Deux chroniqueurs algériens et Jonathan Swift (attention, humour noir)
Dans sa dernière chronique, "à l'actif ou au profit" de "Juppé, Sarkozy, Hollande, Fabius" , Mohamed Bouhamidi inscrit: "la dégénérescence du berbérisme en kabylisme, la progression du MAK et des idées autonomistes en Kabylie, la crise ethno-religieuse de Ghardaïa, la reprise des conflits touaregs-brabiches sur la frontière algéro-malienne, le développement exponentiel d’une contrebande d’armes impunies à l’est du pays, l’impossibilité du pouvoir de contrôler l’économie informelle et, surtout, de gagner le minimum de légitimité qui l’autoriserait à prendre des mesures d’autorité".
Pour Kamel Daoud si le pays va mal ce n'est pas à cause de cette toute puissance des manigances françaises. "Le pays va mal parce qu'il n'aime pas ses enfants qui ne l'aiment pas. L'instinct filial est malade chez nous (...). Le culte des Ancêtres et des martyrs a fini par donner un teint jaune même aux nourrissons. On a une obsession du passé irrésolu qui nous pousse au dédain face aux grossesses." Le titre de sa chronique énonce l'alternative algérienne : "Manger les ancêtres ou les enfants". Les ancêtres étant sacrés, selon l'écrivain, et de toute façon indigestes, il ne reste que les enfants à manger.
D'abord les enfants de pauvres?
Le blogueur propose un peu d'humour noir... Il y a trois siècles, quand les latifundistes anglais suçaient le sang de ses compatriotes, l'écrivain irlandais Jonathan Swift a écrit en 1729, un pamphlet féroce et désespéré. Selon l'auteur des Voyages de Gulliver, les Irlandais regarderaient « comme un grand bonheur d’avoir été vendus pour être mangés à l’âge d’un an et d’avoir évité par là toute une série d’infortunes par lesquelles ils sont passés et l’oppression des propriétaires ». Il précise qu'il n'est motivé que par des idées altruistes : " Je n’ai pas d’enfants dont la vente puisse me rapporter le moindre penny ; le plus jeune a neuf ans et ma femme a passé l’âge d’être mère."
"Modeste proposition pour empêcher les enfants pauvres d’être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public", par Jonathan Swift
EXTRAITS
(...) Mais mon intention n’est pas, loin de là, de m’en tenir aux seuls enfants des mendiants avérés ; mon projet se conçoit à une bien plus vaste échelle et se propose d’englober tous les enfants d’un âge donné dont les parents sont en vérité aussi incapables d’assurer la subsistance que ceux qui nous demandent la charité dans les rues.
Pour ma part, j’ai consacré plusieurs années à réfléchir à ce sujet capital, à examiner avec attention les différents projets des autres penseurs, et y ai toujours trouvé de grossières erreurs de calcul. Il est vrai qu’une mère peut sustenter son nouveau-né de son lait durant toute une année solaire sans recours ou presque à une autre nourriture, du moins avec un complément alimentaire dont le coût ne dépasse pas deux shillings, somme qu’elle pourra aisément se procurer, ou l’équivalent en reliefs de table, par la mendicité, et c’est précisément à l’âge d’un an que je me propose de prendre en charge ces enfants, de sorte qu’au lieu d’être un fardeau pour leurs parents ou leur paroisse et de manquer de pain et de vêtements ils puissent contribuer à nourrir et, partiellement, à vêtir des multitudes (...).
Mon projet comporte encore cet autre avantage de faire cesser les avortements volontaires et cette horrible pratique des femmes, hélas trop fréquente dans notre société, qui assassinent leurs bâtards, sacrifiant, me semble-t-il, ces bébés innocents pour s’éviter les dépenses plus que la honte, pratique qui tirerait des larmes de compassion du coeur le plus sauvage et le plus inhumain.
Etant généralement admis que la population de ce royaume s’élève à un million et demi d’âmes, je déduis qu’il y a environ deux cent mille couples dont la femme est reproductrice, chiffre duquel je retranche environ trente mille couples qui sont capables de subvenir aux besoins de leurs enfants, bien que je craigne qu’il n’y en ait guère autant, compte tenu de la détresse actuelle du royaume, mais, cela posé, il nous reste cent soixante-dix mille reproductrices. J’en retranche encore cinquante mille pour tenir compte des fausses couches ou des enfants qui meurent de maladie ou d’accident au cours de la première année. Il reste donc cent vingt mille enfants nés chaque année de parents pauvres (...)
Un Américain très avisé que j’ai connu à Londres m’a assuré qu’un jeune enfant en bonne santé et bien nourri constitue à l’âge d’un an un mets délicieux, nutritif et sain, qu’il soit cuit en daube, au pot, rôti à la broche ou au four, et j’ai tout lieu de croire qu’il s’accommode aussi bien en fricassée ou en ragoût.
(...) Nos marchands m’assurent que, en dessous de douze ans, les filles pas plus que les garçons ne font de produits négociables, satisfaisants et que, même à cet âge, on n’en tire pas plus de trois livres, ou au mieux trois livres et demie à la Bourse, ce qui n’est profitable ni aux parents ni au royaume, les frais de nourriture et de haillons s’élevant au moins à quatre fois cette somme (...)