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Publié par Saoudi Abdelaziz

Etre et devenir (identités plurielles et nature singulière) par Karim Tedjani

"Je suis  Karim Tedjani, né à Paris et de sang algérien.  Algérien du  sang  de mes ancêtres,  mais aussi  de  celui de tous ces héros  ainsi que ces héroïnes  qui ont inventé le peuple Algérie en brandissant l’étendard de  leur fraternité contre un système dont la nature première était  de les diviser".

Par Karim Tedjani, 22 juillet 2015

Reporter indépendant, écrivain et photographe spécialiste de la question de l'environnement ainsi que de l'écologie en Algérie. 

 

« Qui sommes-nous ? » « Qui suis-je » ? Est-il vraiment raisonnable de répondre à  l’unisson à ces deux questions  si fondamentalement différentes et complémentaires ?  

Pourtant,  trop souvent,  elles semblent se  confondent dans l’esprit  et le discours de celles et  de ceux qui ne peuvent ou  ne veulent se  reconnaitre  qu’à travers une seule identité. Ils sont « nous » et « je »  à la fois, sans réelle distinction. D’ordinaire,  ils ne tolèrent aucune   autre façon d’exister  que la leur.

Dès lors qu’une identité ne s’affirme surtout qu’en opposition aux autres ; alors elle ne peut prétendre habiller autrement un peuple que pour la guerre. Elle n’est pas valable...Car la fonction primordiale d’une identité devrait toujours être de rassembler et non diviser un peuple. Sinon, ce sont des identités toxiques qui ne sauraient être  saines  pour un pays ; encore plus en Algérie, que nul ne saurait limiter à une seule identité sans risquer d’en réduire largement la richesse culturelle.

Définir ce que nous sommes individuellement, puis  comprendre ce que nous devons être en commun.   Etre  soi,  et le peuple Algérie à la fois ; devenir l’Algérie de demain, se bâtir une vie  au quotidien. Et si la part de nos générations contemporaines dans la construction de l’Algérie, ce n’était pas cela, au fond ? Etre vraiment soi   et devenir vraiment  l’Algérie. Plus aucun d’entre nous ne devrait s’obstiner à ne répondre qu’à une seule de ces deux énigmes du même Sphinx.  Il y a une dimension à la fois très collective et intime dans un tel exercice de réflexion,  qui est loin de n’être  qu’un jeu d’esprit. Il me parait pourtant essentiel de franchir ce cap de maturité.

Je ne doute pas un  seul instant que, parmi  mes compatriotes natifs de mon pays d’origine, beaucoup  se hasarderont  déjà  à penser que seuls les Algériens nés en France, comme moi,  sont sensibles à  la question d’identité nationale. Peut-être, alors, me rendront-ils   trop hâtivement coupable d’importer en Algérie, consciemment ou non, un débat qui ne concerne que la France. Je  me contenterai humblement de les laisser aux bons soins de l’actualité algérienne. Il me semble que malheureusement,   jamais autant de questions identitaires n’ont été évoquées pour expliquer le dernier conflit  sanglant de Ghardaïa ; mais  aussi  d’autres  animosités entre citoyens du même pays.  Elles se propagent  en Algérie comme un mauvais vent de séditions séparatistes. Là où   on parle beaucoup de Printemps algériens, moi j’espère encore plus fort que la prochaine  saison qui se profile pour ce pays, ne sera  pas un hiver cuisant...

C’est que, pour devenir l’Algérie de demain, il serait bon de savoir qui elle est au présent et faire le ménage dans son passé.  La question de l’identité nationale est un  sujet universel et d’autant plus d’actualité  pour l’Algérie ;  en  ces heures troubles et incertaines où les frontières de bien des pays producteurs d’énergies fossiles  se disloquent. L’Algérie aspire aux changements. Plus personne ne pourra taire cette ambition populaire. Mais elle ne  saurait être judicieuse, cette noble aspiration,  si elle se contente  de demeurer populiste...  

