisation d’un système d’évasion fiscale de Français vers la suisse. En 2013, c’est le « Offshore Leaks » : révélations de journaux à propos de l’évasion fiscale et de blanchiment dans des paradis fiscaux. Puis ce fut en 2014 « Luxleaks », un système « d’optimisation fiscale » des entreprises vers le Luxembourg en accord avec le gouvernement que dirigea Jean-Claude Juncker pendant 18 ans. Et en 2015 c’est le « Swissleaks », une organisation de l’évasion fiscale vers la Suisse par la banque HSBC.
Tout ça, ce sont les maladroits qui se font prendre. Les autres continuent leurs petites affaires gentiment. La question n’est donc pas seulement de savoir pourquoi des gens déjà si riches veulent l’être encore davantage ni même seulement de savoir qui c’est. La question est : comment cela est-il possible si simplement ? La réponse est que le trafic fiscal est dans le code génétique des traités européens. L’article 113 du traité de fonctionnement de l’union (TFUE) interdit l’harmonisation fiscale et donc encourage le moins disant comme un modèle de performance. L’article 63 (TFUE) interdit les restrictions à la libre circulation des capitaux dans l’Union et avec les pays tiers.
L’affaire Société Générale émerge en France au-dessus du lot des gens pris dans les « papiers du Panama ». Il faut dire que la mesure est comble : mentir sous serment devant une commission parlementaire ce n’est pas tous les jours. Mais de plus, la banque était encore sous contrôle de la Banque centrale européenne quand elle fabriquait ses sociétés offshores au Panama. Ce n’est pas très glorieux pour ceux qui contrôlaient… Pour finir, elle se classe dans le top 5 des agences ayant eu recours à la création de société offshore selon « Le Monde ». Ce qui montre que ce n’était pas une activité résiduelle ou marginale pour elle… Aucune sanction n’est annoncée, ni aucune enquête. Pourtant il faut savoir qu’une discrète perquisition a eu lieu. Quelle chance pour la banque ce fut sans la présence pourtant habituelle des chaines d’information en continu ! Mais pour l’instant, les seuls dans le collimateur c’est Kerviel, Koubbi et… moi du fait de la banque qui prétend nous poursuivre en diffamation.
Au total, le Commissaire Moscovici, l’ami de mon « ennemi c’est la finance », est venu épater la galerie au Parlement européen dans un scepticisme généralisé sur le nouveau train de mesures qu’il va proposer pour lutter contre les crimes fiscaux en Europe. On a le droit d’en rire par avance car le lendemain de la séance où il est venu faire ce genre de numéro, le Parlement examinait et adoptait un texte qui rend plus difficile le travail des journalistes et des lanceurs d’alertes. Telle est « l’Europe qui nous protège ». De mon côté, après avoir attendu trois heures et demi dans l’hémicycle mon tour de parole, j’ai disposé d’une somptueuse minute et quatorze secondes devant un hémicycle vide pour exposer ma proposition de créer un statut européen de lanceur d’alerte. Pour l’honneur. En vain.
Source : http://melenchon.fr