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Publié par Saoudi Abdelaziz

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LE 27 DECEMBRE 1957, ABANE RAMDANE EST EXECUTE, AU MAROC, PAR DES AGENTS DU MALG, L’ANCÊTRE DU DRS.

Hocine Aït Ahmed évoque le tempérament de son compagnon d'armes: "Combien de fois il fut transféré d'une prison à une autre, à force de faire des grèves de la faim ou d'inciter les droits communs à l'agitation ou à la violence. Pour se débarrasser de Abane, les services pénitenciers d'Algérie durent l'envoyer en relégation dans le nord de la France. Quel tempérament!"

En mai et juin 1956, deux mois avant le congrès de la Soummam, Sadek Hadjerès avait discuté avec Abane Ramdane dans le cadre d'une rencontre entre les direction du FLN et du PCA. Passage émouvant :" Il est détendu et visiblement satisfait de la franchise de nos discussions, avec dans le regard une pointe d'affabilité souriante -peut être est-ce à cause de sa mort tragique dix huit mois plus tard que cette image est restée en moi". 

 

K. Selim. Vous avez connu Abane Ramdane. Pouvez-vous nous parler de l'individu qu'il fut?

Hocine Aït AhmedJ'ai connu Ramdane au cours de cet été 1945, le plus chaud et le plus surréaliste. Il venait de Châteaudun - Chelghoum Laïd - où il travaillait comme secrétaire dans l'administration. Il était profondément marqué, malgré sa froideur apparente, par les répressions et la chasse à "l'arabe" qu'il avait vécues de très près.

Je préfère vous parler de l'homme avant de vous donner quelques repères sur son itinéraire. Quelques semaines avant de passer l'examen du baccalauréat 2ème partie au lycée de Blida, il avait sollicité de l'administration d'être dispensé des heures de gymnastique pour mieux se préparer aux examens, car, en plus au lieu de choisir entre le bac philo et le bac mathématiques, il tenait à se présenter aux deux examens.

La dispense lui ayant été refusée, il se mit en colère et alla se briser le bras contre un rempart de fer ou de marbre. Ce qui ne l'empêcha pas de bouder les exercices physiques pour mieux se préparer et réussir brillamment le double examen.

Autre anecdote sans commentaire: arrêté par la PRG, alors qu'il était le responsable de l'OS dans la région de Sétif, il n'avait pas fait le moindre aveu malgré toutes les formes de torture utilisées pour le faire parler.

Combien de fois il fut transféré d'une prison à une autre, à force de faire des grèves de la faim ou d'inciter les droits communs à l'agitation ou à la violence. Pour se débarrasser de Abane, les services pénitenciers d'Algérie durent l'envoyer en relégation dans le nord de la France. Quel tempérament !

Son identité, c'est ce qu'il a fait de lui-même dans les pires épreuves. Ceci dit, qui n'a pas de défaut ? Il était autoritaire et jacobin. Son franc-parler le desservait terriblement. Par contre, il savait aussi écouter et exécuter les décisions prises démocratiquement.

Propos recueillis par K. Selim en novembre 2002 pour le Quotidien d'Oran .

Source: HuffPost Algérie

Deux mois avant le congrès de la Soummam

Quand Abane Ramdane rencontrait les communistes

Extrait d'un récit de Sadek Hadjerès relatant les rencontres entre les directions du FLN et du PCA en mai-juin 1956, avant le congrès de la Soummam.

(...) Benkhedda, avec sa civilité et sa politesse habituelles, nous félicite d’abord pour l’action menée (il s'agit de l'opération menée par Maillot, ndlr) et nous remercie sincèrement au nom du FLN pour la première livraison d’armes. Abbane écoutait et approuvait, le front plissé et avec l’air concentré que je lui connaissais, Puis rapidement, il commença à bouillonner, impatient d’en arriver au cœur du sujet. Il interrompit Benkhedda en nous tendant une carte d’identité, celle de Abdelkader Choukal, journaliste d’Alger républicain, monté au maquis avec d’autres camarades dans les monts de Tablat et Beni Misra : "On ne veut pas de ces choses-là...Les communistes veulent noyauter le mouvement... C'est la même chodse pour Laïd Lamrani dans les Aurès... Qu'est ce qu'il a, à proposer d'éditer des bulletins intitulés "El Watani" (Le Patriote) et d'autres propagandes...?" 