Ne pas se jeter dans le vide, juste, "histoire de changer".  Toujours garder pour phare  cette matrice d’identités profondes qui font qu’il n’existe qu’un seul peuple algérien sur Terre. Comme la nature  physique se nourrit de biodiversité, celle d’un pays  doit-être l’ensemble qui confirme les exceptions. La notion de nature nationale ne peut exister que si  l’identité collective et la personnalité de chacun   s’y rencontrent au sein d’un environnement de bien-être. La nature nationale n’est  donc pas un sujet figé dans le temps. C’est un équilibre qui se construit quotidiennement, en soi, pour et avec les autres, en même temps. 

Ces identités du passé   qui opposent notre population, se réconcilieront  seulement au sein d’une même idée contemporaine  de l’Algérie.  Alors on ne parlera  peut-être plus que d’identités régionales et enfin de nature nationale ;  et plus jamais il ne sera possible d’en faire des facteurs d’antagonismes entre nous. A ce moment, peut-être, chaque identité algérienne,  à l’échelle individuelle,  sera  également respectée comme une couleur essentielle du même tableau. Alors le sentiment d’appartenir à la même famille nationale pourra vraiment devenir plus qu’un rêve, mais une réalité d’épanouissement quotidien.

Comme il parait loin, je vous le concède, ce rêve d’une Algérie fraternelle et donc souveraine en tous points.

Mais, à l’ère où la vitesse est devenue le maître concept de toute une époque, la distance peut-elle vraiment  nous ralentir dans nos élans d’optimisme ? Les choses évoluent de plus en plus rapidement ; un peu trop même.  Parfois, à vouloir aller trop vite on simplifie trop les choses. On perd forcement  l’essentiel en chemin. Aussi  j’en reviens à cette fameuse idée d’équilibre ;  car  la vitesse est beaucoup moins perturbante pour un mouvement équilibré.

D’autant que je  ne peux que m’interroger sur la légitimité  même de  parler d’identité nationale au singulier, dès lors qu’il s’agit de définir qui sont les Algériennes et les Algériens de notre époque. L’Algérie  est une terre   immense, un formidable réservoir de contrastes géographiques et culturels.  Il ne faudrait pas simplifier un   aussi savant mélange en une substance uniforme. Un peu  comme on transforme   la composition d’un produit à des fins seulement commerciales.

Et puis,  nous devrions d’abord savoir qui l’on est,  à la première personne du singulier,  avant de s’identifier à une communauté!

Amin Maalouf,   en ouverture de  son  fameux ouvrage « Les identités meurtrières »,  insiste avec beaucoup de clarté sur le caractère intime que devrait  toujours et d’abord  revêtir  notre identité. Du moins  dans un pays qui se prétend démocratique ; et, il me semble, c’est le cas de  l’Algérie.  

N’a-t-il   pas  a été maintes fois  prouvé, il me semble,  que chacun d’entre nous possède des particularités biologiques et historiques qui ne sont propres qu’à  lui- même ? Comme   d’ailleurs cet auteur francophone,   né libanais  et résidant en France,   qui nous  le démontre avec brio  dans son pamphlet contre l’identité de masse. Car selon lui, plus on détaille la vie  d’un individu et plus il apparait que son identité est  à bien des égards unique en son genre. Au fond, cette identité est si peu collective, à l’examiner de plus près...

L’identité, au singulier,  ne serait-elle pas  peut-être justement ennemie de la singularité ?  C’est une réserve qu’il ne faudrait jamais occulter de son esprit,  quand on décide de  définir  son identité seulement par une appartenance communautaire.

Quelque en soit la nature et la noblesse de vos intentions, il me semble que le chemin de cette voie  mène à une impasse ; c’est un cloaque où l’odeur de la fange  devient  l’atmosphère. Parce que, à trop s’identifier aux  « nous », il me parait évident que l’on oublie le « je » qui est l’essence même d’une relation saine  avec notre environnement. Non  forcément un  « je » hédoniste ou égotiste, encore moins un « nous »  étouffant toute forme de déviance aux paradigmes établis par la  communauté. Tout ce qui peut différencier chaque Algériens de l’Algérie,  en tant que peuple nation, ne doit pas la diviser mais l’enrichir. Tout le monde devrait se faire  à cette raison au lieu de se chercher des poux  dans le chech de son voisin. C’est pourquoi, j’ai toujours pensé qu’il n’était pas inopportun  de  dissocier ce que nous sommes en tant que peuple, de notre existence intime.

