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Publié par Saoudi Abdelaziz

Benjamin Barthe, correspondant du journal Le Monde au Proche Orient. Photo DR

Benjamin Barthe, correspondant du journal Le Monde au Proche Orient. Photo DR

Par Benjamin Barthe, 12 août 2015, Beyrouth

EXTRAIT

Rupture générationnelle

En face, les pourfendeurs de « Tel-Aviv sur Seine », n’en déplaise à certains pro-israéliens aveugles, ne sont pas des antisémites masqués. Si la mouvance pro-palestinienne rejette de plus en plus le discours des élites politiques et médiatiques sur ce dossier, c’est parce que contrairement à celles-ci, elle n’est plus imprégnée de la culture d’Oslo, de son langage et de ses tics. Manifestants d’un jour ou militants de longue date, les pro-palestiniens des années 2010 ne voient plus dans les violences qui ensanglantent la région l’affrontement de deux nationalismes qu’il faut réconcilier, mais un système de discriminations et d’apartheid, qu’il faut mettre à bas. Le maître mot dans les années 1990 était « négociations ». Son homologue aujourd’hui est BDS, l’acronyme du mouvement boycott-désinvestissement-sanctions, qui réclame des sanctions contre Israël. Son ambition : rompre le sentiment de normalité – dont Tel Aviv est le symbole – qui permet aux Israéliens de garder la tête dans le sable.

La première cause de cette rupture est générationnelle. Pour les jeunes qui ont protesté contre l’offensive israélienne dans la bande de Gaza en été 2014, la poignée de main Arafat-Rabin, en 1993, sur le perron de la Maison Blanche, est une date dans un livre d’histoire. Et les attentats-suicides du Hamas, une note en bas de page. Les événements fondateurs de leur engagement sont l’attaque de la flottille de Gaza, la construction du « mur de l’apartheid », le bouclage de la bande de Gaza, ou l’offensive « Plomb durci » contre ce même territoire. Une litanie de crimes de guerre et de violations du droit international, où ils peinent à trouver une trace de bonne volonté israélienne.

La deuxième raison est politique. En vingt ans, l’opinion israélienne a dérapé à droite. A force de participer aux gouvernements dirigés par le Likoud, sous la tutelle d’Ariel Sharon ou Benyamin Nétanyahou, la gauche travailliste a scié la branche sur laquelle elle était assise. Quand en novembre 2009, Bernard Kouchner, alors chef de la diplomatie française, déplore « la disparition du camp de la paix israélien », il énonce une évidence, que seuls ceux qui ne viennent jamais dans la région peuvent contester. Les militants pro-palestiniens, s’ils ont des défauts, n’ont pas celui-là. Depuis le début de la deuxième Intifada en 2000, des milliers d’entre eux se sont rendus en Cisjordanie et en Israël, dans le cadre de missions de solidarité.

La troisième raison, enfin, est culturelle. La nébuleuse « pro-pal » s’est enrichie ces dernières années de nombreux citoyens de culture arabo-musulmane, dont le rapport à la Palestine est beaucoup plus sentimental que celui de leurs devanciers des années 1990.

On sait ce qu’il est advenu d’Oslo. Tué à petit feu par le terrorisme, la colonisation, et le refus des dirigeants israéliens de laisser se créer, en Cisjordanie et à Gaza, un Etat digne de ce nom. Le courant pro-palestinien français a tiré de cet échec ses propres leçons. Judicieuses ? Trop radicales ? Avant de se prononcer, la classe politique, PS en tête, devrait commencer son autocritique. La grille d’analyse qu’elle applique au conflit israélo-palestinien est définitivement périmée.

Texte intégral: Le Monde.fr

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