Son intervention nous sembla un mélange de protestation sincère et de mise en scène voulue. Nous avons mis calmement les choses au point. Bachir Hadj Ali a souligné, un peu vivement : « nous ne sommes pas venus les uns et les autres pour nous chamailler. La décision de nous rencontrer signifie que nous souhaitons de part et d’autre trouver des réponses à nos préoccupations communes ».

Puis Bachir et moi, tour à tour et en réagissant au fur et à mesure à leurs remarques et questions, nous avons précisé en substance : « Nos camarades, comme tous les Algériens, veulent se battre ; ils rejoignent la montagne ou les réseaux urbains, c’est naturel. Depuis le début de l’insurrection, ils n’ont que deux choix compatibles avec leurs convictions : ou bien aller directement à l’ALN là où ils trouvent une porte ouverte et des garanties de bon accueil et nous les y encourageons ; ou bien en attendant, nous les aidons à constituer eux-mêmes leurs propres groupes armés et ceux-là sont impatients qu’on règle les modalités de leur intégration dans la clarté. Doivent-ils attendre comme des moutons de se faire arrêter et neutraliser par les colonialistes ? Vous les accuseriez alors de se dérober à leur devoir. Nous regrettons justement que certains fassent courir ces bruits alors qu’en même temps ils font tout pour les empêcher de combattre. Les groupes que nous avons constitués dans les villes et les campagnes, nous n’en faisons avec vous ni un secret ni une concurrence ».

A ce propos, nous avons fourni des indications sur leur composition, leur localisation, etc. Et avons insisté : « Notre parti et nos militants ne sont pas des aventuriers ou des intrigants. Nous sommes venus pour discuter, fraternellement et politiquement, des problèmes que ça peut poser. Nous ne voyons aucun intérêt à « noyauter »vos organisations, ni pour nous-mêmes ni surtout pour notre cause commune. Nous souhaitons trouver ensemble des formules concrètes de coopération, S’il y a des incompréhensions, le moment est venu d’en parler Nous avons fait jusqu’ici des multiples tentatives d’en discuter directement mais sans résultat » (...).

Clarifications de part et d’autre

Pour justifier leurs réticences à prendre contact avec nous en tant que parti, Benkhedda et Abbane nous expliquèrent que l’efficacité de l’action nécessitait selon eux de supprimer les différences entre partis et pour cela le seul moyen était que les partis s’effacent. Quand nous leur avons rappelé que les proclamations du FLN faisaient appel à toutes les énergies nationales, ils soulignaient, sans invoquer à ce moment explicitement la dissolution du PCA, que le FLN se proposait de drainer les forces patriotiques en un seul mouvement et seulement sur la base des adhésions individuelles.

(...)

A travers ces échanges, la discussion devenait plus détendue, plus transparente, elle confirmait un minimum de confiance réciproque. Nos interlocuteurs n’ont pas hésité à nous faire part de certaines de leurs préoccupations et motivations. A propos de l’armement par exemple, ils nous confient qu’ils ont entrepris des démarches auprès du régime dictatorial espagnol de Franco pour obtenir des armes. Bachir et moi, sans nous regarder, n’en fûmes pas trop étonnés. Nous savions déjà que les raisons qui poussaient les dirigeants FLN à demander au PCA de s’effacer en tant que parti n’étaient pas seulement liées à une préoccupation d’efficacité ou même au seul souci de contrôle absolu et de main mise sur le mouvement social. Elles obéissaient aussi à des calculs et des pressions idéologiques internationales. Nous avions eu un exemple de cette ambiguïté deux mois auparavant avec les pressions de la CISL (organisation syndicale mondiale liée aux objectifs et activités de l’OTAN dans la guerre froide) pour encourager la création de l’UGTA, au prix d’une division du mouvement syndical algérien. Mais, quelle que soit l’importance de ce problème, nous n’étions pas là pour nous concerter en priorité sur les options idéologiques souhaitables (...).

 Paru en juin 2006 dans le Quotidien d'Oran. Texte intégral repris dans socialgérie.net

Première mise en ligne : 16 août 2015

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M
Un témoignage passionnant sur la réalité des luttes finales menées par les Algériens pour retrouver leur indépendance. Ce qui est remarquable dans ces témoignages, c'est le fait que les oppositions et les clivages n'étaient pas de nature régionale ou régionaliste mais strictement politiques : l'objectif est le même, la libération de l'Algérie, mais l'approche politique pouvait différer. Nous sommes loin de la caricature actuelle
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