Avant d’être l’Algérie, ne suis-je pas d’abord  moi-même ? Cette interrogation  ne me semble cependant légitime que si elle n’est pas égoïste. Etre soi-même, cela ne devrait jamais vous interdire d’apprécier ce qui vous diffère des autres.  Etre moi,  certes, c’est aimer l’Algérie, mais c’est également tant d’autres choses...

Ainsi, en tant qu’individu, je suis  Karim Tedjani, né à Paris et de sang algérien.  Algérien du  sang  de mes ancêtres,  mais aussi  de  celui de tous ces héros  ainsi que ces héroïnes  qui ont inventé le peuple Algérie en brandissant l’étendard de  leur fraternité contre un système dont la nature première était  de les diviser.

Du sang, certes, mais aussi  beaucoup de  sueur,  également. Celle  de mes parents et de leurs pairs,  par exemple, ces Algériens en exil,  qui ont tant sué pour  s’intégrer dans leur pays d’accueil. Tout en participant  également à l’économie du foyer familial  et donc de leur pays natal. Je   suis aussi  le fils d’un  soleil  couchant qui a bruni mon épiderme,  avant même que je ne m’y sois  un jour exposé.  Une seconde peau...

Je suis aussi né  et j’ai grandi dans une culture étrangère dont je ne serais jamais étranger.  Mais que j’ai assimilée, plus qu’elle n’a réussi à m’intégrer.  Etre Algérien de nature, cela ne m’aura jamais empêché de devenir Français. Bien au contraire, cette nature algérienne a donné à mon identité parisienne une dimension encore plus universelle. Mon identité parisienne  ne pourra jamais s’opposer à ma nature ancestrale.

Entendons-nous que,  pour moi,  être Algérien  ce ne saurait  seulement vivre en Algérie. De ce que j’ai appris de mon peuple, le voyage est une seconde nature pour nous ; et ce depuis la nuit des temps. Par exemple, prenez deux Français,  et mettez-les autour d’une même table. De ce que j’en sais, ils parleront  à coup sûr de cuisine,  de bonne chair,  des délices du vin et, parfois même de culture. Du moins,  la plupart de ceux que j’ai fréquentés en France, ou que j’ai pu observer. Je ne me cache pas d’aimer   aussi parler  de bonne cuisine ; d’ailleurs, souvent,  en Algérie,  on me reproche mes conversations un peu trop portées sur la gastronomie...

Chez nous, il me semble, on aime  plutôt parler de voyages, d’horizons lointains et des amis rencontrés sur la route. On ne parle pas trop à table, ce genre de palabres se font à d’autres occasions.Comme celle de la cérémonie du thé qui est encore une tradition bien vivace à travers toute l’Algérie ; surtout à mesure que l’on se rapproche du Sud.

Le plus respecté, dans nos discussions maghrébines, sera sans aucun doute celui qui  sera capable de vous décrire le plus de lieux, à travers le pays ou le monde, en vous citant tous les amis  qu’il s’y sera fait. Connaitre un endroit pour un Algérien, ne signifie pas seulement s’y être rendu ; mais en connaitre les coutumes ainsi que les familles ancestrales. Hommes ou femmes, c’est un radical commun   à la grande majorité de nos compatriotes.

C’est  un des nombreux indices qui fait  de l’Algérie un peuple transhumant, plus que nomade. Capable d’épouser tant  identités et de rester toujours  lui-même, de nature. L’Algérien né quelque part, en Algérie ou dans une autre contrée. Il choisit souvent de grandir ailleurs, dans un autre village, une autre région, un autre pays.  Mais son rêve le plus cher est  toujours de vieillir là où reposent ses ancêtres.

