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Publié par Saoudi Abdelaziz

Qui tient le man dans le régime algérien? A dix jours d'intervalle la presse a publié deux évaluations diamétralement opposées sur les rôles respectifs d'El Mouradia et des Tagarins. Entre temps, le chef d'Etat-major revient au devant de la scène médiatique pour affirmer le rôle protecteur de l'Anp à l'égard du chef de l'Etat, tandis que l'éditorial d'El Djeïch, l'organe de l'armée, se référant de toute évidence à la réorganisation du DRS, évoque les conséquences bénéfique des " changements opérés au niveau des structures organisationnelles de l’ANP".

La longue analyse du journaliste Yassin Temlali largement médiatisée, publiée le 18 janvier fait le point sur le fonctionnement actuel du pouvoir. Extrait :

 "Et même si aujourd'hui son locataire est physiquement diminué, la présidence est le centre de décision politique unique en Algérie. Ce n'est là, en vérité, qu'un retour à la période 1965-1992, pendant laquelle, tout en consultant les militaires sur les principaux dossiers politiques, diplomatiques, etc., le chef de l'État exerçait des prérogatives étendues dans tous les domaines, celui de la défense compris". Conclusion?  "L'affaiblissement du DRS et la remise au pas d'une armée surpolitisée peuvent difficilement être tenus pour des progrès sur la voie menant à un gouvernement démocratique. Si une phase est fermée, cela n'en n'ouvre pas pour autant une nouvelle qualitativement différente. Au fond, la période actuelle s'apparente à celle d'avant 1992 et à la suprématie de la présidence sur l'institution militaire, dont, paradoxalement, l'armée tirait une partie de sa légitimité "intérieure".

L'universitaire Lahouari Addi, moins médiatisé, déclarait dans une interview censurée par le grand quotidien El Khabar mais publiée par Algérie-watch et le Quotidien d'Algérie:

"Bouteflika n’a pas mis à la retraite Tewfik Médiène et il n’est pas sûr qu’il soit au courant de ce départ à la retraite. Son état de santé est tel qu’il ne prend aucune décision importante ou non. Le président ne parle pas, n’entend pas, et ne sait pas quel jour on est. C’est la raison pour laquelle les décideurs ont refusé qu’il reçoive le groupe des 19. Ceci est une preuve supplémentaire que le système fonctionne sans président. L’Etat algérien est dirigé par des fonctionnaires désignés par l’armée (...). Le DRS n’est pas l’armée. C’est un service de l’armée comme l’est la logistique ou les transmissions". Sa conclusion : "Le commandement militaire devrait avoir le sens des perspectives historiques et envisager un retrait graduel du champ de l’Etat pour laisser les différents courants idéologiques se disputer la direction de l’Etat par les élections. Elle devrait s’inspirer de l’expérience turque".

POST-SCRIPTUM

En décembre 2012, le blogueur, décrivant l'évolution du rôle de la présidence en Algérie notait : "le régime présidentiel de type césariste a fait son temps".

GRAMSCI, Boumediène, Chadli, Zeroual et Bouteflika

Par Saoudi Abdelaziz, 15 décembre 2012

Le régime présidentiel de type césariste a sans doute fait son temps en Algérie. Après l’épisode pitoyable du Chadlisme, le sursaut désespéré de Mohamed Boudiaf, la morne résignation de Lamine Zeroual, Bouteflika a essayé de renouer avec la conduite épique de Houari Boumediene. Mais ses vélléités héroïques ont buté devant les mécanismes a-constitutionnels stériles imprimés à l’Etat algérien et à la fonction présidentielle, durant les années 80 et 90. A quoi s’ajoutent sans doute les handicaps dus à sa santé.

La différence fondamentale entre le césarisme présidentiel de Boumediene et ceux qui ont suivi pourrait être recherchée dans les analyses d’Antonio Gramsci. Le premier « a repré­senté la phase historique de passage d'un type d'État à un autre type d'État, un passage où les innovations furent si nombreuses et d'une telle importance qu'elles représentent une véritable révolution ». Le césarisme qui suivra étant « limité », « sans passage d'un type d'État à un autre type ».

Dans sa première phase « progressive", représenté historiquement par Napoléon Bonaparte, « Les forces militaires régulières ou « de ligne» étaient un élément décisif pour l'avènement du césarisme, qui se manifeste par des coups d'État bien précis, par des actions militaires », écrit Gramsci qui notera l’évolution ultérieure : « le césarisme moderne, plus que militaire, est policier ».

Depuis la perte du rôle institutionnel dominant de l’armée de ligne, en Algérie, comme on le sait, la désignation du président de la république est la résultante d’une compétition entre les clans et les groupes d’intérêts dominants, dans lesquels les généraux d’une sorte de  Première armée politique jouent leur rôle, pendant que la seconde armée, technique, l’ANP, continue ses missions habituelles de défense nationale.

En Algérie, les présidents pour être adoubés proposent un programme  susceptible d’être accepté par cette machine à consensus qu’on a baptisé du terme orwellien de Système. Ce qui fait la différence entre les différents postulants inscrits dans le casting présidentiel réside probablement dans le choix des instruments de réalisation de ce programme, dans les moyens d’assurer ce consensus et de l’appliquer : organisation de la sélection des cadres et du personnel dirigeant, contrôle médiatique et social de la population, répression des atteintes au Système, surveillance de l’armée de ligne.

Depuis une trentaine d’années, ce rôle est assigné aux différents Services de sécurité, chargés dans leur ensemble de protéger et d’organiser cet équilibre présidentiel et de l’imposer à la société. Jusqu’à quand ?

 

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