Qui, plus que l’Algérien, a revêtus de costumes identitaires  différents,  avant  l’avènement de son histoire moderne? On lui aura donné tous les rôles historiques, corsaire ottoman, cavalier numide, savant berbère en terre romaine, mercenaire pour les Arabes lors de la conquête de l’Andalousie. Peuple opprimé mais aussi d’épopées tribales, ennemi intime du Français, chacal des maquis,  lion des montagnes, sage religieux souvent en dissidence avec l’Orient.  Etre Algérien ou Algérienne, cela veut dire porter  tout cela en même temps en soi ;  et bien plus, il me semble...

Il y a aussi tout ce que nous devons devenir. Je pourrais dire, tout d’abord, redevenir. Mais une fois que nous aurons réussi à nous réconcilier avec notre nature matérielle et immatérielle passée, je pense qu’il faudra aussi avoir la maturité de la corriger...

Hommes Libres, le concept me va...En 2015, un homme libre, c'est aussi une femme libre. Voilà une des pistes les plus criantes pour un changement de fond. Quand certains comprendront  enfin que libre, ne veut pas forcement dire "libérée", au sens le plus caricatural du terme. La liberté est d'abord une responsabilité, et, de ce point de vue, qui pourra contredire que les femmes algériennes n'ont rien a envier à leurs compatriotes masculins dans ce domaine...

Aucune identité  nouvelle pour les Algériens  ne saurait perturber cette quête d'unité , si l’on considère que l’Algérie est un arbre, à la fois généalogique et physique dont les racines, habituées aux aléas du climat, sont toujours profondes là où il habite.

Ce qui compte ce n’est pas d’habiter l’Algérie, mais qu’elle vous habite comme la sensation d’un foyer commun. Parti de ce principe, rien ne vous interdit plus  de vous considérer descendant d’un tel ou d’un tel, ou bien justement de ne pas vous soucier de votre descendance. Tant que vous êtes Algérien ou Algérienne  de nature au présent. Ou du moins qu’être Algérien est une seconde nature pour vous. Alors, selon moi,  vous  faites   partie de l’Algérie. Bien entendu, ce n’est pas une sentence, mais plutôt une approche qui n’engage que moi et le fruit de ma quête personnelle  dans mon pays d’origine...

Si je me sens solidaire de tout ce qui pourrait faire la grandeur de mon pays, je me dois aussi  d’en assumer les défauts de nature  passés et actuels.  Le devoir de tout enfant n’est-il pas de dépasser ses parents, non dans ce qu’ils font, mais  dans ce qu’ils sont ? Et celui de leurs parents de leur offrir tous les moyens pour s’épanouir  ainsi? Il en va de même pour nous et l’Algérie. Elle ne pourra être une nation épanouie que si tous les Algériens qui la vivent s’y reconnaissent  sans se ressembler en tous points pour autant.

D’une manière plus universelle,  j’ai la naïveté de croire que notre vraie nature  humaine l’emportera toujours sur les identités préfabriquées. Qu’il n’a pas lieu de lutter contre elles, mais de les laisser s’annihiler d’elles même, se fondre dans une nature qui ne leur est pas hostile. Chacun a le droit de s’identifier à ce qu’il veut ; pourvu qu’il ne refuse pas la notion d’unité nationale. Plus on s’acharnera à étouffer dans l’œuf ces revendications identitaires et plus elles seront otages de la politique et des calculs séditieux.  On ne fera que les renforcer en s’y opposant de front. Si la nature nationale de l’Algérie était définie comme une capacité d’assimiler les différences, alors plus aucun régionalisme ne saurait être légitime dans le discours discordants contre l’Algérie unie. Unie, mais pas unique, justement...

C’est pour cela que, personnellement,  je ne suis  pas mal à l’aise de l’affirmer,   bien que de père  Soufi, je me sens  surtout Skikdi ;  de par ma mère et son père ;  encore plus  je suis un enfant de Guerbes, mon douar adoptif. Guerbes fut pour moi une seconde mère qui accoucha de l’Algérien que je suis et que j’aspire à devenir aussi. Mais encore plus, après tous ces voyages en Algérie, je me sens proche de tout le peuple Algérie, où qu’il se trouve. J’ai pu juger par moi-même que nous avons tant de points communs, quelles que soient nos identités ou nos personnalités. C’est cela l’Algérie moderne, et pas autre chose. Une conscience nationale, l’invention d’une société homogène, et non pas la conservation d’un peuple qui n’arrive pas à se définir par une identité présente. L’identité, pourtant, c’est ce que vous êtes au présent...

Si je suis très attaché à mes racines  algériennes de l’Est, je ne vois pas ma nature algérienne  comme un paysage  sédentaire. Elle  ne pourra  non plus rester éternellement la même. La preuve, « mon » Guerbes est en train de devenir un désert parce que les fellahs de mon douar ont changé d’identité.  Alors qu’il était  jadis, et qu’il devrait être aujourd’hui,   un havre de paix pour toutes les espèces vivantes locales. Au  sein d’une nature que seul un être humain saurait apprécier. 

Ceux qui sont devenus des machines humaines à faire du profit, eux,  l’ont déprécié au rang de valeur marchande. Vendu pour de l’argent sale, mon douar, par des vauriens  que l’on ne semble pas vraiment combattre  tant ils prolifèrent dans  nos campagnes algériennes.  Ce qui est en train de détruire cette région écologique qui s’étale du Cap de Fer jusqu’à Filifila, c’est bien une identité meurtrière qu’il serait possible de transformer ;  si l’on  se donnait vraiment la peine de réconcilier  ces êtres humains avec leur nature ; un milieu  à la fois social et sauvage.  Si je devais donner une définition algérienne du développement durable, se serait celui qui sert cette ambition. Développer durablement la nature humaine de  mon peuple  pour qu’il devienne enfin une société humaine, et non seulement  une masse populaire...

Peu importe que je sois de telle ou telle tribu. Je veux dire que rien ne m’empêche de m’en revendiquer ou non, d’ailleurs. J’ai le choix de faire ce que je veux  de mon identité,  dès lors  que j’affirme qu’elle n’appartient qu’à moi-même. L’identité nationale, c’est un leurre. La nature humaine me parait moins illusoire comme repère national.  Mais toujours avec la volonté de ne pas perturber l’écosystème fondamental qui fait de nous l’Algérie. Il y a tant de cultures, de traditions à puiser dans la nature de notre peuple. Il est pour moi celui du mouvement et non de l’inertie qu’on lui impose comme une identité. L’Algérien incivique, indiscipliné,  peu enclin au travail, corruptible à souhait  et incapable de civilité. Doit-on accepter ces lieux communs comme une fatalité ? C’est un défaut de dynamique qui  a fabriqué ce nouveau modèle parasite d’un Algérien adversaire de sa propre nature.

El Dja zaire, celui qui est passé par là. Notre peuple est un carrefour de biens des civilisations, mais toujours, c’est la terre, le climat et la biodiversité de ce pays qui ont  imposés à tout ce beau monde une nature bien particulière. L’Algérie n’est pas un pays figé dans l’espace et ne doit pas le demeurer dans le temps.  Ce pays existe également hors  de ses frontières. Partout où des Algériens aiment l’Algérie comme une patrie-mère.  Seuls des réactionnaires pourraient s’en désoler !

Demandez à la plupart des Algériens du monde entier,  ce qui les relie le plus intimement  à l’Algérie. Ce sera souvent, après leur famille,  la nature même de ses paysages et celle de ses habitants. L’Algérien dont  vous je parle n’est pas un visiteur dans son propre pays,  comme voudraient bien le faire admettre ses pires ennemis.  On dit  tout simplement  de lui, depuis toujours,  qu’il n’est que de passage ;  là où il pose  ses baluchons.  Ce  « drôle d’oiseau »  migrateur qui  revient toujours à ses origines. L’Algérien, souvent ne s’intègre pas ; mais il assimile la culture de ses hôtes.   Et quand il  respecte sa propre nature, il ne peut qu’être leur  parfait invité.

Non qu’être Algérien soit  pour moi une identité  unique et parfaite. L’Algérie a tant d’identités qui devraient être considérées comme complémentaires d’une même nature.  Pourtant,  certaines  s’avèrent antagonistes depuis si longtemps. 

Mais de ce que j’en sais, malgré tout le mal qui sévit en Algérie et  que l’on ne peut ignorer, la nature des Algériens n’est pas fondamentalement   devenue mauvaise. Il reste encore beaucoup d’humanité dans cette jeune société moderne qui se cherche un passé commun, au-delà de son histoire contemporaine. 

Ce ne sont pas que de belles paroles. Je l’ai maintes fois ressentie comme un havre paisible. Cette nature de mes origines,  que m’ont enseignée les anciens de mon entourage intime.  J’ai été témoin de beaucoup de comportements, parmi bien des jeunes Algériens et Algériennes qui sont autant de pépites vertes, des graines qui ont donné des arbres fleurissants.   Dans un désert social qui frise  parfois l’aridité morale dans le cœur de nombre de nos compatriotes, ce sont des miracles. Souvent, c’est le souvenir de cette nature ancestrale, sous l’angle d’une vision moderne qui a produit les plus beaux et sûrs espoirs qui persistent en Algérie.

Sur cette terre que l’on nomme à présent El Djazaïr, comme le nom d’un pacte sacré entre un peuple et le territoire qu’il hérita de son histoire. Car le jour où est née cette nation d’Algériens,  fut également l’avènement historique de  ce que j’appelle la nature algérienne. Celle d’un peuple unique sur un territoire indivisible. Tout ce que nous avons été jusque-là, entendez par là nos ancêtres, doit à présent se fondre dans une logique qui cherche des radicaux communs à toute cette richesse de différences que porte en son sein  le plus grand pays d’Afrique. Toute identité qui nous divise, ne doit pas être combattue par son contraire, mais plutôt revisitée sous l’angle de la concordance et du respect des particularités culturelles de chaque ou identité d’Algériens. 

Pour ma part, la matrice est  berbère,  car aucune autre identité ne ressemble  plus à l’Algérie que celle des Hommes Libres qui ont depuis la nuit des temps   été présents sur cette Terre-mère.

Celle  qui a enfanté le peuple que nous somme aujourd’hui. Et ce ne fut pas seulement pour y faire acte de présence et subir de nombreuses invasions étrangères. Notre berbérité est nationale, chaque Algérien doit se la réapproprier et ne pas la laisser entre les mains de ceux qui voudraient l’appauvrir par trop de haines stériles et « contre-naturelle ». Le cœur ou les poumons de l’Algérie pourront-ils lui être élevés sans la blesser mortellement ? Il est temps de chérir justement ces régions qui ont conservés pour toute l’Algérie cette part immense de notre nature nationale.

L’Islam, héritage d’origine arabe,  est  également une composante qu’il n’est pas non plus envisageable de renier  à  la nature Algérienne. Qu’on le veuille ou non. Je ne dis pas cela comme une défiance, mais avec un pragmatisme évident quand on connait l’importance de cette religion pour les Algériens de notre époque. Ne pas l’ignorer ne veut pas dire l’imposer. D’autant, qu’à présent  cette identité a subi une influence étrangère qui lui a fait perdre sa dimension ésotérique et savante pour le plus souvent un obscurantisme qui ne fait pas honneur au passé lumineux de la civilisation arabe.

Parler arabe, ce n’est pas être  forcément Arabe. Avoir du sang arabe, ne fait pas  de vous seulement un Arabe. En Algérie, il me semble, arabe ne peut-être qu’un adjectif. Il ne saurait se parer d’une majuscule sans être illégitime. Et puis tout dépend de quels Arabes ont voudrait m’imposer la solidarité, historique ou génétique. Si vous voulez parler de civilisation arabe, de son rayonnement à travers le monde, de son influence même sur les Ottomans qui ont longtemps occupé notre peuple ; alors le lien entre les Amazighs et eux est bien plus profond que la seule terre d’Afrique du Nord. L’Andalousie a été un formidable âge d’or où la culture arabe et berbère se rencontrées presque à égalité ; et c’est d’ailleurs un conflit  entre ces deux ethnies qui précipita en partie la chute de la civilisation arabe musulmane en terre d’Espagne...

Cette arabité, comme toutes les identités algériennes,  a su  devenir propre à la nature amazighe de l’Algérie. L’Islam est une religion universaliste dont la langue arabe est le vecteur le plus incontestable,  certes, mais cela ne rend pas notre religion essentiellement arabe. Rien ne s’oppose  en Islam à ce que l’on soit Amazigh et musulman sans être Arabe.

D’autant qu’il ne faudrait pas oublier que l’Algérie devrait participer plus activement au renouveau du Grand Maghreb,  comme réaffirmer sa part indéniable d’identité méditerranéenne. Au lieu de se limiter  dans un monde arabe d’Epinal, inventé de toute pièce, il me semble, par les orientalistes de l’Occident. Ce monde arabe, me fait penser à l’Arabie de ce Sir  Lawrence dont la magistrale biographie hollywoodienne ne doit pas faire oublier la réalité historique.

Il faudrait  aussi insister  fièrement sur  tout ce que notre nature doit à l’Afrique.  Que nombre d’Algériens sont noirs de peau. C’est un héritage   incommensurable pour l’Algérie.  Notre pays, c’est un  peu le Brésil africain ; au grand détail près que, chez nous, les Indiens n’ont pas été remplacés par leurs envahisseurs et que notre Amazonie est devenu un désert.  On sait à présent à quel point ces deux biotopes que toutes apparences sembles opposées, se rencontrent par une subtile symbiose.  Nous sommes un peuple qui a subi de nombreux métissages, mais qui a survécu à toutes les tentatives d’assimilations ou d’annihilation. C’est à mon sens ce qui fait de notre nature un formidable terroir pour cultiver harmonieusement la diversité ;  capable d’évoluer naturellement, sans aucuns intrants « contre-nature ». Et non  ressembler à un champ de monoculture qu’il faudrait constamment doper à la chimie, labouré en profondeur pour y  semer des graines génétiquement modifiées. On sait ce qu’il advient des sols qui ont subi une telle culture industrielle et on ne saurait souhaiter cela pour les champs nourriciers de la nature algérienne.

Aujourd’hui, l’Algérie, c’est  aussi un peu de tous ces pays à travers le monde  qui ont adoptés des Algériens. Cette nature  d’Hommes Libres  s’est imprégnée, de gré ou de force,   à bien d’autres  civilisations. Des invasions et colonisations,  des exils,  qui n’ont   fait, au fond,  que nourrir son rayonnement. Chacun Algérien de nature est une identité algérienne  bien particulière. Elle lui est propre  et elle ne devrait pas le couper, ni du  reste de l’Algérie, ni d’une façon universelle, de tout  être humain...

En ce qui me concerne,  si l’on devait définir un espace culturel dans lequel notre nature s’inscrirait de la manière la plus universelle, alors j’inventerais le nom d’un continent imaginaire : l’Afro Andalousie. Il s’étendrait de l’Amérique du Sud, en passant par l’Afrique du Nord, pour se finir en Europe du Sud. Et cette idée de ma nature profonde, dont le pôle est mon pays et peuple d’origine, tire sa source de l’histoire si peu connue et relatée  de nos illustres ancêtres communs, les Amazighs...

Mais peut-on être indéfiniment ce qui a été ? N’y a-t-il pas plus grande vertu à être et devenir en même temps ? Il me semble que si l’Algérien aime l’horizon lointain avec autant de ferveur que le soleil couchant illumine sa terre natale, il ne perd rarement le nord de sa rose des sables intime. Ce qui fait de nous le peuple Algérie, est à l’image de ses joyaux minéraux forgés par le milieu qui les contient. C’est ce qui me porte à penser que cette nature à la fois transhumante physique  et profondément sédentaire socialement, est un socle très solide pour porter en soi n’importe quelles identités.

C’est à mon humble avis ce qui doit compter. Etre Algérien ne devrait pas nous empêcher de devenir tout ce qui pourrait nous rendre heureux ;  de  changer ce  que nous avons été. Mais reste d’abord à définir cela, ce qui n’est pas une mince affaire.

Puis,  une  fois convenus  de ce que nous sommes ensembles, tout en restant nous-même, individuellement, il faudra bien évoluer de concert pour le bien-être et  le bien-devenir de ce  pays qui nous est si cher ...

Source : http://www.nouara-algerie.com

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